Movember : recherche et innovation pour la santé masculine

Par Marina Michallet, Rédactrice scientifique

À la suite d’Octobre Rose, mois de sensibilisation au dépistage et à la prise en charge du cancer du sein, le mois de novembre se concentre sur la santé masculine. Movember est un mouvement né en 2003 en Australie, « Mo » signifiant moustache (devenue symbole du mouvement) et « vember » novembre.

Ce mouvement se concentre sur la santé masculine dans son ensemble, et notamment sur trois pathologies touchant les hommes : le cancer du testicule, la santé mentale masculine et le cancer de la prostate. Ces trois pathologies sont la cause principale de mortalité chez l’homme, avec une espérance de vie en moyenne 6 ans plus courte que les femmes.

L’Institut National du Cancer estime environ 2 700 nouveaux cas atteints du cancer du testicule par an en France. C’est le cancer le plus fréquent chez les hommes entre 20 et 35 ans. Ce mouvement comprend également la santé mentale masculine, qui est un sujet souvent tabou. 75 % des décès par suicide concernent des hommes. Enfin, le sujet principal concerné par ce mouvement est le cancer de la prostate. Le cancer de la prostate est le plus fréquent chez les hommes en France, avec environ 50 000 nouveaux cas estimés chaque année. Ce cancer étant le plus fréquent, la recherche se focalise sur de nouveaux traitements et diagnostics possibles.

Le cancer du testicule

Le cancer du testicule représente la tumeur la plus fréquente chez l’homme jeune, touchant principalement les sujets âgés de 20 à 35 ans.

Deux grands types de cancers testiculaires sont à distinguer :

  • Les tumeurs séminomateuses sont caractérisées par une croissance lente et concernent le plus souvent les hommes entre 40 et 50 ans.
  • Les tumeurs non séminomateuses évoluent plus rapidement et affectent surtout les adolescents et les jeunes adultes.

Les principaux symptômes incluent l’apparition d’un gonflement ou d’une masse au niveau du testicule, une douleur testiculaire ou inguinale, ainsi qu’une augmentation soudaine de la taille du testicule.

Le diagnostic repose sur un examen clinique complet, complété par une échographie et une mesure des trois marqueurs du cancer : l’alpha-fœtoprotéine (AFP), la bêta-hCG et la LDH.

Les traitements possibles de ce cancer du testicule reposent sur l’orchidectomie, consistant en l’ablation chirurgicale du testicule atteint, la chimiothérapie ou la radiothérapie, cette dernière étant principalement indiquée dans les formes séminomateuses.

La santé mentale masculine

La santé mentale des hommes constitue aujourd’hui un enjeu majeur de santé publique, souvent sous-estimé malgré son impact considérable sur le bien-être global et la qualité de vie. Les hommes sont généralement moins enclins à exprimer leurs émotions ou à demander de l’aide psychologique, en raison de normes sociales et culturelles valorisant la force et la maîtrise de soi. Cette réticence contribue à un diagnostic plus tardif des troubles mentaux tels que la dépression, l’anxiété ou les troubles liés au stress.

Les statistiques montrent que les hommes présentent un taux de suicide nettement plus élevé que les femmes, malgré une prévalence moindre des troubles anxiodépressifs rapportés. Cette disparité souligne la nécessité de repenser les stratégies de prévention, d’écoute et d’accompagnement adaptées aux spécificités masculines.

Le mouvement Movember a permis la réalisation d’un outil de conservation appelé « Movember conversation » pour s’entrainer à gérer des conversations délicates à aborder avec les hommes de son entourage. Cet outil s’aligne avec l’approche ALEC, développée par l’association caritative R U OK ? Le modèle ALEC repose sur quatre concepts : demander (Ask), écouter (Listen), encourager l’action (Encourage action) et redemander des nouvelles (Check in). Ces deux outils peuvent être mis en relation avec les nouvelles plateformes pour la santé mentale, présentées dans l’article : Dispositifs médicaux numériques en santé mentale : une nouvelle voie innovante par Alix SAUDE.

Le cancer de la prostate 

Le cancer de la prostate apparait principalement chez les hommes à partir de 65 ans. Au début de son apparition, le cancer est asymptomatique. Les principaux symptômes pouvant apparaitre sont les suivants :

  • Augmentation du besoin d’uriner, également appelé pollakiurie.
  • Difficultés d’uriner liées au jet d’urine faible, voire impossibilité d’uriner.
  • Augmentation de la tendance à faire des infections urinaires (cystite, prostatite, pyélonéphrite).
  • Présence de sang dans les urines ou le sperme.
  • Difficulté à avoir une érection ou douleurs au moment de l’éjaculation.

