Filière cosmétique : tour d’horizon d’une filière en mutation

Le 11 avril 2017

Enjeu 1 : faire face à une concurrence internationale croissante

La filière cosmétique se positionne à l’interface de plusieurs filières stratégiques industrielles françaises. Elle regroupe les secteurs des matières premières, de l’emballage, de la cosmétique, du design, de la chimie, de la fabrication, des laboratoires de R&D dermo-cosmétiques. Les métiers de la cosmétique s’articulent autour de l’extraction, la formulation des matières premières, la caractérisation et le criblage de leurs principes actifs. Mais aussi de l’emballage des produits, le lancement des produits finis, le marketing effectué et leur distribution.

Cette industrie représente en France 25 milliards d’euros de chiffre d’affaires, et 150 000 emplois. Elle constitue de plus le 2e contributeur en excédent commercial.

La France est de plus le premier exportateur mondial de l’industrie cosmétique. En effet, 80% des produits du luxe et de la beauté sont aujourd’hui fabriqués dans l’hexagone. Le marché des cosmétiques représente 70 milliards d’euros en Europe. Une projection place de plus la Chine, l’Inde et la Russie dans le top 5 des pays consommateurs en 2020.

Par ailleurs, ce secteur de marché est arrivé à maturité en Europe de l’Ouest, au Japon, aux US.

Si la marque France bénéficie d’une bonne image dans le monde, la concurrence internationale s’organise et s’accroit dans ce secteur. Celle-ci misant sur des investissements massifs dans la R&D pour développer et vendre des produits toujours plus innovants, performants et variés.

Conclusion :

Les entreprises du secteur doivent s’aligner à cette course à l’innovation en maintenant leurs efforts d’investissement R&D pour conserver leur part de marché et se différencier.

Enjeu 2 : faire face à des contraintes réglementaires accrues qui durcissent les obligations de mise en conformité des industriels de la filière cosmétique

Ces dernières années, l’évolution de la production de produits pharmaceutiques a accéléré les synergies entre les secteurs pharmaceutiques et cosmétiques. Cette évolution a notamment conduit à une influence des normes de l’industrie pharmaceutique sur la filière cosmétique (bonnes pratiques de formulation et de fabrication). Mais aussi à un durcissement des obligations de justification d’allégations sur l’efficacité de ses principes actifs et de l’innocuité des composants (métaux lourds, allergènes, perturbateurs endocriniens).

Les entreprises doivent prouver l’efficacité et la non dangerosité des principes actifs d’un produit. Ces tests sont la plupart du temps réalisés à l’extérieur afin d’en assurer la neutralité.

En parallèle, la troisième et dernière deadline pour l’Enregistrement REACH des substances chimiques, prévue pour mai 2018, approche à grands pas. Les acteurs majeurs de la filière Cosmétique prévoient ainsi une mobilisation accrue dès 2016. L’enregistrement des substances est nécessairement obligatoire auprès de l’Agence européenne des produits chimiques. Les substances n’ayant pas été enregistrées ne pourront donc plus être mises sur le marché européen. L’objectif est d’écarter tout risque d’irritation. Cette dernière deadline présente des enjeux financiers. Tout d’abord, des risques de ruptures d’approvisionnement de la filière, mais aussi des besoins en formation pour sécuriser ces nouvelles obligations à toutes les étapes de la chaîne d’approvisionnement.

La CJCE a réaffirmé enfin dans un avis du 21 septembre l’interdiction du recours aux modèles animaux pour les essais d’efficacité et d’innocuité. A savoir que ces expérimentations animales sont requises, par exemple, en Chine et au Japon pour que puissent être commercialisés des produits. En conséquence, les entreprises utilisent des méthodes alternatives, d’objectivation in vitroin vivo et ex vivo (peaux reconstruites et explants de peaux humaines).

Conclusion :

Les contraintes réglementaires, l’amélioration des méthodes d’investigation (instruments compris) et les besoins de professionnalisation de la filière engendrent une hausse des coûts de développement. Ces coûts doivent être supportés par les entreprises de la filière.

Enjeu 3 : jouer un rôle dans la transition écologique et énergétique : une R&D qui se tourne vers les ingrédients biosourcés

Consciente de son impact sur l’environnement et la société, l’industrie cosmétique veut proposer des solutions acceptables et efficaces. Tant sur le plan environnemental, que social et économique. La matière végétale est une ressource intéressante et pertinente pour l’industrie cosmétique. Pour autant, son utilisation peut aussi entraîner une pression sur la ressource et aboutir à des effets néfastes.

