Point d’étape | Projet de Loi de finances 2025
FR Actualités Regard d'experts
Par Roby PERSONNAZ, Consultant en financement de l’innovation
Avec les Jeux Olympiques 2024 comme apogée, la France a accueilli les plus grandes compétitions internationales sportives sur son territoire ces dernières années. En effet, ces grands rendez-vous ont permis de développer un écosystème sportif dynamique et foisonnant, regroupant une grande diversité d’acteurs, tous réunis autour de la SporTech.
Nous comptons plus de 112 000 entreprises françaises liées au sport et réalisant plus de 77.7 Milliards de chiffre d’affaires. Parmi ces acteurs, la SporTech française est constituée de centaines de start-ups, réalisant plus de 450 millions d’euros de chiffre d’affaires et ayant levé plus de 745.5 millions d’euros de fonds en 2021. De plus, celles-ci sont épaulées dans leurs innovations par de nombreux laboratoires de recherches en science du sport ainsi que les 120 fédérations sportives et plus de 200 clubs professionnels. La filière sport représente ainsi 2,6 % du PIB français et 448 000 emplois.
L’arrivée de ces grands événements pousse la SporTech française à accélérer la démarche d’innovation qu’elle mène, dans la quête de l’excellence sportive. La plupart des compétitions se jouent aujourd’hui sur des détails. Ainsi, l’amélioration des performances physiologiques des athlètes via des processus innovants permet de gagner le surplus d’énergie nécessaire pour dépasser ses concurrents.
L’Etat français soutient ces développements via notamment le Plan Prioritaire de Recherche (PPR) « Sport Haute Performance ». Ce dispositif, doté de 20 millions d’euros, a financé plusieurs projets de recherche appliquée. L’objectif est d’améliorer la préparation des sportifs français, en prévision notamment des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024.
Cependant, cette quête de l’excellence ne doit pas se faire au détriment de la santé des athlètes. La réduction des blessures et leur prévention sont un enjeu majeur, notamment via l’utilisation de capteurs et de nombreuses données. Aujourd’hui, chaque entraînement ou chaque match génère des milliers de données physiologiques et des millions de données de positionnement. Ainsi, le traitement et l’analyse de ces données est essentiel. Il présente de nombreuses opportunités.
De nombreux outils de data science se développent et offrent une double promesse :
Au-delà des enjeux de performances de haut-niveau, la SporTech doit également travailler sur son impact sur le grand public. Bien que les pratiques sportives se développent, la sédentarité entrainant de nombreux risques sur la santé a doublée en 20 ans, représentant un coût de 17 milliards d’euros par an en France. La science a déjà démontré qu’une pratique sportive régulière réduit les risques de développer une maladie chronique, améliore le système immunitaire, améliore le sommeil, la santé mentale… En adaptant les technologies sportives à une utilisation quotidienne, elles deviennent ainsi des outils puissants pour promouvoir les pratiques sportives et engager le grand public dans la prise en compte des bienfaits du sport-santé.
Chaque sportif est unique, tant physiquement que mentalement. Cette diversité exige une approche individualisée pour maximiser les performances sportives. L’innovation joue par conséquent un rôle crucial dans cette démarche, en fournissant du matériel d’entraînement de plus en plus précis et connecté.
Nous retrouvons ces innovations tant pour le sportif occasionnel qui peut analyser toutes ses courses et obtenir des informations individualisées, que pour les athlètes de haut-niveau où l’innovation porte sur les méthodes de profilage et d’adaptation de l’entraînement pour maximiser leur potentiel.
Pour analyser l’entraînement, de nouvelles machines et méthodes se développent. Des capteurs biométriques sont intégrés aux équipements sportifs. Ils permettent de mesurer en temps réel des paramètres physiologiques essentiels. Ces données, permettent d’obtenir un retour objectif et d’ajuster les séances d’entraînement en fonction des besoins spécifiques de chaque athlète. Ainsi, une approche personnalisée favorise une progression optimale tout en minimisant les risques de blessures.
