Le Smart grid peut-il aider la transition et les défis énergétiques ?

Le 29 avril 2021

CCUS : «Carbon Capture Utilization and Storage » permet le captage, l’utilisation, le stockage du carbone  et permet donc une réduction des émissions qui peut être appliquée à des ensembles du système énergétique. Exemple : Projet « Northern Lights » de Total.ABGI France aborde dans cet article les enjeux de la transition énergétique et ses effets sur les infrastructures électriques depuis la production jusqu’aux consommateurs finaux. Ces nouveaux réseaux électriques dénommés les « Smarts grids » devront relever de nombreux défis pour fonctionner à différentes échelles géographiques en intégrant les énergies renouvelables et les nouveaux usages.

L’urbanisation s’accélère à l’échelle mondiale. La population augmente et de profondes disparités peuvent se dessiner :

  • Dans le monde, 850 millions de personnes n’ont pas d’accès à l’électricité .
  • Plus de 2,6 milliards de personnes n’ont pas d’installation de cuisson “propre” et utilisent la biomasse solide, le kérosène ou le charbon comme principal combustible de cuisson .
  • L’énergie électrique utilisée par habitant varie d’un facteur allant de 1 à 35 voire plus selon les pays .
  • La consommation des énergies carbonées qui rejettent des gaz à effet de serre dans l’atmosphère est en augmentation depuis plusieurs décennies. L’énergie mondiale consommée est issue de la transformation de formes d’énergies dont le pétrole 33%, le charbon 27%, le gaz naturel 24%, l’hydroélectricité 6,4%, le nucléaire 4%, l’éolien 2,2%, le solaire 1,1%, la biomasse et géothermie 1,0%, et les agrocarburants 0,7% . L’énergie mondiale est donc principalement carbonée (Pétrole, charbon, gaz) et environ 20% de cette énergie est transformée en électricité.

 

La nécessité de relever le défi de la transition énergétique

 

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (le GIEC) rapporte l’impact d’un réchauffement global de 1,5 °C déjà observé depuis le début de l’ère industrielle. Le lien entre les activités humaines et l’accroissement constaté de la température globale est de moins en moins remis en cause. Depuis les années 2000, la compréhension scientifique dans ce lien est passée de probable à extrêmement probable .

Les projections futures

 

Pour l’avenir, des projections peuvent être faites en paramétrant ces modèles selon différents scénarios. Bien que les scénarios et les modèles soient imparfaits par nature, ils s’améliorent avec le temps et les données collectées. Ils restent notre meilleure source d’information sur l’avenir et permettent de définir différentes trajectoires.

  • Certaines prédisent un échauffement de l’ordre 4,6°C à la fin du siècle (scénario de référence basé sur la poursuite du rythme d’émissions de gaz à effet de serre ).
  • Et d’autres scénarios intègrent des changements d’habitude de consommation réduisant les GES et limitant l’échauffement proche de 2°C ou 3°C si ces actions sont mises en place .

Les conséquences

Les conséquences restent difficiles à accepter :

  • Des hausses de température, du niveau des mers.
  • La dégradation de systèmes biologiques (terrestres et marins), de la production alimentaire et les moyens de subsistance.
  • Et aussi la dégradation de la santé et de l’économie.

Ces effets auront de plus en plus de conséquences négatives.  On ne peut pas les annuler, mais on peut opérer une transition énergétique qui en réduira l’impact. Face à l’ampleur de la transition à mettre en œuvre, ces constats sombres peuvent tétaniser les consciences et nous faire douter de notre capacité à agir .  Pourtant, des actions sont nécessaires pour préserver non seulement l’environnement, mais aussi l’économie .

 

Quelle quantité d’énergie électrique pour être heureux ?

Cette question est certes subjective, mais reste intéressante pour définir un seuil nécessaire à la qualité de vie dans une perspective durable. Les Nations unies (UNDP) et la banque mondiale utilisent l’indice de développement humain IDH comme un des facteurs d’évaluation de la qualité de vie. L’IDH mixe des données sur l’éducation, l’espérance de vie et bien plus dans un même indice. Cet indice est aussi mentionné par l’ADEME parmi les indicateurs du développement durable.

Sans surprise, les pays affichant des niveaux de développement humain (IDH) plus élevés exercent généralement une plus grande pression sur la planète. Ils consomment en moyenne davantage de matières premières (biomasse, combustibles fossiles, minerais métalliques et non métalliques) pour satisfaire la demande finale intérieure de biens et services d’un pays.

Quel lien entre l’IDH et la consommation électrique ?

