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Energie, chimie et environnement
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Regard d'experts
Les impératifs de protection de l’environnement entraînent la nécessité de décarboner l’industrie, c’est-à-dire réduire les émissions de CO2 de tous les secteurs industriels. Cette démarche passe par le développement des énergies renouvelables (solaire, éolien, etc.), mais aussi par le développement de la filière hydrogène.
Aussi, ABGI propose de se pencher sur cette dernière, puis détailler les nombreux concepts et technologies qu’elle englobe.
L’hydrogène (H) est un élément chimique. C’est, en effet, un atome composé d’un proton et d’un électron. C’est l’élément chimique le plus léger. Il est très abondant à la surface de la Terre, mais n’existe pas à l’état pur . Il est associé à d’autres éléments chimiques, pour former des molécules,
La densité massique d’énergie de l’hydrogène (liquide ou comprimé) est de 143 MJ/kg . En effet, cette valeur est particulièrement élevée par rapport à d’autres sources d’énergie.
Figure 1 : Comparaison des densités massiques d’énergie de différentes sources d’énergie .
La forme de l’hydrogène la plus utile aux applications énergétiques est la molécule de dihydrogène H2. Elle est à l’état gazeux aux conditions de température ambiante et de pression atmosphérique. Aussi, il est nécessaire de transformer les molécules contenant naturellement de l’hydrogène en gaz dihydrogène exploitable . C’est pour cela qu’on appelle le dihydrogène un vecteur d’énergie et non une source d’énergie.
Une source d’énergie est un matériau extrait et utilisé « directement ». Par exemple, le charbon est une source d’énergie. En revanche, pour utiliser du dihydrogène, il faut déjà le produire.
Il existe différents concepts permettant de produire du dihydrogène.
Le concept le plus utilisé pour produire du dihydrogène à partir d’hydrocarbures fossiles est le reformage à la vapeur, aussi appelé vaporeformage. Il s’agit de faire réagir un hydrocarbure ou un gaz naturel avec de la vapeur d’eau en présence d’un catalyseur . Il faut donc apporter de l’énergie à la réaction en la chauffant (entre 750 et 1000°C).
La réaction de reformage impliquant le méthane se passe comme suit :
CH4 (g) + H2O + chaleur → CO + 3H2
Le monoxyde de carbone (CO) généré est ensuite converti en hydrogène et dioxyde de carbone (CO2) en utilisant la vapeur d’eau récupérée de la première réaction. Cette conversion suit la réaction suivante :
CO + H2O → H2 + CO2
On appelle cette réaction, la réaction du gaz à l’eau.
Une autre méthode de production consiste à « dissocier les atomes de dioxygène (O2) et de dihydrogène de l’eau ». La réaction devient alors :
H2O → H2 + ½ O2
Cette méthode de décomposition est l’électrolyse. Celle-ci permet ainsi la décomposition de l’eau sous l’influence d’un courant électrique. La Figure 2 présente le fonctionnement général d’un système d’électrolyse.
Figure 2 : Fonctionnement général de l’électrolyse .
Un courant électrique continu est appliqué entre les deux électrodes. Cela met en mouvement les électrons entre la borne négative d’alimentation et la cathode. Ces électrons réagissent avec les ions hydrogénure H+ et forment ainsi de l’hydrogène (H2). Cette réaction chimique s’appelle réduction. Parallèlement, les ions hydroxyde (OH–) perdent un électron et deviennent du dioxygène (O2). Ces électrons rejoignent ensuite la borne positive de l’alimentation .
L’utilisation de la biomasse est aussi une voie de production. La biomasse désigne la matière organique (la matière fabriquée par les êtres vivants) à la surface terrestre (les végétaux, les résidus de culture, les déchets organiques, etc.) .
Cette biomasse peut subir ce que l’on appelle une gazéification. Elle est chauffée en présence d’une faible quantité d’oxygène, à des températures comprises entre 900 et 1200°C. Ceci permet la formation d’un gaz majoritairement composé de monoxyde carbone (CO) et de dihydrogène (H2) .