La gestion de la charge d’entraînement est un défi majeur pour les entraîneurs et les athlètes. En effet, une surcharge peut entraîner des blessures, tandis qu’une charge insuffisante peut ralentir les progrès. La recherche et l’innovation sont particulièrement actives sur ce secteur. De nouvelles méthodes d’analyse et de suivi de la charge d’entraînement voient le jour, telles que :
De nouvelles données sont également collectées dans de nombreux sports, comme le taux de lactate, le taux CPK (créatine phosphokinase)…
Le FC Grenoble Rugby, en collaboration avec l’Université Savoie-Mont Blanc et l’Université Nice Côte d’Azur, a utilisé un radar permettant d’analyser les sprints des athlètes. Lors de l’entraînement, les joueurs effectuent des sprints de plusieurs dizaines de mètres devant ce radar, qui récolte des données chaque microseconde. Les données du radar permettent de connaître la courbe de vitesse des athlètes au-delà d’un simple chrono, et d’effectuer un profilage force-vitesse pour adapter l’entraînement.
Le nombre de matchs et l’intensité des compétitions ne fait qu’augmenter. Plus précisément, un rapport FIFPRO (syndicat des joueurs de football) montre qu’en football, 70 à 80% des footballeurs jouent minimum deux matchs par semaine lors de la saison sportive. Outre la concentration de matchs, les nombreux déplacements et la réduction des pauses en saison et hors saison pèsent également sur la santé et les performances des joueurs.
La concurrence est également de plus en plus forte. A titre d’exemple, chaque été lors du Tour de France, de nouveaux records de vitesses sont enregistrés dans certaines ascensions. Lors de l’Euro 2024, une quinzaine de joueurs ont dépassé les 35km/h en course. À titre de comparaison, sur l’Euro 2012 le record absolu était de 33km/h.
Dans ce contexte, les sportifs de haut niveau doivent supporter des charges d’entraînement croissantes pour continuer à progresser. Cette augmentation de l’intensité expose les athlètes à un risque accru de blessures. Préserver le temps disponible pour s’entraîner sans blessure devient ainsi un sujet de recherche majeur de la performance sportive de haut niveau.
La recherche en science du sport a beaucoup évolué ces dernières années, en développant des procédés permettant de réduire les blessures comme le “speed vaccine”. Concrètement, il s’agit d’un indicateur montrant que la réalisation de sprints à haute intensité (minimum 90%) de la vitesse maximale du joueur, permettait de réduire le risque d’apparition de ces blessures. Réaliser des sprints agirait donc comme un vaccin contre ce type de blessure.
De plus, la connaissance du corps humain et de ses interactions biomécaniques font l’objet de nombreuses études permettant de mieux comprendre les facteurs d’apparitions des blessures, afin de proposer des programmes de préventions adaptés.
Par ailleurs, les blessures à la tête constituent également un sujet de recherche privilégié en science du sport. Les commotions cérébrales, étudiées principalement en rugby, peuvent engendrer de graves troubles neuropsychologiques, si elles ne sont pas détectées et soignées rapidement. Cependant, il est complexe de détecter et d’identifier des commotions cérébrales. Aujourd’hui cela est réalisée par analyse d’une vidéo sans données objectives.
Les acteurs de l’écosystème Sportech innovent via des dispositifs portables, tels que des casques équipés de capteurs, ou des protège-dents connectés. Ils permettent de mesurer l’impact des chocs subis par les athlètes en temps réel.
Déjà pionnier dans ce domaine, le Staff Médical de l’ASM Clermont Auvergne et le professeur Vincent Sapin (chef du service Biochimie et Génétique Moléculaire du CHU de Clermont-Ferrand) lancent une étude sur deux nouveaux biomarqueurs prometteurs : la GFAP et l’UCH-L1. Contrairement à la protéine S100 qui sert de référence actuellement dans la prise en charge de commotions cérébrales, ces biomarqueurs ne semblent pas varier pendant l’effort. En conséquence, cela permettrait de faciliter et d’objectiver l’état de souffrance et de récupération du cerveau
Pour performer au plus haut niveau, la dimension physique ne suffit pas. Ainsi, les modèles de performance les plus récents distinguent plus d’une dizaine de déterminants de la performance sportive. La place des aspects cognitifs et mentaux prend une dimension de plus en plus importante. De nombreux travaux de recherche en découlent.
Le sport de haut niveau impose aux joueurs professionnels d’évoluer dans un environnement hautement concurrentiel et extrêmement exigeant tant sur le plan social, physique et mental. Concrètement, les joueurs doivent vivre en permanence des situations stressantes et déstabilisantes et susceptibles d’impacter la performance et leur équilibre mental. La recherche en préparation mentale permet d’optimiser de nombreux aspects du jeu, aussi cruciaux que :
De plus, de nombreux travaux de recherche sont mis en place pour mieux comprendre les effets de l’entraînement sous pression par exemple, ou encore de l’influence de différents facteurs externes sur la performance.
