Ecocem : innover pour un ciment bas carbone et réduire les émissions mondiales de CO2
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Par Arthur Waldmann, Consultant en financement de l’innovation
L’industrie textile est un secteur économique clé qui concerne la production de fibres, de fils, de tissus et de vêtements. Elle englobe un large éventail d’activités, allant de la culture des matières premières naturelles comme le coton, la laine ou le lin, jusqu’à la fabrication de produits finis. Le marché mondial du textile est segmenté. On retrouve les produits textiles pour la maison (rideaux, linge…), les textiles techniques pour l’industrie (aéronautique, automobile, composites…) et les textiles destinés à l’habillement. Le segment de la mode et de l’habillement domine sans surprise ce marché.
L’invention de machines a permis une production à grande échelle, transformant cette industrie en un pilier de l’économie mondiale. Aujourd’hui, l’industrie textile est un secteur mondialisé, avec une production concentrée dans certains pays (notamment en Asie). Elle reste toutefois largement influencée par les tendances de consommation, les innovations technologiques, et plus récemment par les préoccupations environnementales et sociales.
Les enjeux actuels incluent la durabilité et la réduction de l’impact carbone des matériaux. En d’autres termes, il existe un besoin de réduire, voire à terme, de se passer des énergies fossiles utilisées pour la fabrication des fibres textiles synthétiques. Pour cela, il convient d’identifier les axes de développements stratégiques qui orientent la recherche et d’encourager le développement des innovations qui en découlent. La solution première semble alors de se restreindre à l’utilisation de fibres naturelles. Pourtant, en se penchant sur la question, il apparait déraisonnable d’appliquer cette idée pour deux raisons.
Premièrement, les fibres naturelles ne fournissent pas une alternative parfaite du point de vue des propriétés des matériaux. Si l’industrie textile utilise de nombreuses fibres naturelles (lin, coton, laine, soie…), la fibre synthétique répond à des besoins techniques aussi diversifiés que les applications des produits (thermique, mécanique, chimique, électrique, de confort,… les contraintes sont multiples). Pour n’en citer que quelques-unes, l’élasthanne apporte de l’élasticité, les aramides apportent à la fois résistances mécanique et au feu, les fibres métalliques sont conductrices tandis que l’UHMPE (Polyéthylène très haute densité) est résistant à l’abrasion. La synthèse de fibres pétrosourcées a donc été motivée par la technicité voulue des produits finaux.
Deuxièmement, se passer complètement des fibres synthétiques reviendrait à augmenter considérablement la production de fibres naturelles afin de pallier le manque. Ce scénario participerait à l’appauvrissement, voire l’épuisement des ressources naturelles, à une occupation dramatiquement grandissante des surfaces et à une contamination des sols et des eaux liées à la culture des fibres.
Comme souvent, pour répondre aux enjeux environnementaux, il s’agit de faire coexister plusieurs solutions. Cette dernière peut avoir son lot d’impacts positifs. Pour autant, elle n’est pas la « solution miracle » qui permettra de verdir l’industrie textile en se passant d’énergie fossile.
Fort heureusement, d’autres alternatives existent pour répondre aux problématiques actuelles. Aujourd’hui, de nombreuses recherches s’articulent autour de la biosynthèse de matériaux et du recyclage des matériaux pétrosourcés. Tandis que l’avancée des techniques de recyclage permet de réduire l’impact de l’industrie textile telle qu’elle est aujourd’hui, l’innovation portée sur la synthèse verte de nouveaux matériaux dessine un avenir où les matériaux pétrosourcés se feront plus rares.
Ces deux axes de développement participent à la baisse de l’impact environnemental d’un produit (respectivement par la baisse de l’impact de production et de fin de vie). Il est toutefois crucial d’intégrer que la réduction de l’impact environnemental du secteur textile passe également par l’augmentation de la durabilité des produits et par conséquent par la réduction de la consommation et de la production. Pour illustrer ces propos, il est difficile d’imaginer une solution permettant à la « fast fashion » de se défaire de son impact environnemental.
