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L’accès si facile à des milliers de médicaments ainsi que le nombre de traitements existants peuvent nous faire oublier à quel point la recherche pharmaceutique est complexe. Le processus de découverte de nouveaux médicaments est fastidieux, long et coûteux. La crise sanitaire que nous traversons actuellement et l’urgence de trouver des traitements nous rappellent que nous ne sommes pas intouchables face à de tels événements. Et ce, malgré les avancées scientifiques considérables des dernières décennies. Les chercheurs se confrontent à de nombreux obstacles et difficultés. Dans ce contexte, l’intelligence artificielle permettra-telle de faciliter et d’accélérer les prochaines avancées pharmaceutiques ?
Environ 12 années sont nécessaires pour développer un nouveau traitement à partir de la découverte de la molécule jusqu’à sa mise sur le marché. Sur 10 000 molécules étudiées, environ 100 molécules sont testées en préclinique. Puis, seulement 10 font l’objet d’un développement clinique. Et 1 seule devient un médicament commercialisé.
La découverte de médicaments est un processus complexe. Premièrement, des cibles thérapeutiques sont définies. Ces cibles sont des molécules identifiées comme étant impliquées dans une pathologie. Puis, des milliers de composés sont testés sur ces cibles afin de déterminer lesquels ont une activité. Quand une activité est présente, ils font l’objet de légères modifications de structure. Cela permet de déterminer quel dérivé du composé de structure de départ est le plus efficace.
L’intelligence artificielle peut accélérer la mise au point de nouveaux traitements et de ce fait, réduire le temps nécessaire à la mise sur le marché.
Ainsi, le MIT (Massachusetts Institute of Technology) et des grands noms de l’industrie chimique et pharmaceutique décident de créer un consortium qu’ils nomment le MLPDS (Machine Learning for Pharmaceutical Discovery and Synthesis). Parmi les nombreux objectifs de ce consortium de 13 partenaires figure le développement d’algorithmes et d’outils basés sur le machine learning.
Le processus de recherche de nouveaux médicaments génère énormément de données. Le Machine Learning offre une excellente opportunité d’utiliser ces données et de créer des outils capables de nous assister.
Plusieurs applications de l’intelligence artificielle sont envisagées et parfois déjà utilisées.
De nombreuses startups utilisent l’intelligence artificielle afin de découvrir de nouvelles molécules ayant des effets thérapeutiques. En effet, la création du premier médicament développé par l’IA le prouve.
En effet, en janvier 2020, le premier médicament entièrement conçu grâce à l’intelligence artificielle est entré en phase clinique. Cette nouvelle molécule a atteint la phase d’essai clinique en douze mois contre les 4 ans et demi nécessaires en général. La startup Exscientia a réalisé cette prouesse. Elle développe des algorithmes capables de générer des dizaines de millions de structures de molécules différentes et de garder seulement celles possédant une activité sur la cible de la pathologie concernée.
Les algorithmes d’Exscientia sont actuellement utilisés pour lutter contre le COVID-19 en examinant des milliers de composés qui pourraient être utilisés en tant que traitement. Cette startup n’est pas la seule à mettre à profit les avancées notoires en termes d’intelligence artificielle.
Parmi tant d’autres nous pouvons citer la société BenevolentAI. Elle a en effet identifié un traitement potentiel contre le COVID-19 en mars. La plupart des sociétés utilisent une approche classique qui consiste à se concentrer uniquement sur les médicaments qui peuvent affecter directement le virus. BenevolentAI utilise une autre stratégie. Elle explore les moyens d’inhiber les processus cellulaires que le virus utilise pour infecter les cellules humaines. L’idée est d’identifier des médicaments déjà sur le marché qui pourraient potentiellement stopper la progression du COVID 19. Comment ? En inhibant le phénomène hyper-inflammatoire de relargage d’un grand nombre de cytokines, qui sont de petites protéines, par le système immunitaire. Ainsi, ils ont identifié le Baricitinib comme médicament potentiel ayant à la fois des propriétés antivirales et anticytokines. Seulement 90 minutes de temps de calcul en IA ont permis de mettre en évidence les possibles propriétés de cette molécule.
Ce médicament est un traitement approuvé et donc déjà largement utilisé pour le traitement de la polyarthrite rhumatoïde. Il est actuellement en phase d’essais cliniques afin de prouver son efficacité pour une utilisation contre le virus.
La société allemande Innoplexus quant à elle se base sur la recherche de combinaisons potentiellement prometteuses de médicaments précédemment approuvés. L’IA d’Innoplexus évalue le potentiel clinique de médicaments afin d’identifier les combinaisons qui agissent en synergie pour interrompre les mécanismes de la maladie. Les résultats obtenus suggèrent qu’une combinaison de chloroquine avec plusieurs médicaments déjà approuvés tels que le Tocilizumab, pourrait donner de bien meilleurs résultats que tout médicament administré seul. De la même manière, l’association de l’Hydroxychloroquine à la Claritrhomycine ou au Plerixafor sont des options à évaluer. La Clarithromycine, un antibiotique macrolide, semble être capable de bloquer l’internalisation du virus dans les cellules hôtes pendant la phase précoce de l’infection. Le Plerixafor, un antirétroviral contre le VIH, semble lui, agir comme un immunostimulant. Ces hypothèses doivent cependant être évaluées de manière plus approfondie, dans le cadre d’études in vitro et in vivo.
La pandémie de COVID-19 nous rappelle brutalement la nécessité d’accélérer le développement de nouveaux traitements. En réponse à cette urgence, un grand nombre d’entreprises et d’établissements de recherche du monde entier utilisent ainsi l’intelligence artificielle. L’engouement est réel, mais l’efficacité reste à prouver. D’autant plus que les algorithmes d’IA sont gourmands et doivent être alimentés avec de grandes quantités d’informations. Or, celles-ci sont souvent jalousement gardées par les entreprises pharmaceutiques. L’un des nerfs de la guerre risque donc d’être l’accès aux données.
Mylène PAWELEK
Consultante en Financement de l’Innovation
ABGI France
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Vohora, D. and Singh, G. (2018). Pharmaceutical medicine and translational clinical research. 1st ed. Academic Press, pp.19-32.
Current and Future Roles of Artificial Intelligence in Medicinal Chemistry Synthesis
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Lina HABBAL. L’intelligence artificielle : nouveau levier de croissance pour les industries pharmaceutiques. Thèse de doctorat, 2017.