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Regard d'experts
Faisant suite à la recherche fondamentale et à la recherche préclinique, la recherche clinique pharmaceutique concourt à accroître les connaissances sur de nouveaux traitements et pathologies. Et également sur l’évolution des prises en charge des patients.
Le plus souvent, elle fait référence à l’essai de nouveaux médicaments dans le but de : développer de nouveaux traitements (essais d’une nouvelle molécule), d’améliorer l’efficacité d’un traitement (essais d’une association de molécules existantes) ou d’améliorer sa tolérance. Néanmoins, elle peut aussi porter sur le développement d’une nouvelle thérapie adressant des maladies non traitées à l’heure actuelle.
Ces recherches médicales sont réalisées par des équipes multidisciplinaires. Elles associent des personnels de santé (médecins, pharmaciens, infirmières, etc.) à des professionnels de la recherche clinique et de la pharmaco-épidémiologie. Des chefs de projets, statisticiens, Attachés de Recherche Clinique (ARC), data managers, gestionnaires d’essais cliniques, etc.
Ces professionnels de la recherche font partie soit des industriels du médicament, soit de structures spécialisées privées (Clinical Research Organisations – CRO), publiques (Centres d’Investigation Clinique…) ou associatives.
Consultée par les sociétés déclarantes et leurs conseils, la doctrine administrative aide à affiner les arbitrages lors de la détermination du Crédit d’Impôt Recherche (CIR), grâce aux commentaires qu’elle propose des textes législatifs et réglementaires.
Ainsi, s’agissant des essais cliniques, elle indique que les phases I à III sont considérées par nature comme des activités de R&D éligibles au CIR.
A l’inverse, les études de phases IV suivant l’AMM ne sont a priori pas éligibles étant données qu’elles interviennent à l’issu de la commercialisation du médicament.
Cela étant dit, les études épidémiologiques peuvent être éligibles à conditions qu’elles satisfassent aux critères suivants :
Une analyse fine des références doctrinales amène au constat suivant :
Dans ses commentaires, la doctrine fiscale admet l’éligibilité technique au CIR des études cliniques de phase III. Elle la refuse en revanche aux études post-AMM, lesquelles interviennent après la commercialisation du médicament (études de phase IV).
Autre constat, s’agissant du cas particulier des études de phase IIIb :
Dans la plupart des cas, une étude de phase IIIb est un essai sur un médicament commercialisé en vue d’une demande d’extension de l’AMM (pour ses effets dans une autre pathologie, par exemple).
Il est incontestable que cette étude vise bien à lever les dernières incertitudes scientifiques avant l’obtention de l’AMM.
Ainsi, nous partageons l’analyse doctrinale et comprenons que ces études de phase IIIb répondent bien à la définition des études éligibles selon la doctrine fiscale et peuvent donc être valorisées au titre du CIR.
Autre référence dont les sociétés s’inspirent, le Guide du Crédit d’Impôt Recherche, proposé chaque année par le Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI).
Dans sa version 2018, il est venu préciser le périmètre d’éligibilité retenu au sein de chacune des phases des essais cliniques.
Ainsi, seules les étapes d’investigation constitueraient des étapes éligibles au CIR. La mise en place et le management opérationnel des études n’étant pas considérés comme éligibles.
Concrètement, d’après la dernière édition du guide, les étapes suivantes seraient à exclure du CIR :
En revanche, les étapes amont, relatives à la conception (réflexions et consultations d’experts) et à la définition de l’essai (rédaction du protocole, positionnement de l’essai) seraient quant à elles éligibles. De même que les étapes avales de recrutement et suivi des patients, jusqu’à la phase d’analyse et de publication des résultats.
Une autre exclusion est précisée dans le guide, celle des « démarches purement administratives », même lorsqu’elles s’intègrent à une étape éligible.
