Pour une protection écologique et durable de l’acier contre la corrosion

Le 1 mars 2018

Phénomène naturel complexe, la corrosion a toujours été un problème industriel majeur. En effet, en plus des pertes de matière énormes, la corrosion coute cher. D’après la WCO (World Corrosion Organization), chaque année c’est près du quart de la production de l’acier qui est détruit par la corrosion. Cela correspond environ à 150 millions de tonnes/an ou encore 5 tonnes/seconde.

Limites actuelles des techniques de protection de l’acier contre la corrosion

 

Dans les secteurs de l’industrie et de la métallurgie (automobile, construction, etc), la surface des tôles en acier est revêtue afin de les protéger contre les attaques de corrosion. Celles-ci surviennent, par exemple, pendant le stockage des tôles ou sur des véhicules (pluie, sels de déneigement…). A l’échelle industrielle, deux procédés sont majoritairement utilisés pour protéger les aciers de la corrosion : la galvanisation et l’électrozingage .

Toutefois, les méthodes classiques de protection ne suffisent pas. De plus, le coût total de la corrosion atteint aujourd’hui de 3 à 4 % du PIB mondial…

Le plus souvent, des faiblesses de tenue à la corrosion sont observées sur les aciers zingués. Comme par galvanisation à chaud lorsquils sont entreposés pendant de longues périodes dans des conditions non contrôlées (et souvent corrosives). Ces aciers présentent une mauvaise aptitude au collage, en particulier pour les aciers revêtus de zinc sur leurs deux faces.

Par ailleurs, dans le secteur automobile, les revêtements existants des surfaces métalliques sont souvent insuffisants. Particulièrement en ce qui concerne la protection des pièces critiques des véhicules (portières, longerons, bavolets…) et les bords découpés. Ils doivent alors être complétés par des post-protections afin daugmenter la tenue à la corrosion de lensemble.

Les post-protections usuelles consistent à injecter des cires chaudes dans les corps creux des véhicules et à appliquer des mastics détanchéité sur les bords découpés. Ces solutions engendrent la formation de chrome hexavalent, de composés organiques volatils… Dont le recyclage est complexe, ce qui dégrade aussi lenvironnement.

 

Recherche de nouveaux moyens de protection de l’acier contre la corrosion

 

Depuis quelques années, le développement expérimental de nouvelles solutions met en œuvre une protection et une fonctionnalisation de tôles en acier plus respectueuses de lenvironnement. Il s’agit notamment de développer expérimentalement soit de nouveaux traitements de surface anticorrosion pour les tôles en acier. Soit d’améliorer les fonctionnalités des surfaces (thermiques, anti salissures…). L’objectif est de générer peu de nuisances pour lenvironnement (pollution directe et recyclage). Le tout en permettant daugmenter la tenue à la corrosion (pièces critiques, bords) et la soudabilité (laser, par points) de ces produits.

Par ailleurs, le développement de nouveaux revêtements impose également de développer de nouveaux procédés. Notamment pour que ces revêtements aient des performances accrues en termes de protection de l’acier, de formabilité, de soudabilité et de fonctionnalité.

 

Utilisation de revêtements de ZnMg

 

Il existe aussi depuis peu des revêtements anticorrosion de zinc-magnésium obtenus en déposant sous vide (par PVD) du magnésium sur une couche de zinc déjà présente (obtenue par galvanisation ou électrozingage). La formation de lalliage est ensuite obtenue par le biais de traitements thermiques.

En moyenne, les revêtements de zinc-magnésium atteignent dans l’essai au brouillard salin une plus grande résistance à la corrosion. En effet, ils ont un facteur de 5,4 par rapport à un revêtement en zinc pur (galvanisation). Lors d’une couche d’une épaisseur de 10 µm de magnésium de zinc, l’action protectrice est toujours 2 fois plus grande que celle d’une couche en zinc d’une épaisseur de 20 µm. Elle atteint de plus les mêmes valeurs qu’une couche d’une épaisseur de 20 µm en zinc-aluminium.

