L’industrie textile verte : état des lieux, enjeux & innovations
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Par Stéphane Léon, Consultant en financement de l’innovation
Docteur en Neurobiologie de l’obésité
La Journée mondiale de l’obésité, célébrée chaque année le 4 mars, vise à sensibiliser le public et les autorités à l’urgence sanitaire que représente cette maladie. Dans le cadre de cette journée mondiale, ABGi France vous donne son point de vue Expert sur la maladie.
L’obésité est une maladie chronique, évolutive et récidivante qui touche plus d’un milliard de personnes au niveau mondial. En France, 8 millions de personnes sont en situation d’obésité. Parmi les populations pédiatriques, 17% sont en surpoids et 4% en situation d’obésité, impactant ainsi leur santé physique sur le long terme, ainsi que leur santé mentale (Figure 1).
Figure 1. Les chiffres clés de l’obésité en France (www.sante.gouv.fr)
Longtemps définie par une accumulation excessive de graisse due à un déséquilibre énergétique (apports > dépenses), cette vision est remise en question. L’obésité implique aussi l’absorption énergétique, modulée par les enzymes digestives, les acides biliaires, le microbiote, les hormones et les signaux neuronaux. Selon l’OMS, un indice de masse corporelle (IMC = poids/taille²) de >30 kg/m² définit l’obésité. L’obésité accroît le risque de maladies cardiovasculaires, diabète, cancers, troubles musculosquelettiques et mentaux, tout en réduisant la qualité de vie. Dans ce contexte épidémique alarmant, l’innovation pharmacologique prend une place de plus en plus importante.
Longtemps perçue comme le simple résultat d’un excès calorique associé à un mode de vie sédentaire, l’obésité est aujourd’hui reconnue comme une maladie multifactorielle où des facteurs génétiques, épigénétiques, hormonaux et environnementaux interagissent étroitement. La notion selon laquelle il suffirait de « manger moins et bouger plus » pour perdre du poids est désormais dépassée.
La génétique joue un rôle clé dans la susceptibilité à l’obésité. Plusieurs études ont mis en évidence l’implication de mutations génétiques spécifiques dans des formes monogéniques de la maladie. Par exemple, des mutations du récepteur de la mélanocortine de type 4 (MC4R) perturbent la régulation de la satiété et conduisent à une prise de poids excessive dès l’enfance. De même, des variations génétiques affectant la production et la sensibilité à la leptine, une hormone clé du contrôle de l’appétit, peuvent engendrer une obésité sévère et précoce.Toutefois, ces mutations restent rares. La majorité des cas d’obésité repose sur une interaction complexe entre prédispositions génétiques et facteurs environnementaux.
En effet, le rôle de l’environnement est également déterminant. L’industrialisation et l’urbanisation ont favorisé la diffusion d’une alimentation riche en sucres rapides et en graisses saturées, souvent associée à une forte densité énergétique et à une palatabilité accrue qui stimule les circuits cérébraux du plaisir et renforce la consommation excessive. Parallèlement, la sédentarité s’est intensifiée avec l’essor des emplois tertiaires et l’omniprésence des écrans, réduisant de manière significative la dépense énergétique quotidienne.
L’épigénétique apporte un nouvel éclairage sur l’origine de l’obésité.
Certaines modifications chimiques de l’ADN, induites par l’alimentation ou l’exposition à des perturbateurs endocriniens, peuvent affecter durablement l’expression des gènes impliqués dans la régulation du métabolisme énergétique. Par exemple, une exposition prénatale à un régime riche en graisses peut altérer la méthylation du gène clé POMC, influençant ainsi la capacité du cerveau à réguler la prise alimentaire dès la naissance. Ces découvertes ouvrent la voie à des stratégies de prévention ciblées, notamment durant les périodes critiques du développement de la pathologie de l’obésité.
L’obésité résulte en grande partie d’un déséquilibre dans la régulation cérébrale du poids corporel, orchestrée par l’hypothalamus et divers circuits neuronaux impliqués dans la gestion de l’appétit et du métabolisme énergétique.
L’hypothalamus, situé à la base du cerveau, agit comme un véritable centre de contrôle de la balance énergétique.
Il intègre les signaux provenant de la périphérie, tels que les hormones et les nutriments, pour ajuster les comportements alimentaires régulant le poids corporel, tels que la prise alimentaire, la fréquence et la taille des repas, la dépense énergétique, le métabolisme lipidique, glucidique et la résistance à l’insuline.
Deux populations neuronales principales sont impliquées dans ces mécanismes : les neurones à pro-opiomélanocortine (POMC), qui favorisent la satiété, et les neurones à neuropeptide Y (NPY) et agouti-related peptide (AgRP), qui stimulent la faim. L’équilibre entre l’activité des neurones POMC et AgRP et la signalisation de la mélanocortine qui en résulte est essentiel au maintien de l’homéostasie énergétique.