La réussite ou non d’un geste technique peut avoir un impact important sur le déroulé d’un match ou sur le résultat d’une compétition, comme la réussite d’un tir au but en finale de coupe du Monde. Il a d’ailleurs été démontré que les composantes psychologiques (comme le stress, le langage corporel, la relation entre le tireur et l’équipe et même l’historique de réussite d’une nation lors de séances de tirs au but) étaient les plus influentes sur les résultats des tirs au but. Elles le sont davantage que celles physiologiques.
De même, des travaux de recherche ont permis de mettre en avant que l’instauration d’une routine avec un temps d’attente plus long et des processus de respirations permettaient aux joueurs d’améliorer leur pourcentage de réussite lors de cet exercice.
Les aspects de vision de jeu (perceptivo-cognitifs) sont également clés dans la performance. Cet aspect a été popularisé par Arsène Wenger, en 2018. Alors coach à Arsenal, il commande une étude sur la prise de décision de ses joueurs. Les résultats démontrent que les bons joueurs sont capables de prendre l’information entre 4 et 6 fois, durant les 10 secondes précédant le contrôle du ballon, tandis que les très bons joueurs sont capables de prendre l’information entre 6 et 8 fois.
Autrement dit, les très bons joueurs ont la capacité d’enregistrer plus d’informations sur le terrain et ainsi maximisent leurs chances de prendre la bonne décision d’action à jouer. Des travaux sur l’amélioration des visions de jeux et de prises d’information efficaces sont alors menés pour pousser les athlètes à progresser davantage.
Chaque action de match et d’entrainement génère une multitude de données, que ce soit des données d’événements (par exemple le nombre de passe, ou de duels, le nombre de fois ou un joueur a pris l’information, etc.) ou des données de tracking (le détail de la course des athlètes). Au total, ce sont plusieurs millions de données qui sont collectés sur les athlètes et le jeu collectif par événement sportif (un match par exemple). Au risque de se perdre dans cette multitude d’information, l’innovation réside dans l’identification, le traitement et le couplage de données pertinentes permettant de créer des connaissances.
Le Toulouse Football Club, a basé sa stratégie de recrutement sur l’analyse de données. Concrètement, ils déterminent de nouveaux indicateurs de performance en utilisant et analysant plusieurs milliers de données sur les joueurs. Les résultats ont été probants, la cellule a acté le recrutement de deux joueurs de divisions inférieures au TFC : Van den Boomen, recruté en deuxième division hollandaise (désigné la saison passée meilleur joueur de Ligue 2) et l’attaquant Rhys Healey, recruté à Milton Keynes, en troisième division anglaise (couronné meilleur buteur de Ligue 2).
Comme dans de nombreux secteurs, l’intelligence artificielle est également un catalyseur d’innovations. En effet, les algorithmes d’IA peuvent traiter et analyser des volumes massifs de données bien plus rapidement et efficacement que les méthodes traditionnelles. En utilisant des techniques d’apprentissage automatique, ces algorithmes peuvent :
Durant trois ans, le club anglais du Liverpool FC et Google DeepMind ont travaillé conjointement sur l’élaboration d’une IA capable d’élaborer des schémas tactiques. TacticAI analyse les comportements des joueurs au moment d’une des phases de jeu spécifique, les corners. Ainsi, toutes les positions, les caractéristiques des joueurs et les différents déplacements sont analysés pour déterminer la combinaison ayant statistiquement la plus de chance d’amener à un but.
La réalité virtuelle (VR) est également en train de modifier le paysage sportif en offrant de nouvelles possibilités d’entraînement et de préparation. Grâce à la VR, les athlètes peuvent s’immerger dans des environnements simulés qui reproduisent des conditions de jeu réelles ou même des situations spécifiques qu’ils sont susceptibles de rencontrer en compétition. Cela peut être particulièrement intéressant en période de réathlétisation. En effet, des premiers résultats prometteurs montrent que la VR est un outil intéressant pour l’entrainement et l’évaluation des joueurs athlètes.
Le Stade Rochelais, club double champion d’Europe en rugby, mène de nombreuses études sur ce sujet avec la start-up Agon spécialiste de solutions VR. Ces études visent à développer et tester des stratégies d’entraînement en réalité virtuelle ayant pour but d’améliorer les performances cognitives des joueurs de rugby. Concrètement, l’entraînement classique est remplacé par une session de réalité virtuelle ou les joueurs s’exercent sur différents modules permettant l’entraînement neuro-cognitif.
Point d’étape | Projet de Loi de finances 2025
Aussi