Aujourd’hui, le secteur industriel textile européen produit chaque année 6.95 millions de tonnes de déchets. Cela équivaut à 16 kg par personne. De ces 16 kg, seulement 4.4 kg ont été collectés, recyclés et réutilisés, le reste étant incinéré ou enfoui. Les fibres textiles pétrosourcées représentent 64% du volume de fibres manufacturées à travers le monde, tout secteur industriel confondu (habillement, automobile, santé…).
La majorité de ces fibres est représentée par le polyester qui compte pour 54% de la production de fibres mondiale en 2022. C’est logiquement la fibre responsable de la plus grande quantité d’émission de gaz à effet de serre avec 125 millions de tonnes de CO2 éq. comme l’illustre la Figure 1. Ces chiffres incluent la part de polyester recyclée qui par ailleurs augmente linéairement depuis plusieurs années. En 2022, c’est 14% des fibres de polyester produites qui sont issues des filières de recyclage.
Après le polyester, la fibre la plus utilisée est le polyamide (ou nylon) qui représente environ 5% de la production mondiale, mais presque 10% des émissions de gaz à effet de serre. Le reste des fibres synthétiques produites (élasthanne, polyuréthane, acrylique…) est responsable de 5% supplémentaires. L’élasthanne en particulier, qui ne compte que pour 1.1% du volume produit chaque année, constitue un défi complexe pour l’industrie. Il est en effet présent, bien qu’à faible volume, dans un très large éventail de produit pour ses vertus d’élasticité. Sa présence complexifie grandement le recyclage des polymères avec lequel il est souvent mélangé.
Axes d’innovation
Portée à la fois par les entreprises, les associations et les laboratoires, l’innovation au sein du secteur textile s’organise selon des axes distincts. Chacun de ces axes adresse de manière pertinente l’enjeu environnemental de cette industrie. Ici, les deux axes mis en valeur sont ceux du recyclage et de la biosynthèse de matériaux. Pour autant, il en existe d’autres (production locale, amélioration de la réparabilité, développement des circuits de seconde mains…).
Le recyclage de matériaux synthétiques, spécifiquement des polymères, est un procédé déjà existant dont l’utilisation est démocratisée. Cependant, les infrastructures et les cadences de production ne permettent pas de répondre aux besoins de l’industrie. Par exemple, si le volume de polyester recyclé annuellement augmente (4% en 2010, 14% en 2020), la part que représente le polyester recyclé sur le total de polyester fabriqué tend à se stabiliser, voire même à diminuer (-1% entre 2021 et 2022). Cela illustre les difficultés qu’a le recyclage à se développer et à s’imposer dans le paysage industriel.
Étant donné la part dominante que représente le polyester, il est essentiel de concentrer les efforts pour recycler ce matériau. Actuellement, les bouteilles en PET de l’industrie agroalimentaire alimentent à l’écrasante majorité (99 %) le polyester recyclé. Les bouteilles en PET sont tout simplement les produits les plus couramment recyclés. Le plastique récupéré est ensuite réparti dans diverses industries pour y être mélangé avec d’autres polymères vierges afin de garantir un minimum de propriétés chimiques ou mécaniques.
L’industrie textile n’échappe pas à ce constat. Bien que les efforts de l’industrie agroalimentaire soient bénéfiques, cette solution n’est pas durable. La situation actuelle empêche, d’une part, l’industrie agroalimentaire de développer sa circularité et, d’autre part, n’incite pas l’industrie textile à gérer ses propres déchets, qui sont aujourd’hui incinérés ou enfouis.
La circularité au sein de l’industrie textile s’obtient par un recyclage des déchets textile pour une réutilisation textile (recyclage Textile-to-Textile). L’entreprise AMBERCYCLE répond à cette problématique en proposant un procédé de recyclage innovant permettant de fabriquer un polyester (Cycora ®) recyclé à base de déchets textile. Le recyclage des polymères s’opère selon deux catégories de processus, par voie mécanique ou chimique, chacune présentant ses avantages et ses inconvénients.
Le recyclage mécanique est le processus le plus installé. En Europe, c’est 98% des plastiques recyclés qui sortent des filières de revalorisation mécanique. Ce processus présente donc l’avantage d’être maitrisé et en place dans le paysage industriel. Très efficace lorsque l’approvisionnement en déchet est contrôlé, il perd en efficacité lorsqu’il est confronté à un mélange de matériaux.