Deux examens permettent alors de le diagnostiquer : le toucher rectal et le dosage PSA (antigène prostatique spécifique) à travers une prise de sang. Une fois le diagnostic établi, plusieurs traitements existants peuvent être proposés :

  • Prostatectomie totale : intervention chirurgicale consistant à retirer entièrement la prostate ainsi que les ganglions lymphatiques avoisinants. Elle peut être réalisée par voie mini-invasive assistée par robot, mais également par chirurgie ouverte ou par cœlioscopie (aussi appelée voie laparoscopique).
  • Radiothérapie : utilisation de rayonnements à haute énergie dirigés sur la tumeur afin d’éliminer les cellules cancéreuses.
  • Curiethérapie : forme particulière de radiothérapie dans laquelle des sources radioactives, souvent des grains d’iode, sont implantées directement dans le tissu prostatique, généralement par voie périnéale.
  • Hormonothérapie : traitement visant à bloquer ou à réduire l’action des hormones masculines (androgènes) responsables de la croissance des cellules cancéreuses de la prostate.
  • Chimiothérapie : emploi de médicaments cytotoxiques administrés le plus souvent par voie intraveineuse dans le but de détruire les cellules cancéreuses.
  • Traitement par ultrasons focalisés de haute intensité (HIFU) : technique réalisée par voie rectale pour traiter un adénocarcinome prostatique localisé à l’aide d’ondes ultrasonores concentrées qui provoquent la destruction ciblée du tissu tumoral.

Des traitements existants, mais limités

Malgré ces traitements existants, une forme du cancer, appelée « cancer de la prostate résistant à la castration » (CPRC) ou cancer de la prostate hormono-résistant constitue un défi thérapeutique. Cette forme de cancer continue de se développer malgré un taux de testostérone inférieur ou égal au seuil de castration. Il peut être métastatique, c’est-à-dire s’étendre aux ganglions lymphatiques ou d’autres zones ou non métastatiques.

Les traitements en développement

La recherche met l’accent sur le développement de nouvelles solutions thérapeutiques, notamment contre les formes de cancer résistantes aux traitements existants.

Une solution prometteuse a été étudiée par des chercheurs américains. Pour la première fois, l’utilisation de cellules CAR-T a été étudiée afin de cibler spécifiquement la protéine PSCA. Ces cellules CAR-T ont prouvé leur efficacité dans le traitement de cancers hématologiques et du système immunitaire, ouvrant une potentielle voie contre les cancers résistants. Un essai clinique de phase I a donc été mené et des résultats encourageants ont été obtenus, démontrant une réduction du taux de PSA. Cependant, les cellules n’ont pas résisté au-delà de la période de suivi, laissant place à de nouvelles études sur ces cellules.

Utilisation de l’intelligence artificielle pour améliorer diagnostic et prise en charge

Une étude publiée en 2024 a démontré que le cancer de la prostate comprend deux sous-types jusqu’alors inconnus. Cette étude a eu recours à une technique d’intelligence artificielle (IA). Les chercheurs ont étudié l’ADN de tumeurs prostatiques prélevées chez 159 patients à l’aide du séquençage complet du génome, une méthode permettant d’analyser l’ensemble du matériel génétique d’un individu. Ils ont ensuite eu recours l’intelligence artificielle, technique fondée sur des réseaux neuronaux pour comparer les profils génétiques des différents échantillons. Cette étude a permis de mettre en évidence deux groupes distincts de cancers chez les patients étudiés.

Cette avancée pourrait permettre d’établir de meilleurs diagnostics, de proposer des traitements plus adaptés et d’aider les chercheurs dans d’autres domaines de cancérologies pour mieux comprendre certains types de cancer.

L’intégration de l’intelligence artificielle représente également une avancée majeure dans la prise en charge du cancer de la prostate. Une étude pilote menée au Royaume-Uni rapporte l’utilisation de la plateforme IBEX™, développée par Ibex Medical Analytics. Cette initiative constitue la première mise en œuvre clinique d’un système d’IA destiné à assister les pathologistes dans l’analyse des biopsies prostatiques.

La plateforme repose sur l’analyse automatisée de lames histologiques numériques issues de biopsies. Grâce à des algorithmes d’apprentissage profond, elle est capable d’identifier et de classifier les tissus tumoraux selon les risques (rouge pour les tissus à risque de cancer, orange pour les tissus à analyser et vert pour les tissus bénins). L’IA fournit également des informations complémentaires sur la taille de la tumeur et sur le degré potentiel d’agressivité de celle-ci. L’utilisation de cette technologie présente plusieurs avantages. Elle permet notamment une réduction significative du temps d’analyse, une diminution du risque d’erreurs diagnostiques et une meilleure standardisation de l’évaluation histologique. Dans les premiers essais cliniques, la plateforme a permis d’atteindre un taux de détection correct de 100 % chez les 105 patients testés. Suite à ces résultats prometteurs, l’Institut Curie a implémenté cette solution pour améliorer le diagnostic du cancer de la prostate.

L’institut Curie : vers la mise en place d’une prise en charge innovante du cancer de la prostate

L’Institut Curie s’engage dans une stratégie d’innovation pour améliorer la prise en charge du cancer de la prostate. Trois axes majeurs se dégagent :

  • Thérapies innovantes avec la radiothérapie interne vectorisée (RIV) et la radiothérapie adaptative sur IRM-Linac,
  • Pathologie numérique avec la solution IBEX™ mentionnée ci-dessus,
  • Diagnostic précoce avec un nouveau test urinaire non invasif en cours d’étude.