En réponse à ces enjeux environnementaux, la culture de cellules végétales en bioréacteurs offre un moyen de production durable d’ingrédients biosourcés. Cette approche permet notamment de produire des actifs à la demande dans un environnement contrôlé. Ceci indépendamment de l’écosystème de la plante d’origine et dans le respect des principes de la chimie verte. La culture de cellules souches végétales permet aussi de produire des molécules ou métabolites secondaires normalement pas produits par la plante mature. Cette approche biotechnologique est donc une source de nouveaux ingrédients bioactifs.

L’ADEME dans son appel à projet « Chimie du végétal et matériaux biosourcés » affiche son objectif : soutenir le développement de produits biosourcés en substitution aux hydrocarbures fossiles. La principale raison étant leurs impacts environnementaux réduits. Cet appel à projet soutient ainsi les projets de R&D contribuant à mettre sur le marché de nouveaux produits biosourcés compétitifs et éco-conçus obtenus à partir de biomasses résiduelles. Tels que Intermédiaires chimiques, Tensioactifs, Solvants, Polymères, Matériaux composites et Biocarburants avancés.

Conclusion :

Les enjeux de durabilité et de respect de l’environnement vont transformer durablement les produits, méthodologies et instruments utilisés par les acteurs de la filière.

Enjeu 4 : réinventer son modèle économique pour rester compétitif

L’innovation demande un investissement considérable. Elle permet néanmoins à l’entreprise de conquérir de nouveaux marchés ou d’augmenter son emprise sur des marchés qu’elle exploite déjà. Hors de nombreux facteurs représentent des freins au maintien de la compétitivité des entreprises. Comme la hausse des coûts de développement liée aux contraintes réglementaires, la hausse des coûts de recherche liés aux impératifs d’innovation, ou le besoin de formation pour faire face à l’émergence de nouveaux métiers. L’augmentation coûts de PI liée à des dépôts de brevet croissant est lui aussi un frein notable.

Face à ces difficultés, différents acteurs  de la filière sont de plus en plus nombreux à repenser leur modèle économique. Les grands groupes, les ETI et les PME repensent leurs stratégies de différenciation en multipliant des initiatives collaboratives et d’innovation ouverte.

Les passerelles entre les centres de recherche des différentes filières industrielles (pharmaceutique, agroalimentaire, cosmétique) se multiplient. Ceci dans une démarche de décloisonnement de la recherche. Les collaborations avec l’industrie existent depuis longtemps. Néanmoins elles évoluent également avec la mise en place de programmes collaboratifs nationaux (BPI, PIA) et européens (H2020). Des équipes sont désormais dédiées à la gestion des partenariats, que ce soit dans les PME ou au sein de grands groupes. On assiste au développement de plateformes de mutualisation d’équipements et de ressources. Le but est de faciliter les transferts de connaissance porté par de grands donneurs d’ordre. Ceux-ci sont désireux de faire monter en gamme leur tissu de fournisseurs et de détecter de nouvelles innovations parmi les jeunes pousses de la filière.

Conclusion :

Les démarches d’innovation ouverte interviennent en réponse aux grands défis auxquels sont confrontés les acteurs de la filière cosmétique. Elles passent via la mise en place d’outils technologiques d’excellence (techno-centres, plateformes technologiques, Fab Lab, Production Lab). Mais aussi par l’implication croissante des grands donneurs d’ordre dans des projets d’innovation collaboratifs. Les agences de soutien à l’innovation ont bien intégré l’importance de ces thématiques. Et les opportunités de co-financement sont ainsi intéressantes à solliciter pour les porteurs de projet.


Références bibliographiques

http://cqvb.net/Documents_en_ligne/Documents/IBI-13-2_COSMInnov.pdf

http://www.ionis-group.com/actualites/2015/02/supbiotech-conference-dermo-cosmetique/

http://www.dermscan.com/pharmascan/wp-content/uploads/sites/3/2015/08/TestsMesures_Mars2015.pdf

http://fr.calameo.com/read/0031128245bb50bd20187


Par Flora BURKIC Manager Conseil, Management de l’Innovation – ACIES