La capture du dioxyde de carbone – CO2

 

Le 14 avril 2022

Par Laure-Patricia BALEP | Rédactrice Scientifique

Le Groupe Intergouvernemental d’Experts sur l’évolution du Climat (GIEC) regroupe 195 pays membres appartenant aux Nations Unies et à l’Organisation météorologique mondiale [1]. Le GIEC se charge “d’évaluer, sans parti pris et de manière objective, l’information scientifique, technique et socio-économique disponible en rapport avec le changement climatique” [2]. Le dernier volet du sixième rapport du GIEC se concentre sur l’atténuation du changement climatique. Publié en avril 2022, il met en évidence les méthodes permettant d’atténuer le changement climatique : parmi lesquelles, l’afforestation et la capture du dioxyde de carbone. Le présent article se propose d’expliquer ce qu’est la capture de dioxyde de carbone (CO2).

 

Pourquoi capturer le dioxyde de carbone ?

 

Sans effet de serre, uniquement sous l’effet des rayons du Soleil, la température moyenne à la surface de la Terre serait de -19°C. Grâce à l’effet de serre, cette température moyenne monte à 14°C. L’effet de serre est un phénomène naturel de plusieurs millions d’années. Aussi, il joue un rôle important dans la régulation du climat. Cependant, les activités humaines l’impactent fortement. En effet, elles sont la cause de l’augmentation des concentrations des gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère, ce qui fait augmenter la température à la surface de la Terre [3][4].

« Le dioxyde de carbone représente près des deux tiers des émissions mondiales de GES induites par les activités humaines » [4]. C’est donc pour cela que les efforts engagés pour réduire les émissions des GES se concentrent particulièrement sur le CO2.

 

Les acronymes de la valorisation du dioxyde de carbone

 

Avant d’aborder les technologies permettant la valorisation du CO2, il convient de faire le point sur certains acronymes. Le premier acronyme est CCS (Carbon Capture and Storage). Il désigne les technologies permettant

  • d’éliminer le CO2 des gaz de combustion,
  • de le compresser,
  • de le transporter,
  • et de le stocker (séquestrer) dans des formations géologiques stables. Ceci permet d’éviter son rejet dans l’atmosphère [5].

 

Le deuxième acronyme est CCU (Carbon Capture and Utilization). Les technologies auxquelles cet acronyme fait référence traitent le CO2 capturé comme une matière première. Le CO2 ainsi capturé, peut ensuite être utilisé dans d’autres procédés [5].

Enfin, l’acronyme CCUS (Carbon Capture Utilization and Storage) est un acronyme qui englobe toutes les technologies de capture du CO2, quelles que soient leurs finalités.

Les modes de capture du dioxyde de carbone

 

Une des manières de classer les technologies de capture est de le faire selon la méthode utilisée (absorption, membrane, adsorption, chemical looping) [5]. Une autre est de les classer selon le moment ou est effectuée la capture du CO2. On parle alors de technologies

  • précombustion,
  • oxycombustion
  • et postcombustion [6] (Figure 1).

 

Classement Des Technologies De Capture

 

Figure 1 : Classement des technologies de capture [6].

La capture précombustion

 

Lors des techniques de capture précombustion, le CO2 est éliminé de la ressource fossile avant que la combustion soit terminée. Pour ce faire, un gaz de synthèse (syngas) est créé à partir de la ressource fossile et de l’oxygène (ou de l’air). Ce gaz de synthèse est composé de monoxyde de carbone (CO) et de dihydrogène (H2). Le monoxyde de carbone du syngas subit une réaction avec de la vapeur d’eau afin d’obtenir du CO2 et de l’H2. Ensuite, le CO2 est éliminé par un procédé d’absorption physique ou chimique. Ainsi, cela permet d’obtenir un flux de ressource fossile riche en H2. La Figure 2 est un schéma de la capture précombustion [6].

 

Schéma De La Capture De CO2 Précombustion

Figure 2 : Schéma de la capture de CO2 précombustion.

 

La capture précombustion peut par exemple être installée dans les centrales à gaz ou à charbon.

 

La capture oxycombustion

 

Ici, l’oxygène est séparé de l’air avant la combustion. Puis la ressource fossile est brûlée dans de l’oxygène dilué avec des gaz de combustion recyclés (au lieu d’être brûlée dans l’air). Cette atmosphère riche en oxygène est pauvre en diazote (N2). Ainsi, elle permet d’obtenir des gaz de combustion contenant essentiellement du CO2 et de l’H2. Comme le flux de gaz est plus concentré en CO2, son élimination est plus facile [6].