Figure 1 : Découpage des étapes éligibles et non éligibles d’un essai clinique selon le guide CIR 2018 du MESRI
Nous comprenons la difficulté de délimiter les frontières de l’éligibilité technique au sein des études cliniques.
Cela étant dit, la mise en perspective des différents référentiels complexifie la bonne compréhension de ce périmètre technique, jusque-là plutôt clair.
En effet, les phases I à III d’un essai clinique étant considérées par la doctrine fiscale comme des « activités de R&D » éligibles, il convient de s’interroger sur ce nouveau découpage en étapes éligibles et non éligibles. Nous rappelons que la doctrine fiscale consacre la logique scientifique en précisant que : « dès lors qu’un projet est qualifié de projet de R&D, l’ensemble des opérations nécessaires à sa réalisation est considéré comme de la R&D. Y compris dans le cas où ces opérations, si elles étaient prises isolément, ne constitueraient pas de la R&D. »
Ainsi, en se basant sur la doctrine fiscale, l’ensemble des étapes nécessaires à la réalisation de l’essai clinique de phase I à III devraient être considérées comme éligibles. Même si chacune des étapes de l’essai, prises isolément, ne constituent pas nécessairement de la R&D.
Le nouveau Guide CIR semble ajouter une complexité d’application en appréciant l’opération de R&D non dans sa globalité technique, mais au niveau de chaque étape d’un essai clinique. Alors que c’est bien l’essai clinique dans sa globalité qui constitue l’opération de R&D.
En effet, selon le guide CIR 2018, « une opération de R&D vise à répondre à une question scientifique et technique et cherche à lever une difficulté rencontrée lors de l’élaboration de ce projet pour laquelle aucune solution accessible n’existe ».
Or, pour pouvoir répondre à la/les question(s) scientifique(s) de l’essai, élaborée(s) lors de l’étape de concept, c’est bien l’ensemble des étapes, qui est indispensable. Y compris celles de faisabilité et de mise en place.
Sur la base de cette définition, nous comprenons que l’opération de R&D correspond bien à l’essai clinique et non aux étapes qui le composent.
Le guide du MESRI précise par ailleurs que cette méthodologie d’analyse du périmètre éligible d’un essai peut être étendu à d’autres types d’essais. Tels que : « les dispositifs médicaux, nutriments, cosmétique, santé animale, thérapie non-médicamenteuse, agroalimentaire pour les essais de cultures »
Ces autres types d’études n’étant pas clairement découpées en phases (I à IV) contrairement aux études cliniques décrites précédemment ; il convient tout d’abord, de s’assurer de l’éligibilité de l’étude en tant qu’« opération de R&D ». Avant d’aller vers une analyse plus fine des étapes qui la compose.
Ainsi, une étude qui serait jugée non éligible au CIR ne permet pas de valoriser les étapes de conception et de définition qui la composent.
Enfin, une dernière observation sur cette nouvelle mouture du guide concerne les travaux relatifs à une phase post-AMM.
Ces derniers ne sont pas éligibles au CIR.
Contrairement à la doctrine fiscale, nous regrettons qu’aucune directive ne soit apportée pour apprécier l’éligibilité des études épidémiologiques au-delà de la phase III, ou menées en parallèle du développement clinique.
Pour mémoire, ce Guide est un outil d’information utile et éclairant, permettant aux entreprises déclarantes d’orienter leurs arbitrages lors de la détermination de leur CIR. Chaque mise à jour mérite une étude attentive pour mieux comprendre les besoins de nos interlocuteurs, notamment à l’occasion des contrôles.
En revanche, il convient de préciser qu’il n’a aucune force réglementaire et n’est pas opposable en cas de contrôle, que ce soit par l’Administration fiscale, ou par le contribuable.
BOI-BIC-RICI-10-10-10-20-20161102 §440
BOI-BIC-RICI-10-10-10-20-20161102 §310
Par Agathe CAMILLERI,, consultante et Amandine LIGNIER, Manager Conseil en Financement de l’innovation