La radiothérapie interne vectorisée (RIV) est proposée aux patients atteints de cancer de la prostate métastatique. Cette technique consiste en « des injections par voie intraveineuse de molécules faiblement radioactives qui se fixent spécifiquement aux cellules tumorales pour les détruire ». Cette technique nouvelle permet de cibler le corps entier, tout en conservant les cellules saines. En parallèle, un essai clinique multicentrique porte sur l’association de cette RIV à la radiothérapie stéréotaxique chez des patients en stade oligométastatique, avec pour objectif de retarder la mise en place d’une hormonothérapie.

L’Institut Curie installe également un équipement de radiothérapie innovant : l’IRM-Linac Unity. Cet appareil permet une radiothérapie adaptative, avec des doses précises selon le positionnement de la prostate et des organes à proximité (vessie, rectum et intestins).

Par ailleurs, un test urinaire non-invasif a été conçu et est en cours d’évaluation dans une étude clinique. Cette méthode de diagnostic innovante vise à permettre une détection précoce, rapide, robuste et non invasive du cancer de la prostate.

Appels à projets récents du domaine

Face aux différents enjeux de la santé masculine, de plusieurs appels à projet ont été précédemment publiés :

  • Un Programme d’Actions Intégrées de Recherche (PAIR) a été lancé par la ligue nationale contre le Cancer (LNCC), la Fondation ARC pour la recherche sur le cancer et l’Institut national du cancer (INCa) dédié au dépistage des cancers de la prostate. Les projets doivent avoir une dimension pluridisciplinaire afin de favoriser l’amélioration de connaissances sur les facteurs de risque des cancers de la prostate, d’améliorer les outils existants et de développer de nouveaux outils, et d’avoir un impact sur les sciences humaines et la santé publique.
  • Un appel à projets sur la recherche clinique en cancérologie a permis de financer plusieurs études cliniques :
    • CaBRA — Essai randomisé de phase III évaluant l’association d’une chimiothérapie par Carboplatine au traitement standard pour les patients atteints d’un cancer de prostate d’emblée métastatique avec mutations de BRCA ou avec une composante neuroendocrine.
    • RESPOND — Étude prospective randomisée de phase III comparant la désescalade thérapeutique à un schéma séquentiel de 177Lu-PSMA-617 chez des patients atteints de cancer de la prostate métastatique réfractaires et bons répondeurs après deux injections de 177Lu-PSMA-617.
    • IM-DOS PEACE 6 PR — Rôle pronostique de l’IMagerie par TEP au PSMA et valeur prédictive de la toxicité de la DOSimétrie personnalisée chez les patients atteints de cancer de la prostate de novo métastatique hormonosensible traités dans l’essai de phase III PEACE 6 Poor Responders.
  • Un appel à projet « Biologie et Sciences du Cancer » a permis de financer l’étude suivante : HYPCaP : Etude de la voie polyamine/hypusination dans les cellules tumorales et le microenvironnement immunitaire du cancer de la prostate.

Bibliographie

  • Coureau Gaëlle, Laëtitia Daubisse-Marliac, Emmanuel Desandes, Lecoffre Camille, Lafay Lionel, Mounier Morgane, Trétarre Brigitte. Survie des personnes atteintes de cancer en France métropolitaine 1989-2018 — Testicule, tous cancers. 2021
  • Société canadienne du cancer. Risques de cancer du testicule. 2021.
  • National Geographic. Santé mentale : un tabou au masculin. 2025.
  • Movember : un mois pour sensibiliser au cancer masculin. 2024.
  • Société canadienne du cancer. Risques de cancer du testicule. 2021
  • Cancer des testicules.
  • La santé mentale masculine.
  • Fondation ARC. Le traitement d’un cancer de la prostate localisé.
  • Davody A.P. Découverte de 2 nouvelles tumeurs de type du cancer de prostate. 2023
  • Société canadienne du cancer. Traitements du cancer de la prostate résistant à la castration. 2021
  • Marquez Letisia. Study : CAR T for Prostate Cancer shows efficacy. City of Hope. 2024.
  • Schmidt C.W. CAR-T immunotherapy for prostate cancer ? Early clinical trial results suggest new opportunities. 2024.
  • Williams B. Prostate cancer : AI pathologist used to help diagnosis. BBC News. 2021
  • RIV, IA, nouveaux biomarqueurs… traitements et diagnostics innovants à l’institut Curie dans le cancer de la prostate. 2024
  • Appel à projets 2025 — Programme d’actions intégrées de recherche (PAIR) — PROSTATE.
  • Appel à projets PHRC-K 2024-2025 Programme hospitalier de recherche Clinique en cancérologie.
  • Appel à projets PLBIO 2025.

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