Appliqué aux fibres textiles, le recyclage mécanique impose de recevoir des tissus non contaminés par divers agents et de préférence composés d’un unique matériau. Le recyclage mécanique de textiles composés de plusieurs matériaux (coton et élasthanne par exemple), très répandus, est complexe et plus cher. Il nécessite notamment, lorsque possible, la séparation des matériaux composant le tissu. En outre, le recyclage mécanique est un procédé peu délicat qui peut potentiellement abraser les textiles, ce qui fragilise la fibre et abaisse la qualité du matériau.
Pour pallier cette baisse de propriétés, il est courant de voir des fabricants usant de mélange de fibres recyclées et vierges. Moyennant un approvisionnement rigoureusement contrôlé, le recyclage mécanique demeure néanmoins une méthode efficace pour recycler les fibres textiles. Certaines innovations comme celles portées par VALVAN et la Fibersort Technology ou encore par SÄNTIS TEXTILES participent à l’amélioration des procédés de recyclage.
En raison des difficultés liées au recyclage mécanique des textiles, des technologies de recyclage alternatives, comme le recyclage chimique, apparaissent comme une solution prometteuse pour leur capacité à traiter les déchets textiles mélangés. Ces technologies sont conçues pour gérer les colorants, additifs et matériaux de finition. En outre, il est possible de récupérer des fibres recyclées avec des propriétés proches de celles des fibres vierges. Pour ces raisons, le recyclage par voie chimique présente un intérêt de plus en plus marqué.
Il est aujourd’hui la cible de nombreuses startups et entreprises spécialisées dans le recyclage qui se penchent sur le développement de technologies capables de traiter les différents quantités et types de polyester, mélangés ou non. Les technologies développées dépendent toutes du produit final souhaité par la marque et de ses objectifs globaux, ce qui encourage un phénomène de diversification du secteur.
Plusieurs méthodes permettent de dépolymériser partiellement ou totalement le polyester, afin de le reconstruire en un polymère dont les propriétés de performance sont équivalentes à celles du polyester vierge. Les principales méthodes de recyclage chimique des textiles comprennent l’hydrolyse, la méthanolyse, la glycolyse et l’enzymolyse.
Pour améliorer l’efficacité de ces processus et garantir une dépolymérisation complète, l’utilisation d’un catalyseur est souvent nécessaire. Selon la méthode de recyclage chimique choisie, le polyester peut être partiellement ou totalement dépolymérisé en monomères ou oligomères, qui sont ensuite traités et convertis en PET à l’aide de techniques de fabrication classiques. Ces monomères comprennent entre autres l’acide téréphtalique (TPA), le diméthyl-téréphtalate (DMT). En 2023, c’est un géant de l’ingénierie française, TECHNIP ENERGIES, qui s’est penché sur le recyclage chimique des déchets textile en polyester en créant une société, REJU. Cette entreprise a pour vocation de garantir la collecte des déchets et un recyclage « Textile-to-Textile » grâce à sa technologie VolCat.
En ce qui concerne le recyclage des fibres de polyamide, selon son grade, deux méthodes sont prometteuses. Les deux principaux polyamides utilisés sont le polyamide 6 et le 6.6. Leurs différences chimiques nécessitent de les recycler séparément. L’hydrolyse est efficace pour le recyclage de Polyamide 6 tandis que le recyclage mécanique est plus propice pour le grade 6.6.
La startup française ECOLLANT s’attèle à développer un procédé innovant permettant le recyclage des polyamides après séparation de l’élasthanne. De nombreux projets de recherches collaboratifs et publics visent à développer et organiser les filières de recyclage de l’industrie textile. Parmi eux figurent le projet Full Circle Textile de l’organisme Fashion For Good et le projet européen T-REX (Textile Recycling Excellence Project).
Par définition, les matériaux biosynthétiques sont partiellement ou totalement dérivés de ressources naturelles. Leur fabrication permet donc de se passer partiellement ou entièrement de ressources pétrolières. Les matériaux biosynthétiques se positionnent comme un secteur prometteur dans la quête du verdissement du secteur textile. Pourtant, la promesse d’un impact positif n’est pas sans condition. Il est nécessaire de considérer la nature et la source des ressources utilisées. L’extraction d’une ressource non régénérative ou cultivée de manière intensive peut affaiblir, voire effacer les bénéfices de la biosynthèse.
