Ecocem : innover pour un ciment bas carbone et réduire les émissions mondiales
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Par Evelise MACHADO FERRI DA SILVA, Consultante en financement de l’innovation
La transition écologique et énergétique apparaît nécessaire pour satisfaire les besoins énergétiques croissants tout en respectant les contraintes environnementales. Elle sera fondée sur un mix énergétique durable où l’utilisation des énergies renouvelables va s’intensifier. Or, la plupart de ces énergies alternatives (ex. solaire, éolien) ont une production irrégulière et intermittente imposant des solutions de stockage de l’énergie produite pour permettre un déploiement plus large. À cet égard, la technologie de l’hydrogène semble particulièrement intéressante pour surmonter les obstacles actuels du secteur de l’énergie.
L’hydrogène a un rôle clé à jouer dans un monde qui vise à être entièrement décarboné d’ici 2050. Pour y parvenir, il est urgent d’intensifier les efforts et les investissements nécessaires à la création d’écosystèmes de l’hydrogène, ainsi qu’à la mise en œuvre des facteurs favorables nécessaires.
Le marché mondial de l’hydrogène représente une production annuelle de 70 millions de tonnes, dont 33% sont utilisés dans le raffinage, 31% pour la production d’ammoniac, 12% pour la production de méthanol principalement et 30% pour des applications de niche.
Cependant, cette production est responsable de 830 millions de tonnes d’émissions de CO2 chaque année.
La production d’hydrogène se décompose comme suit : 24% de cet hydrogène est produit à partir du charbon (H2 noir), 75% à partir du gaz naturel (H2 gris) et seulement 2% à partir de l’électrolyse de l’eau renouvelable (H2 vert).
Dans ce contexte, différentes approches sont envisagées pour décarboner la production d’hydrogène :
Aujourd’hui, l’intérêt croissant pour les technologies d’électrolyse de l’eau s’explique par leur potentiel. En effet, la production d’hydrogène vert est le vecteur d’énergie renouvelable le plus prometteur pour la décarbonation mondiale.
L’électrolyse de l’eau conduisant à la production d’hydrogène est une stratégie permettant d’atténuer la nature intermittente des sources d’énergie renouvelables les plus prometteuses.
De nombreuses recherches sont effectuées dans le but de simplifier les technologies existantes. Ces technologies incluent la membrane échangeuse de protons (PEM ) ; l’électrolyse d’eau alcaline (AWE ) ; la membrane échangeuse d’anions (AEM ) et la cellule d’électrolyse à oxyde solide (SOEC ). Toutes présentent des avantages et des inconvénients résumés dans le Tableau 1.
Technologie de l’électrolyse | Avantages | Inconvénients |
PEM
Polymer exchange membranes |
· Technologie commercialisée
· Fonctionne avec des densités de courant plus élevées · Grande pureté des gaz · Conception compacte du système · Réponse rapide |
· Électrocatalyseurs à base de métaux nobles
· Électrolyte acide · Durabilité limité
|
AWE
Alkaline water electrolysis |
· Une technologie bien établie
· Commercialisée pour des applications industrielles · Électrocatalyseurs sans métaux nobles · Stabilité à long terme |
· Densités de courant limitées
· Croisement des gaz · Électrolyte liquide très concentré (5M KOH) |
AEM
Anion exchange membranes |
· Électrocatalyseurs sans métaux nobles
· Électrolyte liquide peu concentré (1MKOH) |
· Stabilité limitée
· En cours de développement |
SOEC
Solid electrolysis cells |
· Température de fonctionnement élevée
· Rendement élevé |
· Stabilité limitée
· En cours de développement |
Source : Hermesmann, Matthias, and Thomas E. Müller. “Green, turquoise, blue, or grey? Environmentally friendly hydrogen production in transforming energy systems.”
Néanmoins, pour les technologies alcalines et PEM, les données réelles sur l’efficacité électrique manquent et doivent être évaluées.
D’autre part, la disponibilité de l’environnement et des ressources peut également être un obstacle à l’extensibilité des usines d’hydrogène vert :
La production d’hydrogène par électrolyse (par exemple par des électrolyseurs à membrane échangeuse de protons) permet le stockage chimique de l’énergie électrique produite (Figure 1).
Au cours du processus d’électrolyse de l’eau, l’eau est divisée en hydrogène et en oxygène. Dans ce processus, la molécule d’eau est d’abord décomposée du côté de l’anode pour générer de l’oxygène (O2), des protons (H+) et des électrons (e-). L’oxygène généré est éliminé de la surface anodique. Les protons restants sont transportés à travers la membrane conductrice de protons jusqu’à la cathode. En parallèle, les électrons sont acheminés à travers le circuit externe jusqu’à la cathode. Du côté de la cathode, les protons et les électrons se recombinent pour produire du gaz H2. Le principe de base de l’électrolyse de l’eau PEM est illustré dans la Figure 2.
L’électrolyse de l’eau PEM est une technologie prometteuse. Toutefois la dégradation des membranes est le principal verrou technique qui empêche son application à grande échelle. La préoccupation majeure liée aux cellules PEM concerne l’électrolyte/membrane solide, composée de Nafion™, qui appartient aux polymères PFSA (perfluorosulfonic acid). Ces polymères ont été identifiés comme des dangers potentiels pour la santé humaine et l’environnement, car ils sont très stables. En outre, lors du recyclage, la combustion de ces molécules de fluor pourrait potentiellement libérer des gaz à effet de serre puissants. Les PFSA commencent à être interdits en Europe pour les produits de la vie courante.