Comme expliqué auparavant, l’impact environnemental de la production d’hydrogène se situe au niveau des voies de production. Cet impact dépend
Une classification de l’hydrogène a été proposée sur la base de sa propreté environnementale :
Actuellement, l’hydrogène est déjà utilisé dans le domaine de la chimie. Il est utilisé dans la synthèse de l’ammoniac ou encore du méthane. Il est aussi utilisé dans le raffinage des hydrocarbures .
Un grand enjeu de l’utilisation de l’hydrogène est la pile à combustible (PaC). La structure et le fonctionnement d’une PaC ressemblent beaucoup à celui des batteries primaires ou secondaires que nous connaissons déjà (respectivement les piles non rechargeables et rechargeables).
Dans une batterie, les réactifs consommés sont contenus dans l’enceinte de la batterie et sont consommés
Dans une PaC, les réactifs sont fournis à la cellule. Théoriquement, une PaC peut fonctionner indéfiniment, tant que les réactifs sont fournis .
La Figure 3 est une illustration d’une cellule, l’unité fonctionnelle la plus petite d’une PaC.
Les électrodes sont faites d’un matériau poreux recouvert d’un catalyseur. Le dihydrogène est amené jusqu’à l’anode, où il subit une oxydation. Cela génère deux ions hydrogénure H+ et 2 électrons. Les ions hydrogénure migrent à travers l’électrolyte jusqu’à la cathode, où ils réagissent avec du dioxygène (présent naturellement dans l’air). Cela génère de l’eau et de la chaleur. Les électrons libérés lors de l’oxydation ne peuvent pas traverser l’électrolyte et sont obligés d’emprunter un circuit extérieur jusqu’à la cathode. C’est un courant électrique .
Figure 4 : Fonctionnement schématique d’une PaC fonctionnant à l’hydrogène .
Aussi, on distingue différents types de cellules selon le type d’électrolyte utilisé :
L’utilisation, à plus grande échelle du dihydrogène, nécessite la mise en place d’une infrastructure de transport et de stockage de celui-ci. Il reste ainsi :
“Le dihydrogène possède une grande densité massique d’énergie, mais une densité volumique très faible”. L’exploitation du dihydrogène est plus efficace lorsqu’il est dense. Il faut donc,
La liquéfaction du dihydrogène a lieu à -253°C, ce qui demande de fournir de l’énergie.
De nombreuses entreprises innovent sur cette filière de pointe. Nous souhaitons mettre en exergue quelques projets innovants.
L’entreprise Ergosup, créée en 2010, développe un « procédé innovant et breveté de production directe d’hydrogène par électrolyse à très haute pression et de stockage » . Cette solution permet de produire du dihydrogène déjà comprimé. Aussi, elle a reçu le prix du Concours Mondial de l’Innovation en 2014,2015 et 2017. Puis, en 2019, le Prix de l’Innovation au CES.
De plus, on peut citer le projet Membrasenz, soutenu par l’appel à projets H2020. Son but était le développement de membranes en matériau composite permettant de séparer l’hydrogène d’un mélange gazeux lors de la production .
Enfin, la production de “bioH2″, ou production par voie biologique est aussi une voie qui fait l’objet de travaux de recherche. “La souche C. cellulolyticum identifiée comme l’une des meilleures productrices de dihydrogène ne croit que sur des sources de carbone onéreuses. Il faudrait obtenir une souche ayant un fort rendement et utilisant des sources de carbone plus économiques”. Enfin, une autre piste envisagée est la valorisation des déchets organiques.
L’enjeu environnemental et économique est ainsi stratégique. Aussi, le gouvernement français a mis en place un plan Hydrogène dès 2018. Puis, à partir de 2020, une “Stratégie Nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné en France” . Enfin, plus récemment, le plan d’investissement France 2030, initié en octobre 2021, soutient le développement de la filière hydrogène .
Laure-Patricia BALEP
Rédactrice scientifique
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Le Smart grid peut-il aider la transition et les défis énergétiques ?