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Une nouvelle pandémie à l’échelle mondiale : fiction ou futur annoncé ?

Le 28 juin 2018

Depuis quelques années et les épidémies de grippes aviaires ou porcines, la menace d’une pandémie mortelle pèse sur le monde. Les récentes crises ont montré que celle-ci était possible si un virus suffisamment pathogène émergeait. Comment un tel type de virus pourrait voir le jour ? Des études récentes menées sur des « supervirus » inquiètent la communauté scientifique.

 

Des précédents annonciateurs

C’était il y a 100 ans, la plus violente pandémie que le monde ait connue jusqu’à ce jour. La grippe dite espagnole (pourtant originaire de Chine) infecta un milliard de personnes. Cette souche H1N1 extrêmement virulente fit entre 50  et 100 millions de morts en un an, soit bien plus que les estimations qui avait pu être faites suite à l’épidémie de peste noire du XIVe siècle (25 à 45 millions de morts). Les études menées sur des souches congelées retrouvées en Norvège ont permis de déterminer sa séquence nucléotidique complète et son évolution. D’abord souche fortement contagieuse mais peu virulente, une mutation acquise a posteriori l’a rendue pathogène et mortelle dans de nombreux cas. Les résultats obtenus ont aussi permis de fortement suspecter l’origine aviaire du virus .

 

Le virus H1N1 de 2009, prémices d’une nouvelle grippe espagnole ?

Le spectre d’une telle menace est réapparu en 2009 avec l’émergence du virus de la grippe A, également de type H1N1. La virulence de celui-ci provient d’une combinaison unique de grippe porcine, aviaire et humaine. C’est ce qui le différencie de la grippe saisonnière. De manière inquiétante, l’analyse du virus par les chercheurs a montré des marqueurs de virulence qui ont été observés dans le virus de 1918 .

Les symptômes de la maladie, durant au maximum une semaine, sont analogues à la grippe saisonnière et incluent généralement fièvre, éternuements, maux de gorge et de tête, toux, douleurs musculaires et articulaires. De manière contre-intuitive, les personnes âgées ont bien résisté à l’épidémie, puisqu’elles ont connu des souches similaires dans les années 1950 et ont donc conservé pour la plupart une bonne résistance. Cette grippe a donc circulé beaucoup plus aisément chez les jeunes. Cependant, les femmes enceintes et les personnes souffrant d’obésité présentent un risque accru. Grâce aux techniques modernes de prévention et à la vaccination, la pandémie a réussi à être endiguée au printemps 2010. Cet épisode pourrait cependant ne pas être le dernier.

 

L’étude des supervirus

Grâce au travail de plusieurs équipes de chercheurs, notamment celle du Dr Jeffery Taubenberger de l’Institut de pathologie des forces armées américaines, il a été possible pour la première fois de synthétiser artificiellement le virus de 1918 . Plus récemment, des équipes de l’université du Wisconsin et de l’Erasmus Medical Center aux Pays-Bas ont modifié des séquences de la grippe aviaire H5N1, la rendant encore plus pathogène que le virus de la grippe espagnole . Ces travaux, certes effectués dans un but de compréhension et de prévention d’une future épidémie, représentent un risque non négligeable. En effet, la plus grande pandémie jamais connue pourrait devenir réalité en cas de dissémination accidentelle ou de pulvérisation en tant qu’arme biologique. C’est ainsi que la publication de ces résultats a longtemps été contestée, soumise à embargo mais finalement publiée.

Bien que confiné dans des laboratoires sécurisés, le risque de dissémination n’est pas à exclure. Il est à noter qu’une étude de l’université d’Harvard et de Yale a démontré que, si dix laboratoires de type BSL3 conduisaient aux États-Unis des recherches similaires sur des souches fortement pathogènes comme celles-ci, pendant 10 ans, il y aurait 20 % de chance de fuite à l’échelle mondiale .

 

Le pari de les étudier malgré le risque

Alors, méthode de prévention ou risque inutile encouru ? La communauté scientifique est toujours divisée. Il y a d’un côté des chercheurs qui créent ces virus hybrides dans des laboratoires sécurisés de type BSL3 dans le but de déterminer les mécanismes de mutation de ces virus qui peuvent devenir des menaces pour l’homme. D’un autre côté, certains scientifiques soutiennent que ce type de recherche est purement spéculatif et ne permet pas de protéger l’homme, mais fait au contraire encourir un danger à la population mondiale.

Le Pr Yoshihiro Kawaoka, auteur de l’une de ces études, affirme que son groupe de chercheurs a pleinement conscience du risque encouru et que la compréhension des mécanismes biologiques sous-jacents, qui rendent le virus si virulent, sont d’extrême importance pour la prévention de potentielles futures pandémies.

À l’inverse, certains chercheurs s’inquiètent du bien fondé de mener ce type de recherches. Parmi eux, Simon Wain-Hobson, rétrovirologiste moléculaire à l’institut Pasteur de Paris. Ce dernier craint notamment que les autorités et les organismes financeurs ne prennent les risques au sérieux qu’une fois l’accident arrivé . Ces études sont toujours en cours, même si aucune nouvelle publication n’est apparue ces derniers mois. Pas de nouvelle, bonne nouvelle ?

 


Références

  • Mark J. Gibbs et Adrian J. Gibbs, « Molecular virology : Was the 1918 pandemic caused by a bird flu? », Nature, vol. 440, no 7088,‎ 27 avril 2006, E8-E8.
  • Chen G, Shih S. Genomic Signatures of Influenza A Pandemic (H1N1) 2009 Virus. Emerging Infectious Diseases. 2009;15(12):1897-1903.
  • Taubenberger, Jeffrey. “Characterization of the 1918 influenza virus polymerase genes”. Nature. 437, 889-892 (2005).
  • Tokiko Watanabe, Gongxun Zhong, Colin A. Russell, et al. Circulating Avian Influenza Viruses Closely Related to the 1918 Virus Have Pandemic Potential. Cell. Volume 15, Issue 6, p692–705.
  • Lipsitch M, Galvani AP (2014) Ethical Alternatives to Experiments with Novel Potential Pandemic Pathogens. PLOS Medicine 11(5): e1001646.
  • Science sans conscience : Et si on donnait des ailes au virus qui a tué 50 millions de personne en 1918 ?

Par Romain FOL, consultant en financement de l’innovation ACIES | ABGI