En particulier, l’impact des hormones sur ces circuits cérébraux est fondamental dans la régulation de la balance énergétique. La leptine, sécrétée par les adipocytes, envoie un signal de satiété au cerveau. En cas d’obésité, un phénomène de résistance à la leptine apparaît, empêchant l’organisme de réduire spontanément son apport calorique malgré une quantité élevée de graisse corporelle.
À l’inverse, la ghréline, une hormone produite par l’estomac en période de jeûne, stimule les neurones orexigènes et augmente la sensation de faim. Les récentes recherches ont également mis en évidence le rôle du GLP-1 (glucagon-like peptide-1), une hormone intestinale qui module la sensation de satiété et le métabolisme du glucose. L’exploitation pharmacologique des mécanismes physiologiques du GLP-1 représente aujourd’hui une avancée majeure dans le traitement de l’obésité.
La prise en charge conventionnelle de l’obésité repose sur des modifications du mode de vie, incluant des interventions diététiques et l’activité physique, ainsi que la chirurgie bariatrique pour les formes sévères.
Les régimes alimentaires visent à instaurer un déficit calorique et à modifier la composition nutritionnelle des repas. Le régime méditerranéen, riche en fibres et en acides gras insaturés, améliore le métabolisme et réduit le risque cardiovasculaire. Les régimes pauvres en glucides, comme le cétogène, stimulent la lipolyse et optimisent la sensibilité à l’insuline. Le jeûne intermittent, alternant périodes de jeûne et d’alimentation normale, favorise la régulation hormonale de l’appétit. Cependant, la majorité des patients reprennent du poids en raison des adaptations métaboliques.
L’activité physique améliore la sensibilité à l’insuline et la dépense énergétique. Il est recommandé de pratiquer 150 à 300 minutes d’exercice modéré par semaine, incluant des exercices aérobies et du renforcement musculaire. Toutefois, la perte de poids associée à l’exercice reste limitée à 2 à 3 kg sur six mois, nécessitant une combinaison avec des restrictions alimentaires pour une efficacité optimale.
La chirurgie bariatrique constitue la méthode la plus efficace pour les patients atteints d’obésité sévère. Le bypass gastrique et la sleeve gastrectomie permettent une perte de poids durable de 30 à 35 % du poids corporel initial, avec des bénéfices métaboliques significatifs. Cependant, ces interventions nécessitent un suivi médical à vie en raison du risque de carences nutritionnelles et de complications digestives.
Ainsi, bien que ces interventions restent la première ligne de traitement, l’augmentation de l’appétit et les fringales, souvent observées après une perte de poids, représentent un défi important dans la poursuite du maintien du poids à long terme. Il est donc aujourd’hui primordial d’innover dans les alternatives de traitement de cette pathologie.
Les avancées scientifiques ont considérablement transformé la prise en charge de l’obésité au cours des dernières années. Alors que les approches traditionnelles, basées sur les modifications du mode de vie, restent essentielles, elles se révèlent souvent insuffisantes pour induire une perte de poids significative et durable chez les patients atteints d’obésité sévère. Face à cet enjeu, les chercheurs ont développé des stratégies thérapeutiques innovantes visant à moduler les circuits neuronaux de l’appétit, les signaux hormonaux régulant le métabolisme, ainsi que les mécanismes digestifs impliqués dans l’absorption des nutriments.
En particulier, les avancées pharmacologiques ont permis le développement de molécules ciblant spécifiquement les mécanismes neurohormonaux impliqués dans la régulation de la satiété et du métabolisme énergétique. L’échec des premières générations de médicaments, tels que la sibutramine et la rimonabant, en raison de leurs effets secondaires cardiovasculaires et psychiatriques, a conduit les chercheurs à explorer des approches plus sûres et plus efficaces. Aujourd’hui, les agonistes des récepteurs du glucagon-like peptide-1 (GLP-1), tels que le sémaglutide (Wegovy) et le tirzépatide (Mounjaro), représentent une avancée majeure.
Les agonistes du GLP-1 ont révolutionné la prise en charge de l’obésité en exploitant un mécanisme biologique naturel impliqué dans la régulation de l’appétit et du métabolisme. Le GLP-1 est une incrétine, une hormone intestinale sécrétée après un repas qui joue un rôle clé dans la modulation de la satiété et du métabolisme glucidique.
Elle joue un rôle clé dans la régulation de la glycémie et de l’appétit en agissant sur plusieurs cibles biologiques :
Ces mécanismes expliquent pourquoi les agonistes du GLP-1 ne se contentent pas d’induire une perte de poids significative, mais améliorent également les comorbidités associées à l’obésité, notamment le diabète de type 2, la stéatose hépatique et les troubles cardiovasculaires.