Nouveaux traitements d’origine végétale : la carboxylation

L’utilisation d’acides gras issus de la filière végétale est également à l’étude. Leur but est la mise au point d’un revêtement susceptible de substituer au traitement de préphosphatation et huilage des tôles avant emboutissage.

Les travaux réalisés depuis quelques années dans le cadre du Programme AGRICE (Agriculture pour la chimie et l’énergie), soutenu par l’ADEME, ont montré que le système moléculaire organisé le plus approprié au dépôt est l’émulsion d’acides gras en milieu aqueux. A l’issue du projet, il est notamment apparu que la formation d’un film protecteur est réalisable à grande échelle. Des améliorations restent cependant à apporter. Néanmoins les valeurs des coefficients de frottement obtenues lors des tests laboratoires ont été remarquablement basses. L’application immédiate de ce traitement concerne l’emboutissage des tôles d’automobiles.

 

Utilisation des nanoparticules pour la protection de l’acier

A l’échelle européenne, le projet STEELCOAT a été lancé dans le cadre du 7ème programme cadre FP7. Son but est de développer des revêtements anticorrosion écologiques à base de nanoparticules non nocives pour l’environnement et de polymères conducteurs. Les revêtements utilisés sont à base de solvants à teneur élevée en matières solides (HS) avec de faibles concentrations en composés organiques volatils dangereux. Des revêtements à base d’eau (SECHA) sont également utilisés.

Cette dernière technologie à base d’eau fournit une excellente adhérence multi-substrat et d’excellentes propriétés de barrière anticorrosion. Elle peut être notamment utilisée en peinture comme une seule couche pour application DTM (Direct to Metal), dans un système à un composant (1K) ou pour des applications de séchage à l’air.

 

Ainsi, la maitrise des mécanismes en jeu et les progrès technologiques accumulés ces dernières années permettent de mieux prévenir les phénomènes de corrosion. Notamment dans des environnements jugés de plus en plus agressifs. Des moyens de protection de l’acier plus efficaces et plus durables apparaissent progressivement, initiés conjointement par la recherche privée et publique (programmes H2020, FP7…).


Références bibliographiques

  1. Normand, N. Pébère, C. Richard, M. Wery, Prévention et lutte contre la corrosion: une approche scientifique et technique, Presses polytechniques et universitaires romandes, INSA Lyon 2004.
  2. Roche, L’essentiel sur la protection cathodique, CEFRACOR, 2015.
  3. Quantin, La galvanisation à chaud : procédés, Techniques de l’ingénieur, 2004.
  4. Depetry-Wery, H.F. Ayedi, Electrozingage, Techniques de l’ingénieur, 2007.
  5. Aciers électrozingués une ou deux faces, ArcelorMittal Automotive Worldwide, 2017.
  6. Jacques, thèse de doctorat, Programme de recherche AGRICE- Nouveau traitement de surface du zinc par des acides gras d’origine végétale : la carboxylation, CNRS Nancy, 2005.
  7. Final Report Summary – STEELCOAT (Development of green anticorrosion coatings for steel protection based on environmentally friendly nanoparticles and conducting polymers) : http://steelcoatproject.com/
  8. Bétremieux, A. Boone, C. Chambat, G. Delmas, A new way to ensure metal protection with Waterborne Dispersion, ECS 2013.

 PVD : Physical Vapor Deposition, ou déposition physique en phase vapeur. Il sagit de techniques de dépôt sous vide, les plus fréquentes étant la pulvérisation cathodique et lévaporation.

Carboxylation : toute réaction chimique aboutissant à l’addition d’un groupe fonctionnel carboxyle à une molécule organique.


Par Marie-Christine DEMIZIEUX, consultante en financement de l’innovation ACIES | ABGI