 

Ce lien entre l’IDH et la consommation électrique peut aussi être fait . On voit alors qu’au-delà d’un seuil, le niveau d’IDH ne monte plus.

Il faut donc de l’électricité pour satisfaire des besoins élémentaires et avoir une vie de qualité agréable, mais ce que consomme actuellement un habitant des pays dits « développés » n’est pas transposable au reste du monde, sans faire exploser la consommation d’énergie carbonée et détruire massivement l’environnement.

En effet, selon les données de l’IAE (en 2018), l’électricité mondiale est issue :

  • Des combustibles fossiles pour 64%.
  • D’hydroélectricité 16 %.
  • Du nucléaire pour 10 %.
  • D’éolien 5 %.
  • De solaire 2 %.
  • De biomasse 2 %.
  • Et enfin de géothermie >1 %.

L’énergie électrique dite renouvelable ou ENR* ne représente actuellement que 26%. La transition énergétique nécessite d’augmenter les ENR, des changements de comportement et la réduction des énergies carbonées.

* ENR : Énergie renouvelable (dont le renouvellement naturel est assez rapide pour être considéré comme inépuisable tout en considérant des limites de disponibilité ou de puissance utilisable) soit : biomasse (carbonée), hydroélectricité, géothermie, solaire, éolien (non carbonée).

 

Quel futur pour les réseaux électriques ?

 

Seule une accélération des changements structurels dans la façon dont le monde produit et consomme les différentes formes d’énergie peut permettre de réduire la tendance des émissions.

Changement de nature et de nombres de sources de production

 

Dans les scénarios les plus rapides (type 2050 pour un équilibre ) :

  • La part des énergies renouvelables dans l’approvisionnement mondial en électricité passe de 27 % en 2019 à 60 % en 2030.
  • Et l’énergie nucléaire représente un peu plus de 10 %.
  • Tandis que la part fournie par les centrales à charbon sans CCUS* diminue fortement, passant de 37 % en 2019 à 6 % en 2030.

Les investissements dans le secteur de l’électricité triplent presque, passant de 760 milliards de dollars en 2019 à 2200 milliards de dollars en 2030, dont plus d’un tiers est consacré à l’expansion, à la modernisation et à la numérisation des réseaux électriques.

Changer la nature et le nombre de sources d’approvisionnement est un défi majeur pour l’électrification. Par nature, les énergies solaires et éoliennes sont intermittentes. Cependant, la consommation ne l’est pas.

On sait aussi qu’un réseau électrique national doit être équilibré, sinon il peut s’effondrer partiellement ou totalement pendant des heures. Or, les systèmes de pilotage des réseaux actuels restent principalement structurés avec de grosses centrales de production stables, distribuant l’énergie vers les consommateurs. Sans nouvelles améliorations et sans nouvelles protections, l’équilibre des réseaux deviendra de plus en plus instable à mesure que l’on augmentera les sources intermittentes et fluctuantes.

* CCUS : «Carbon Capture Utilization and Storage » permet le captage, l’utilisation, le stockage du carbone  et permet donc une réduction des émissions qui peut être appliquée à des ensembles du système énergétique. Exemple : Projet « Northern Lights » de Total.

 

De nouvelles architectures Smart grid

 

De nouvelles architectures doivent voir le jour et des efforts importants restent aussi nécessaires pour :

  • L’efficacité énergétique.
  • Les énergies renouvelables (ENR).
  • La connectivité des charges et des systèmes.
  • L’hydrogène, les piles à combustible et les autres énergies de stockage.
  • Le nucléaire et les sources de stabilisation rapide des réseaux (Gaz & stockage).
  • Les modèles économiques basés sur la tarification progressive du carbone, le stockage, l’effacement…
  • La gestion et la sécurité de l’information pour les réseaux distribuées.
  • La création de réseaux énergétiques locaux (microréseaux) et Mini-Grid.
  • La construction de filières multi-acteurs.
  • L’autoconsommation résidentielle.
  • Les procédés de décarbonations.

Cette nouvelle révolution doit aussi relever le défi des coûts, car le prix du kWh pour les besoins utiles, doit rester abordable au plus grand nombre pour réduire l’utilisation des énergies carbonées.

 

 

Technologies Smart grid et transition vers une énergie électrique, abordable, fiable, propre, sûre et durable

Quelle R&D est nécessaire pour assurer les missions des Smart Grids ?

