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Qui aurait pu penser que cette drôle de créature appelée blob puisse être en passe de révolutionner notre approche sur le développement des biocapteurs ? À l’heure où la recherche médicale est en constante innovation, les propriétés de cet organisme poussent les chercheurs à s’interroger sur une possible introduction du blob dans les biocapteurs en tant qu’organisme vivant autonome. Explications.
Le « Blob », non ce n’est pas une nouvelle onomatopée qui vient d’intégrer nos dictionnaires. Sous cet étrange surnom se cache en réalité le nom plus scientifique de physarum polycephalum. Ce physarum appartient à la famille des myxomycètes. Il s’agit d’un organisme unicellulaire à l’aspect visqueux. C’est ce qui lui doit son surnom de blob en référence au film d’horreur des années 50, Le Blob. En effet, dans ce film, la créature géante est gluante et se glisse partout, ce qui terrorise la ville.
Aussi surprenantes que son nom, les caractéristiques qui définissent le blob sont étonnantes. Cet organisme réussit à se déplacer comme une amibe en se déformant à l’aide de contractions musculaires oscillantes. Il est dépourvu de cerveau mais son comportement montre qu’il est doté d’une certaine forme d’intelligence primitive. Il est capable, par exemple, de se déplacer dans un labyrinthe en empruntant le chemin le plus court. Des études ont montré qu’il était également en mesure de former des réseaux plus optimisés que ceux créer par l’homme. Il a notamment reproduit le système de métro de Tokyo en le rendant plus efficace que celui existant.
Il réagit à différents stimuli tels que
Le blob vit dans les environnements sombres, frais et humides tels que les sous-bois. Il se nourrit de bactéries et de spores de moisissures. La plupart des expériences menées avec ce dernier lui proposent des flocons d’avoine en guise de nutriment. S’il évolue dans un milieu qui lui convient, il double de taille tous les jours. Le physarum est visible à l’œil nu et de couleur jaune.
À l’inverse, s’il manque de nourriture ou s’il est confronté à la lumière, il se rétracte et peut souffrir de sécheresse. Mais là où ses propriétés impressionnent, c’est qu’il ne meurt pas pour autant. Il semble immortel car il est capable de se mettre en hibernation lorsque les réserves lui manquent. Il résiste aussi au feu et à l’eau. Enfin, il peut également être découpé en morceaux puis se régénérer.
C’est donc pour ses diverses caractéristiques et propriétés physiques que le physarum intéresse depuis plusieurs années la communauté scientifique.
Les biocapteurs (ou biosenseurs) sont des dispositifs de mesure qui, à l’aide d’un biomarqueur de l’organisme, vont être capables de détecter la présence de ces biomarqueurs dans le sang sans traitement de l’échantillon au préalable. Ils ont donc l’avantage de proposer des résultats en instantané.
Le but d’un biocapteur est qu’il soit facile à mettre en œuvre avec des mesures automatisées, voire un contrôle à distance. Le biocapteur peut être miniaturisé pour des applications à usage unique ou pour être intégré dans des dispositifs multi-mesures plus conséquents.
Le biocapteur le plus connu est le glucomètre. Il est utilisé chez les personnes souffrant de diabète pour mesurer leur taux de glycémie dans le sang sans délai.
Un biocapteur est un instrument qui associe
C’est ce signal électrique qui peut être interprété. Chaque biocapteur est développé pour un seul composant biologique. Si nous reprenons notre exemple du glucomètre, il est dédié uniquement à la détection de la glycémie dans le sang.