Il est également préférable de s’assurer que l’approvisionnement de cette ressource ne détourne pas ce qui aurait pu être une ressource alimentaire. Enfin, si la transformation de la ressource brute en matériau exploitable est trop énergivore ou complexe, il est possible que l’intérêt environnemental soit moindre et que l’industrialisation du procédé soit ralentie. Tous ces facteurs sont à prendre en compte pour qualifier la pertinence d’une innovation dans ce domaine.
Dans sa globalité, ce secteur d’innovation nécessite plus de recherche que pour le développement des techniques de recyclage et présente souvent des problématiques d’industrialisation. Actuellement, la majorité des technologies de biosynthèse de matériaux ne permettent de se passer que partiellement des ressources pétrolières. De plus, elles n’assurent pas systématiquement ni une circularité ni un recyclage.
Sur le plan technique, un matériau biosynthétique peut être un polymère d’origine biologique chimiquement identique à un polymère pétrochimique, mais obtenu par la synthèse d’une matière première naturelle (comme le sucre, par exemple). Il peut également désigner un polymère obtenu grâce à un procédé impliquant un organisme vivant (tel qu’un micro-organisme) à une étape du processus. Dans ce cadre, la biosynthèse permet de produire des copies exactes de fibres synthétiques conventionnelles (nylon, polyester, etc.) sans recourir aux ressources fossiles.
La biosynthèse permet aussi de « reproduire » certains polymères naturels (comme la cellulose ou la soie) plus simplement que dans la nature et/ou à grande échelle. Les polymères ainsi obtenus sont similaires sans être identiques à ceux retrouvés dans la nature, et sont produits par un autre type d’organisme vivant. C’est le cas, par exemple, de la soie d’araignée synthétique, produite par des micro-organismes sous forme de protéines. Dans ce cas, on parle de matériaux « alternatifs » dont la structure chimique est différente de ceux que l’on retrouve habituellement. En l’occurrence, des travaux de Mi, Junpeng et al. ont permis de produire une fibre synthétique de soie d’araignée calquée sur la fibre naturelle. Cette fibre présente de meilleures propriétés mécaniques comme le montrent les résultats de la Figure 2 où « WT cocoon silk » fait référence à la fibre naturelle.
La soie d’araignée est un matériau très solide, ce qui a incité les innovateurs tels que SPIBER à développer des processus de fermentation capables de produire une fibre textile.
Le polyester biosourcé (PET) est un remplacement direct des fibres de polyester d’origine pétrolière. La part de marché du polyester biosourcé est pour l’instant infime en étant estimée à environ 0,01 % de la production totale de polyester. Les faibles volumes sont principalement dus au prix, à la disponibilité et aux questionnements légitimes concernant la durabilité du polyester biosourcé. Ce matériau a en effet le potentiel de réduire les émissions de gaz à effet de serre de l’industrie textile, mais les matières premières doivent être sourcées et gérées de manière responsable pour que cela soit possible.
Des matières premières plus durables doivent être développées pour fournir à l’industrie des solutions innovantes permettant d’accélérer l’adoption du polyester biosourcé. Actuellement, à l’échelle commerciale, le PET biosourcé est principalement fabriqué à partir de matières premières partiellement biosourcées (30 % de matériaux renouvelables et 70 % de matériaux d’origine pétrolière). À l’avenir, il faut développer et mettre à l’échelle des solutions entièrement biosourcées. Le PET biosourcé peut parfaitement s’intégrer dans les produits tout en bénéficiant des chaînes de recyclages existantes pour être recyclé en fin de vie.
Le nylon 6 et le nylon 6,6 biosourcés sont des remplacements directs des fibres de nylon 6 et nylon 6,6 d’origine pétrolière. La part de marché des fibres de nylon biosourcé en 2022 est restée faible, à environ 0,4 % du marché mondial des fibres de nylon. La popularisation de son utilisation est ralentie pour les mêmes raisons que le polyester biosourcé (coût, disponibilité et durabilité). Comme le polyester biosourcé, le nylon biosourcé s’intègre parfaitement dans les produits et peut être traité dans les flux de recyclage existants.