Les missions peuvent être résumées en objectifs :

  • Faire fonctionner les réseaux et les systèmes électriques à différentes échelles géographiques avec une majorité d’énergies renouvelables (variable et moins prévisible).
  • Accompagner l’électrification et l’intégration dans les réseaux électriques des nouveaux usages énergétiques (par exemple : véhicule électrique, pompes à chaleur, le stockage décentralisé, …).
  • Assurer l’interconnexion et la bonne coordination pour assurer la stabilité et le fonctionnement des réseaux et des marchés électriques.

 

Les technologies communicantes devront donc progresser pour permettre :

  • L’action (des Smart grids et de la digitalisation) sur la décarbonation des bâtiments et de l’industrie incluant la flexibilité des consommations.
  • La standardisation des communications qui favoriserait la maîtrise de la demande résidentielle.
  • La création d’architecture de données énergétiques favorisant des services au « consom’acteur ».
  • La résilience énergétique et la performance industrielle des territoires par la combinaison des communications temps réel.
  • Le déploiement du stockage pour les réseaux et les ENR.
  • Ou encore le couplage multi-réseaux de distribution (électricité, chaleur, froid, H2, e-fuels).

La France possède de vrais atouts et une volonté annoncée pour cette transition . Les savoirs faire et les compétences de la R&D française participent à la résolution de nombreuses problématiques techniques à tous les niveaux du réseau (production, transport, distribution, consommation).

 

Les efforts de R&D vont se poursuivre sur différents axes, notamment :

  • Les architectures et les systèmes du grid (très haute tension, réduction des pertes, rendement,..).
  • Les IoT (objets connectés), les communications réseau et la sécurité (dont cyber-sécurité).
  • Les systèmes de mesure, de diagnostic, de prédiction et de facturation.
  • L’interconnexion avec le Smartcity (mobilité, gestion des déchets, etc.).
  • Les électroniques de puissance et les systèmes de jonction.
  • La production de formes non carbonées de l’énergie.
  • De nouveaux outils de maintenance du réseau.
  • L’équilibrage et le stockage de l’énergie.
  • Enfin, la réduction des infrastructures et des coûts.

Les acteurs français sont de Grandes Entreprises, des ETI, des PMEs, des ITE*, des organisations sectorielles, des pôles de compétitivité, des laboratoires, etc. Ce réseau d’acteurs participe à la création de ces nouvelles technologies Smart grid et contribue à relever le défi de la transition.

Le Smart grid est donc un ensemble de technologies. Cet ensemble ne résout pas tous les problèmes de la transition énergétique mondiale. Mais ce tissu d’acteurs** et de solutions techniques innovantes est au service de l’intégration des énergies renouvelables et favorise l’efficacité énergétique. Il participe à la rupture avec le passé et peut aussi encourager des comportements plus durables (particuliers, industriels, entreprises).

*ITE : Institut de transition Énergétique

**Quelques acteurs du Smart Grid (Liste non exhaustive) : ABB,  ADEME, Alstom,  Atos,  Capgemini,  CEAtech,  CRE,  DGEC,  EDF,  Efficacity,  ENEDIS,  GE,  Gimelec,  Ilek,  RTE,  Sagemcom,  Schneider,  Sicame, Supergrid, mais aussi les acteurs et constructeurs de la mobilité électrique et bien d’autres encore qui apporteront aussi leur contribution à cette transition nécessaire.

 

 

Nicolas PÉZIER
Consultant Senior


Références sur le Smartgrid

L’Agence internationale de l’énergie (AIE) – World Energy Outlook 2020 & 2019
(AIE) – SDG7: Data and Projections 2018
Banque mondiale : indicateurs
BP : statistical-review-of-world-energy 
GIEC :  IPPC – International Plant Protection Convention  – Changements climatiques 2014.
GIEC : « 2019 Refinement to the 2006 IPCC Guidelines for National Greenhouse Gas Inventories »
Parenthèse Culture 22 – Etienne Klein (CEA)- L’Énergie
SENAT : Enjeux et outils de la réduction des émissions de CO2
UN DP : «Rapport sur le développement humain 2020 » – Graphique IDH page 7
Banque mondiale : Indicateurs
Université de Sherbrooke, Québec, Canada 2014 – IDH et consommation électrique.
ADEME – Chiffres clés
IAE : data-and-statistics
IAE : 2050 net-zero-emission scenario
CEA Tech « gestion coordonnée des microréseaux »
EDF – « R&D d’EDF et les Smart Grids » 2020
Capgemini : plan-de-relance-smartgrids-en-france
Thinksmartgrids : Membres associés et observateurs
United Nations – Climate Change : L’Accord de Paris.

 

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