 

La capture postcombustion

 

L’un des procédés de capture postcombustion le plus abouti est celui basé sur l’absorption par des solutions aqueuses d’amines [7]. L’amine la plus fréquemment utilisée est la monoéthanolamine (MEA). La Figure 3 présente le processus d’absorption-désorption du CO2 par les amines.

 

Absorption Désorption Du CO2

Figure 3 : Absorption-désorption du CO2 [7].

 

Le gaz de combustion entre dans l’absorbeur par le bas, tandis que la solution entre par le haut, à contre-courant. Le contact entre les deux flux permet au CO2 du gaz de combustion d’être absorbé dans la solution aminée. Cette solution riche en CO2 est pompée jusqu’au sommet de la deuxième colonne appelée le régénérateur. Ce régénérateur permet aussi de générer de la vapeur d’eau.

Dans cette colonne, la solution riche en CO2 circule de haut en bas, et la vapeur d’eau de bas en haut. Aussi, cette vapeur d’eau permet de rompre les liaisons entre le CO2 et le solvant (l’amine). Le CO2 est alors entraîné vers le haut de la colonne vers le condenseur, grâce au flux ascendant de vapeur d’eau. La vapeur d’eau riche en CO2 ainsi condensée est ensuite compressée [8]. Enfin, elle est ensuite transportée et stockée (CCS) ou réutilisée (CCU).

 

L’infrastructure de ce mode de capture a l’avantage d’être plus facile d’installation que celles des autres méthodes (du fait qu’elle se concentre sur les gaz de combustion et non pas sur la combustion elle-même, elle peut être « ajoutée » à une structure déjà existante). Cependant, elle demande de grandes quantités d’eau. De plus, la pression partielle de CO2 dans les gaz de combustion est faible, ce qui rend la capture plus difficile [6].

Des exemples concrets sur la capture de dioxyde de carbone

 

L’IFPEN (IFP Énergies Nouvelles) a développé le procédé DMX (capture en postcombustion par absorption). Il permet le captage du CO2 dans les centrales thermiques au charbon, les cimenteries, etc. En effet, cette solution se base sur l’utilisation d’un solvant qui décante en deux phases (Figure 3). Seule la phase la plus riche en CO2 est envoyée à la régénération.

 

Procédé DMX

Figure 4 : Procédé DMX.

 

Un pilote industriel sur du gaz sidérurgique est en cours de réalisation, pour s’assurer de l’efficacité du procédé. En effet, il vise à améliorer les performances des procédés classiques aux amines, qui demandent une forte consommation d’énergie pour la régénération du solvant [9].

 

On peut aussi citer la solution Cryocap H2 développée par Air Liquide. “Cette solution permet de comprimer et de sécher les gaz de combustion et à les transférer vers une unité cryogénique. Des techniques de condensation partielle et de distillation sont ensuite utilisées pour séparer le CO2 des autres éléments” [10].

 

Les impératifs de protection de l’environnement impliquent une réduction des émissions de GES, notamment de CO2. C’est pour cela que le gouvernement soutient la R&D et l’investissement autour des méthodes de captures via différents dispositifs, tels que

 


Bibliographie sur la capture du dioxyde de carbone

 

[1] (2021, juillet). What is the IPCC?

[2] Vincent, B. (2021, 12 octobre). Comprendre le GIEC. Ministère de la Transition écologique.

[3] Kweku, D. W., Bismark, O., Maxwell, A., Desmond, K. A., Danso, K. B., Oti-Mensah, E. A., … & Adormaa, B. B. (2018). Greenhouse effect: greenhouse gases and their impact on global warming. Journal of Scientific research and reports17(6), 1-9.

[4] Ministère de la Transition Écologique. (2019). Le changement climatique KESAKO.

[5] Al‐Mamoori, A., Krishnamurthy, A., Rownaghi, A. A., & Rezaei, F. (2017). Carbon capture and utilization update. Energy Technology5(6), 834-849.

[6] Zhang, Z., Borhani, T. N., & El-Naas, M. H. (2018). Carbon capture, Exergetic, Energetic and Environmental Dimensions.

[7] Luis, P., & Van der Bruggen, B. (2013). The role of membranes in post‐combustion CO2 Greenhouse Gases: Science and Technology3(5), 318-337.

[8] Wang, Y., Zhao, L., Otto, A., Robinius, M., & Stolten, D. (2017). A review of post-combustion CO2 capture technologies from coal-fired power plants. Energy Procedia114, 650-665.

[9] (2020). IFPEN | Nos solutions.

[10] Air Liquide. (2020, 6 novembre). CryocapTM H2 – Séparation cryogénique du CO2.

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