L’adoption du nylon biosourcé permet aux acteurs du secteur textile d’offrir des alternatives dérivées des plantes et ainsi de sortir de leur dépendance au nylon d’origine fossile. Alors que le nylon 6 et le nylon 6,6 sont les plus utilisés, d’autres types de nylon sont biosynthétisés, comme le polyamide 11 (Rilsan ® d’Arkema) qui est fabriqué à base d’huile de ricin.
Les PHAs sont une catégorie de polyesters thermoplastiques qui peuvent être synthétisés grâce à diverses formes de bactéries et de micro-organismes. Contrairement aux polyesters synthétiques, qui dépendent des intrants d’origine fossile, les matières premières des PHAs proviennent soit des gaz à effet de serre (CO2 et méthane), soit de sources dérivées de la biomasse (sucres, amidons, glycérine et triglycérides).
Les opportunités offertes par les matériaux à base de PHA pourraient en faire des remplacements à la fois pour le polyester conventionnel et pour les polyamides, ce qui en fait une piste prometteuse. Les PHAs sont naturellement produits depuis des millions d’années par des bactéries qui les fabriquent lorsqu’elles sont placées dans les bons environnements de fermentation. Le PHA n’est pas une solution entièrement nouvelle puisque les premières tentatives de commercialisation de cette technologie ont commencé dans les années 1990. Cependant, un marché pas assez mûr et des technologies peu matures non pas permis de contourner un coût de production trop élevé.
De nouveaux développements permettent aujourd’hui de produire du PHA en utilisant un intrant gazeux, métabolisé par des organismes tels que les microalgues dans une cuve de fermentation. D’autres technologies de fermentation similaires utilisent des méthanotrophes, qui métabolisent particulièrement le méthane. Une autre approche de la production de PHA consiste à utiliser des déchets organiques/cellulosiques. Cela devient une matière première de plus en plus populaire pour l’innovation des biomatériaux. Il existe tout un florilège de techniques de synthèse et de traitement des matériaux à base de PHA. Cette diversité a permis de développer plus de 150 PHAs, capables de produire des polyesters biosourcés avec des propriétés variées. Il est ainsi possible de retrouver, entre autres, plusieurs grades de rigidité, d’élasticité ou de résistance à la traction.
Les protéines confèrent à de nombreux organismes naturels des propriétés telles que l’élasticité, la résistance à l’eau ou des couleurs distinctives. On les trouve dans divers éléments des écosystèmes naturels, notamment dans les plantes ou les algues. Ces protéines peuvent être extraites et transformées en fibres. Bien que l’industrie soit surtout familière avec des matériaux protéiques naturels comme la laine, les protéines synthétiques sont de plus en plus utilisées pour fabriquer différents types de fibres, dont certaines pourraient, à terme, remplacer le polyester, ou l’élasthane.
Ces dernières années, plusieurs startups ont également exploré l’utilisation de protéines provenant de sources inhabituelles pour remplacer le polyester et le nylon. Un exemple récent d’utilisation des protéines dans le textile est le développement par TANDEM REPEAT d’un matériau autorégénérant (le squitex) à partir de gènes de calamar. D’autres visent à réduire les déchets liés à la teinture comme PILI.
La production de ces matériaux nécessite généralement l’utilisation de bioréacteurs pour l’instant incapables de produire de grands volumes. En conséquence, ces gammes de produits sont généralement fabriquées en petites quantités avec des marges élevées. Les processus de fermentation et le séquençage de l’ADN doivent atteindre des échelles suffisantes tout en respectant les contraintes économiques relatives à une industrie.
Le PLA est un polymère thermoplastique fabriqué à base de végétaux riches en amidon comme le blé ou les betteraves selon le procédé de la Figure 3. C’est une des alternatives aux polyesters. Le PBS trouve son origine dans le sucre. Mélangé au PLA, il peut apporter des propriétés d’élasticité intéressantes. Néanmoins, ces matériaux ne possèdent naturellement pas les propriétés mécaniques du polyester. Cette limite restreint son utilisation et contraint les acteurs à le mélanger à d’autres polymères pouvant supporter les charges mécaniques. De plus, plusieurs industriels ont manifesté des difficultés pour teinter le PLA, freinant un peu plus son intégration au sein du secteur textile.
