FR
Santé et cosmétiques
Actualités
Par Mathieu Jouannin Consultant – Financement de l’Innovation ACIES-ABGI Group
Les lymphocytes T sont une catégorie de leucocytes (les globules blancs) impliqués dans la réponse immunitaire secondaire. Leur rôle est de patrouiller dans le corps à la recherche des antigènes, c’est-à-dire un fragment des corps étrangers (virus, bactéries…) et d’activer une cascade de réactions amenant à leur élimination.
Les cellules T sont différenciées avec chacune un rôle bien défini :
De nombreuses cellules cancéreuses ont développé un mécanisme de défense contre les lymphocytes T : elles expriment des récepteurs inhibiteurs. Les lymphocytes T deviennent incapables de reconnaître ces cellules et n’activent plus la réponse immunitaire. C’est ainsi que les cellules cancéreuses peuvent proliférer. C’est ce que les chercheurs appellent la stratégie d’immuno-évasion.
L’idée de base est de modifier les lymphocytes T en leur donnant la capacité à exprimer un récepteur chimérique (CAR). Ceci permet de reconnaître spécifiquement les cellules cancéreuses et engager la réponse immunitaire capable de les détruire.
Le récepteur chimérique est basé sur une molécule exprimée par les cellules cancéreuses. Cette molécule est donc spécifique à chaque cancer.
A partir d’un prélèvement sur le patient, les lymphocytes T sont isolés puis la capacité à exprimer le CAR leur est conférée par l’introduction de nouvelles séquences dans leur génome. En plus du CAR, la capacité à exprimer des co-récepteurs activateurs qui vont réussir à contrer les molécules inhibitrices exprimées par les cellules cancéreuses dans les CAR T de dernière génération est associée. Les lymphocytes T sont alors réinjectés chez le patient en nombre important et lui permettent d’assurer une défense immunitaire spécifique contre le cancer. Ces lymphocytes étant issus du corps du patient, ils ne sont pas eux-mêmes l’objet d’un rejet, ils peuvent ainsi persister dans le sang et poursuivre leur action contre des cellules cancéreuses résiduelles.
La première cellule CAR T a été décrite en 1993. L’ingénierie associé à la production des cellules CAR-T a largement évolué depuis mais reste complexe. Seul un nombre d’acteurs limité est en capacité de produire ces cellules qui doivent être personnalisées à chaque patient. Les travaux se poursuivent pour améliorer la sécurité de leur emploi. En effet, certaines cellules saines peuvent également exprimer les molécules ciblées comme étant exprimées par les cellules cancéreuses. Ainsi des travaux visent à ajouter plusieurs récepteurs chimériques selon une logique booléenne de façon à améliorer la spécificité et donc la sécurité d’emploi pour les patients.
Le coût associé aux traitements anticancéreux par les cellules CAR T reste aujourd’hui extrêmement élevé. En effet, contrairement à un médicament basé sur une molécule pouvant être produit en quantités permettant d’amortir les coûts associés au développement, il s’agit d’un produit unique car il est personnalisé pour chaque patient.
Les perspectives de développement peuvent permettre d’envisager une réduction des coûts en développant des plateformes de production de médicaments personnalisés. Néanmoins l’accessibilité financière à ces thérapies reste une problématique à solutionner. Les efforts engagés par la société Cellectis dans cette voie sont à signaler.
Plusieurs études cliniques visant à évaluer l’efficacité et la sécurité d’emploi des cellules CAR T ont été lancées depuis 2014. Ces études adressent de nombreuses pathologies parmi lesquelles des leucémies, le cancer du sein triple négatif, le cancer du poumon non à petite cellule, le cancer folliculaire… L’intérêt de cette stratégie thérapeutique est énorme, en témoigne l’implication de start-up en biotech (Kite Pharma – racheté en Aout 2017 par Gilead-, Juno Therapeutics) mais également d’acteurs majeurs du secteur de la santé comme Novartis et Servier.
Plusieurs effets indésirables graves ont été constatés entraînant la suspension de certains de ces essais. Toutefois cette voie reste extrêmement prometteuse et constitue à terme un espoir pour plusieurs types de cancers pour lesquels les solutions thérapeutiques restent limitées ou insuffisamment efficaces.