Les apports de la réalité virtuelle chez les personnes atteintes de troubles cognitifs

Le 5 décembre 2019

La réalité virtuelle est en pleine expansion et ceci depuis sa démocratisation dans les années 2014/2016. Elle permet à une personne de vivre une expérience d’immersion correspondant à une activité sensori-motrice et cognitive dans un monde créé numériquement. Ce monde peut être « imaginaire, symbolique ou une simulation de certains aspects du monde réel » . Principalement utilisée pour le divertissement, elle peut avoir un grand intérêt dans le domaine de la recherche médicale et thérapeutique.

La maladie d’Alzheimer, maladie neurodégénérative la plus connue

Depuis quelques années, le développement de nouvelles technologies permet d’améliorer les outils de diagnostic médical. En effet, les nouvelles technologies participent à la fois au diagnostic et à la prise en charge médicale. Plusieurs recherches ont donc pu être réalisées sur l’apport de la réalité virtuelle pour le diagnostic de certaines pathologies neurodégénératives et plus particulièrement la maladie d’Alzheimer.

La maladie d’Alzheimer est la maladie neurodégénérative la plus répandue chez les personnes âgées en France correspondant à 45 % des démences. Cette maladie est principalement reconnue par les troubles de mémoire qu’elle génère. Souvent, elle s’accompagne d’une dégradation d’une fonction cognitive comme le langage, les praxies* ou encore les gnosies**.

 

* fonctions de coordination et d’adaptation des mouvements.

**fonctions de reconnaissance par l’un des sens.

 

L’évaluation de la mémoire épisodique

La mémoire d’un seul type est atteinte dans cette maladie : la mémoire épisodique. En effet, cette mémoire est une mémoire à long terme. Elle permet notamment de stocker les événements personnellement vécus par une personne dans leur contexte (date, lieu, état émotionnel).

Classiquement, si une personne vous parle des attentats du 11 septembre ou du 13 novembre, vous êtes capable de vous souvenir. De décrire plus ou moins précisément là où vous étiez ainsi que les émotions que vous avez pu ressentir. Vous faites donc appel à votre mémoire épisodique afin de vous remémorer des événements directement liés à votre histoire individuelle.

En neuropsychologie, la mémoire s’évalue à l’aide de tests papier/crayon mettant en jeu uniquement les modalités visuelle et verbale. On parle, par exemple, de test rappel libre / rappel indicé. Ainsi, une personne doit se rappeler d’une liste de mots qui lui a été donnée en début de test. Ce rappel peut être libre ou avec l’aide d’un indice. Ce type de test étudie la mémoire dans des situations artificielles. Les informations mémorisées ne présentent pas d’intérêt contextuel (composante pourtant très importante dans la mémoire épisodique).

 

La réalité virtuelle, nouvelle évaluation multimodale

Des chercheurs ont étudié les possibilités d’utiliser la réalité virtuelle dans les tests de mémoire épisodique. En effet, des chercheurs de l’université de Lyon, en collaboration avec l’université de Paris Descartes, ont réalisé des tests dans des conditions plus proches de la vie quotidienne.  Ces tests se font à l’aide d’une épreuve de conduite réalisée sur des personnes atteintes d’Alzheimer, dans un environnement virtuel représentant une ville en 3D .

Cette étude permet d’observer l’effet de la maladie d’Alzheimer sur les différentes composantes de la mémoire épisodique. Et ainsi, de tester la mémoire par le biais d‘une épreuve en réalité virtuelle.  Ce test détermine dans quelle mesure la réalité virtuelle sollicite différentes dimensions cognitives. Les chercheurs ont mis en évidence que l’épreuve de réalité virtuelle offre l’avantage d’évaluer la mémoire épisodique de manière multimodale. Et de mobiliser différentes composantes épisodiques.

La maladie d’Alzheimer est aussi caractérisée par des troubles cognitifs légers comme des problèmes d’orientation dans l’espace. Pour pallier à ce trouble, des chercheurs de l’université de Cambridge et de l’University College London ont utilisé un casque de réalité virtuelle. Ceci afin d’étudier l’orientation spatiale en immergeant les personnes atteintes dans un environnement fictif dans lequel elles devaient se déplacer. Leur étude a permis de mettre en évidence que les tests de réalité virtuelle peuvent être plus efficaces que les tests classiques. Notamment pour identifier précocement la maladie d’Alzheimer.

Ces différentes recherches permettent d’éclairer les possibilités d’utilisation de la réalité virtuelle dans le diagnostic précoce ou non de la maladie d’Alzheimer.

 

Application de la réalité virtuelle pour les troubles cognitifs

La réalité virtuelle permet donc d’offrir un outil d’évaluation écologique. Le fait qu’elle place la personne dans un environnement proche de la réalité la rend « écologique ». En fait, le fonctionnement cognitif est évalué de manière dynamique. 

Ainsi, la réalité virtuelle n’est plus utilisée uniquement pour les pathologies neurodégénératives. En effet, des recherches sont réalisées sur de nombreux troubles cognitifs comme différents types de phobies ou encore l’évaluation de la planification de l’action en neuropsychologie. Les travaux se portent aussi sur l’intérêt de la réalité virtuelle pour la prise en charge de dysfonctionnement d’un individu.

Il est alors intéressant d’étudier les différentes capacités de la réalité virtuelle à devenir un outil d’apprentissage ou de réadaptation pour les personnes atteintes de troubles cognitifs.

Sera-t-il possible demain de guérir d’une phobie des araignées sans jamais devoir être en contact avec une vraie araignée ?

 

Par Charlotte Toso, consultante scientifique chez ABGI France


  • Fuchs : Les interfaces de la réalité virtuelle. Les Presses de l’École des Mines de Paris (1996).
  • G. Plancher, S. Nicolas, P. Piolino (2008), Réalité virtuelle et mémoire épisodique : étude dans la maladie dAlzheimer. Paper Presented at the 3èmes Journées De l’Association Française de Réalité Virtuelle (AFRV), Bordeaux, France