D’autres axes de développement, plus récents encore, sont suivis pour répondre aux enjeux environnementaux de l’industrie textile. Parmi eux, on retrouve la synthèse de matériaux à partir de CO2 récupéré de notre environnement. Que cela soit par Direct Air Capture (DAC), par récupération de déchet industriel ou par d’autres méthodes, certaines entreprises innovantes comme FAIRBRICS utilisent ce CO2 comme matière première. Cette approche bénéficie de la capacité à se greffer efficacement au paysage industriel en place.
Dans l’optique de promouvoir le verdissement du secteur textile, plusieurs dispositifs de financements sont accessibles au niveau national. La diversité de ces derniers permet de dynamiser les principaux axes de développement nécessaire à la décarbonation de cette industrie.
L’ADEME a récemment lancé deux appels à projets nationaux permettant la dynamisation de l’industrie textile française :
BPI France exprime également sa volonté d’aider les entreprises innovantes du secteur textile au travers de trois appels à projets :
Le Crédit d’Impôt Recherche (CIR) accompagne également les entreprises dans la réalisation de projet de recherche fondamentale, appliquée ou expérimentale, depuis plus de 40 ans.
PILI est une entreprise française fondée en 2015 à Toulouse proposant une alternative durable aux colorants pétrosourcés qui compte aujourd’hui pour 99% des colorants présents sur le marché. Chaque année, cette industrie fortement liée au marché du textile est responsable de l’émission de 200 millions de tonnes de CO2. Avant la technologie développée par PILI, la seule façon d’éviter les pigments à base de ressources fossiles était d’utiliser des pigments végétaux coûteux, ce qui a motivé l’expansion du marché des pigments pétrosourcés.
Sortie d’un laboratoire citoyen, l’idée de la startup française est de mêler fermentation industrielle et chimie organique afin de produire des couleurs à l’impact carbone réduit, sans compromis sur la performance, pour approvisionner les industries textiles, de peinture, d’encre, de revêtement et de polymère. Cette alternative donne à chacune de ces industries la possibilité de se mettre au vert.
PILI tire sa matière première de la biomasse issue de ressources agricoles non alimentaires traçables et renouvelables (mélasses et sucre d’amidon) que l’entreprise transforme en laboratoire afin de produire diverses molécules en se passant des ressources fossiles.
Ces ressources alimentent des micro-organismes chargés de fabriquer un intermédiaire aromatique lors de la fermentation. Une fois la fermentation terminée, l’intermédiaire aromatique (l’acide anthranilique) est récupéré et peut être utilisé comme un élément de base en chimie qui entre dans la composition de nombreux produits tels que les colorants, les parfums, les arômes…). C’est ce composant qui, par le biais de la chimie organique, et en appliquant les douze principes de la chimie verte, participe à la création des composés utilisés dans les pigments de PILI.
Certain du bénéfice environnemental de son procédé, l’entreprise s’est même engagée à régulièrement fournir des Analyses de Cycle de Vie (ACV) de tous ses pigments. L’entreprise renforce également sa position environnementale en réitérant son engagement auprès d’associations telles que En Monde Climat, Fashion For Good et Mouvement Impact France.
Le premier projet de PILI est également devenu son fer de lance. En produisant le premier pigment indigo biosourcé, l’objectif a été de s’attaquer à un monument de l’industrie textile, à savoir le denim et ses trois milliards de jeans vendus dans le monde chaque année.
En fin d’année 2024, l’entreprise a bénéficié d’un financement de l’ADEME à hauteur de quatre millions d’euros dans le cadre de l’appel à projet « Produits biosourcés et biotechnologies industrielles ». Co-financé par l’Union européenne et par le gouvernement français dans le cadre du programme France 2030, cet apport a pour but d’accélérer l’industrialisation du précieux pigment indigo en motivant la création d’une unité de démonstration à même de produire les premières tonnes. Ce démonstrateur a un objectif clair : fiabiliser le procédé et garantir aux premiers clients un approvisionnement stable. Nul doute que cette entreprise continuera à innover et participer activement au verdissement de l’industrie textile.
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