Au-delà du problème de stabilité de la molécule d’hydrogène en présence d’oxygène, d’autres questions doivent être abordées et résolues au cours du processus d’électrolyse. En effet, les électrolyseurs sont des réacteurs chimiques qui utilisent plusieurs matériaux préoccupants pour la santé et l’environnement. Par exemple, les électrolyses alcalines utilisent un électrolyte très corrosif (KOH 30% en masse) à haute température (80°C). Toute exposition accidentelle des opérateurs à l’électrolyte (explosion, entretien, etc.) ou son rejet dans l’environnement pourrait avoir de graves conséquences.
La production d’hydrogène par électrolyse (par exemple par des électrolyseurs à membrane échangeuse de protons) permet de stocker chimiquement l’énergie électrique produite. Cette énergie stockée chimiquement peut ensuite être reconvertie en énergie électrique par des piles à combustible à membrane à électrolyte polymère (PEMFC). Le couple PEMWE/PEMFC apparaît alors comme une solution prometteuse pour le développement durable, Figure 3. Dans ce contexte, les PEMFC font l’objet d’une grande attention dans le but d’améliorer les propriétés de la membrane électrolyte polymère (PEM).
Les PEMFC utilisant une membrane électrolytique polymère comme conducteur de protons et un catalyseur à base de platine pour les réactions électrochimiques à basse température ont suscité beaucoup d’intérêt en raison de leur rendement élevé et de leurs faibles émissions. Leurs principales applications concernent les transports, la production d’énergie stationnaire et portable. L’utilisation d’un polymère solide stationnaire comme électrolyte présente l’avantage d’une densité de puissance élevée, d’un démarrage rapide et de la simplicité du système. Néanmoins, la durabilité et le coût restent les principaux défis à relever pour que les PEMFC deviennent commercialement compétitives.
Innovations récentes à travers le monde
Le pays se rapproche d’une véritable « économie de l’hydrogène », au sein de laquelle la majorité des transports fonctionnent à l’hydrogène. La production d’hydrogène reste certes problématique, l’électrolyse consommant de l’eau, l’énergie solaire n’étant pas assez puissante et les autres méthodes causent généralement des rejets de gaz à effet de serre. L’équipe de chercheurs de l’Université de Sciences de Tokyo a fait grand bruit en annonçant avoir découvert une technique permettant de produire de l’hydrogène en grande quantité et de manière propre :
La Commission énergétique de Californie s’est fixé pour objectif d’atteindre 100% d’énergies renouvelables d’ici 2045 (année pour laquelle il est prévu que la valeur du marché mondial de stockage d’énergie issue de l’hydrogène atteigne la modeste somme de 18,2 milliards de dollars). La start-up H24US se propose de faciliter cette transition de grande ampleur, par le biais d’une nouvelle méthode de production d’hydrogène.
Au début de l’année, le gouvernement de Séoul a publié sa feuille de route pour l’économie de l’hydrogène : un plan visant à créer 6,2 millions de véhicules à hydrogène et piles à combustible d’ici 2040. Dans l’optique de faire progresser le marché de l’hydrogène, les secteurs public et privé se sont associés. Ils ont accueilli avec enthousiasme les dernières avancées du Korea Advanced Institute of Science and Technology (KAIST), présentées comme capables de produire de l’hydrogène et réduire le réchauffement climatique.
La ministre de la Transition Energétique, Agnès Pannier-Runacher a annoncé la signature d’un décret pour le lancement d’un mécanisme de soutien à la production d’hydrogène décarboné. Le gouvernement va donc allouer 4 milliards d’euros pour les projets les plus vertueux, via des appels d’offres. Dans le détail, ils seront lancés d’ici la fin de l’année 2024, en 2025 et 2026 pour attribuer des capacités de production, sous forme de tranches de respectivement 150, 250 puis 600 MW. Soit 1.000 MW au total. « Concrètement, les lauréats des appels à projets se verront attribuer une note, fondée à 70 % sur des critères de prix (sur la base d’un ratio euro par tonne de carbone évitée) et à 30 % sur des critères hors prix ». Un mécanisme qui a fait ses preuves pour développer l’électricité verte, à partir d’énergies renouvelables.
L’objectif est ainsi d’effacer les écarts de prix entre la production d’hydrogène carboné et celle d’hydrogène renouvelable. Les contrats seront signés pour une durée de quinze ans. « Nous avons tout d’abord soutenu la construction d’électrolyseurs ou de piles à combustible et maintenant nous sécurisons la production des opérateurs et nous la rendons compétitive », a ajouté par ailleurs Agnès Pannier-Runacher.
Des projets lancés au cours de l’année 2024 dans la Région Rhône-Alpes sont listés ci-après.
Le projet IMAGHyNE (Investment to Maximise the Ambition of Green Hydrogen iN Europe) lancé en février 2024 est coordonné par la Région Auvergne-Rhône-Alpes. Concrètement, ce sont près de 40 partenaires régionaux et européens qui vont travailler ensemble, pendant 6 ans, afin de permettre la production de plus de 8 000 tonnes d’hydrogène par an, soit l’évitement de consommation de 170 kilotonnes d’équivalent CO2. L’investissement s’élève à 200 millions d’euros.
Création d’un consortium pour développer un réseau de stations de distribution d’Hydrogène renouvelable en Haute-Savoie et dans l’Ain. Le projet consiste en la conception, la construction, la maintenance et l’exploitation d’un écosystème local, à savoir : plusieurs centrales de production d’hydrogène renouvelable, des moyens d’acheminement vers des stations de distribution, une infrastructure de stations d’hydrogène et des moyens de stockage de cet hydrogène.
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