La conversion en un signal électrique interprétable par le transducteur s’opère par une réaction entre un capteur déposé sur le transducteur et l’échantillon testé. Cette réaction varie selon le type de transducteur utilisé et donc le type de capteur associé. Propriétés des différents modèles de transducteur :
La réaction est également rendue possible grâce à un élément sensible présent dans le biocapteur et qui va détecter l’analyte d’intérêt lors du test (l’échantillon testé). Les trois grandes catégories d’éléments sensibles sont les biosenseurs :
Même s’il existe de nombreux biocapteurs différents, certains sont plus connus que d’autres aux yeux du grand public. Nous avons déjà abordé le glucomètre pour le diabète mais il existe entre autres :
Comme nous l’avons vu, les biocapteurs sont composés d’éléments sensibles permettant la réaction électrochimique détectable puis interprétable par le transducteur. Les biocapteurs à cellules entières ont montré ces dernières années des résultats satisfaisants quant à leur utilisation en élément sensible de détection. Ils offrent une plus grande stabilité que des enzymes ou des protéines. La limite de ces cellules entières est leur durée de vie. Dans un milieu sec comme un biocapteur, les cellules finissent par mourir et ne sont plus utilisables.
Le blob présente donc l’avantage d’être un microorganisme unicellulaire qui est presque immortel par sa capacité à résister pendant de longues périodes à un environnement sec. Sa simple réhydratation permet sa réactivation. Une étude a été menée en 2016 sur le développement d’un biocapteur capable de détecter la toxicité d’une substance cancérogène et polluante. La cellule du blob a été en mesure de détecter cette substance.
Le projet PhySense, extension du projet PhyChip (achevé en 2016), a entrepris le déploiement de nombreux biocapteurs à base de blob. Leur but est de contribuer
Les deux atouts indéniables du blob sont
Ainsi, à l’aide de nutriments, d’humidité et de lumière, le physarum va s’étendre entre les électrodes du transducteur et communiquer des informations précises.
La science participative est comme son nom l’indique une méthode de recherche où tout le monde peut participer. Le but n’est pas de limiter des recherches scientifiques uniquement aux chercheurs en laboratoire mais d’inclure le plus grand nombre de personnes voulant s’impliquer dans un projet collaboratif. En anglais, elle s’appelle la « citizen science », la science du citoyen, et cela résume bien le concept.
Comme nous l’avons vu, le physarum est un microorganisme complexe qui regorge de multiples facettes que nous ne connaissons pas encore parfaitement. Le blob est également un microorganisme sans risque à manipuler même pour des enfants. Il a donc tout intérêt à s’intégrer dans la science participative.
Derrière les projets européens PhyChip et Physense, le but des chercheurs était de développer des outils accessibles à tous. Cela leur a permis de déployer leurs biocapteurs à base de blob dans de nombreux laboratoires pour obtenir un grand nombre de données scientifiques sur les expériences menées avec le blob.
Le blob a aussi un grand potentiel de calcul. Il est très étudié dans les milieux de la robotique et de l’informatique pour sa capacité à développer des algorithmes non envisagés par des ingénieurs (exemple avec le réseau du métro japonais).
Thomas Pesquet s’est envolé en avril 2021 pour la mission Alpha. Avec lui, il a emporté quatre blobs dans le but de les étudier pour la première fois en micropesanteur. Dans cette optique de science participative, le CNES, en partenariat avec le CNRS, a lancé une expérience appelée #Élèvetonblob. Il s’agit d’une expérience proposée à 4500 classes de primaire, collège et lycée dans laquelle les élèves ont dû étudier le comportement du blob. Guidés par Thomas Pesquet, les élèves devaient reproduire sur Terre les mêmes expériences que lui pour comparer les résultats.
À travers une telle expérience, les élèves ont pu apprendre de nouvelles connaissances tout en participant à l’avancée des connaissances générales de la communauté scientifique sur le blob.
Nous l’aurons compris, cette créature, aussi étrange soit-elle, fascine. L’intérêt grandissant que lui porte la communauté scientifique est parfaitement justifié car nous sommes sûrement au début des découvertes à son sujet. L’avancée technologique d’un biocapteur à base de physarum est déjà une révolution dans le développement de ces dispositifs en devenir dans le monde scientifique.
Léa Goux
Rédactrice scientifique
ABGI France