Le sémaglutide (commercialisé sous le nom de Wegovy) est un agoniste du GLP-1 qui a marqué une avancée décisive dans la pharmacologie de l’obésité. Développée initialement pour le traitement du diabète de type 2 (Ozempic), son efficacité sur la perte de poids a conduit à son repositionnement comme traitement spécifique contre l’obésité.
Le sémaglutide se distingue par sa longue demi-vie (~7 jours), permettant une administration hebdomadaire par injection sous-cutanée. Cette caractéristique améliore l’adhésion des patients en réduisant la fréquence des injections par rapport aux agonistes plus anciens .
Le semaglutide réduit efficacement la masse corporelle de plus de 10% et atténue l’hyperphagie avec un minimum d’effets secondaires lorsqu’il est administré hebdomadairement. Cette perte pondérale est comparable à certains effets obtenus avec la chirurgie bariatrique, ce qui positionne le sémaglutide comme une alternative moins invasive, mais efficace.
Outre les effets positifs évidents sur la régulation du glucose et le contrôle du poids corporel, les agonistes du GLP-1R ont d’autres effets favorables sur les paramètres cardiométaboliques et le métabolisme du lipide.
Cependant, la perte de poids observée plafonne souvent autour de la 6eme semaine. De plus, les effets de ce traitement présentent une variabilité inter-individus considérable.
Le tirzépatide (Mounjaro) est un agoniste dual GLP-1/GIP qui représente la nouvelle génération de traitements anti-obésité. Contrairement aux agonistes classiques du GLP-1, il cible également le GIP (glucose-dependent insulinotropic polypeptide), une hormone dans la régulation du métabolisme.
Le GLP-1 module l’appétit et ralentit la vidange gastrique, comme décrit précédemment. Le GIP, lui, stimule la sécrétion d’insuline et améliore l’utilisation des acides gras par les muscles et le foie, favorisant une réduction plus efficace du tissu adipeux. Bien qu’initialement développé comme traitement du diabète de type-2, ce double mécanisme semble potentialiser les effets métaboliques, expliquant pourquoi le tirzépatide présente des résultats encore plus impressionnants que le sémaglutide en termes de perte de poids.
L’essai SURMOUNT-1, une étude de phase III portant sur des patients obèses non-diabétiques, a montré que les patients traités avec du tirzépatide à la dose de 15 mg par semaine ont perdu en moyenne 20,9% de leur poids corporel après 72 semaines. Cette réduction dépasse celle du sémaglutide, ce qui laisse entrevoir un changement de paradigme dans la pharmacologie de l’obésité. Le tirzépatide pourrait ainsi offrir une meilleure efficacité métabolique, notamment en améliorant plus significativement la sensibilité à l’insuline, ce qui en fait un candidat privilégié pour les patients obèses avec un syndrome métabolique.
L’avenir du traitement pharmacologique de l’obésité se profile vers une optimisation des agonistes du GLP-1 et de nouvelles cibles biologiques. Plusieurs pistes sont actuellement explorées, avec notamment l’utilisation des agonistes GLP-1 couplés à une ou plusieurs autres molécules. Ces traitements combinés pourraient permettre d’améliorer la régulation métabolique glucidique, d’augmenter la dépense énergétique et/ou présenter des effets métaboliques synergiques. Par exemple, de récents travaux étudiant ces synergies avec le déxaméthasone ou le tesaglitazar révèlent des premiers résultats prometteurs dans ce contexte.
De plus, l’obésité étant une maladie chronique, il est fondamental de prendre en compte la durée du traitement dans le développement des nouvelles formes médicamenteuses. Ainsi, le développement de traitements oraux ou l’augmentation de la demi-vie des médicaments injectés de façon hypodermique.
Ces innovations, combinées aux avancées en médecine personnalisée, devraient permettre d’améliorer l’efficacité des traitements tout en réduisant leurs effets secondaires, apportant ainsi des solutions durables pour lutter contre l’obésité et améliorer le bien-être des patients.
Enfin, une évolution des parcours de soin dans le traitement de l’obésité est en cours, afin de prendre en compte l’origine multifactorielle de cette pathologie dans son traitement. Le développement des centres spécialisés dans la prise en charge pluridisciplinaire de l’obésité (CSO) permet aujourd’hui d’améliorer l’accompagnement des patients, mais également des professionnels de santé dans la prise en charge de l’obésité sévère/morbide.
En conclusion, l’obésité apparaît comme une maladie complexe, ancrée dans des mécanismes biologiques et environnementaux multiples, qui dépasse largement la simple équation des calories consommées et dépensées. Si les approches conventionnelles ont montré des résultats significatifs, elles peinent parfois à garantir un maintien durable de la perte de poids. Les avancées pharmacologiques récentes, notamment avec les agonistes du GLP-1 et les molécules combinées GLP-1/GIP, ouvrent de nouvelles perspectives thérapeutiques prometteuses.
Ces traitements, en ciblant directement et indirectement les circuits neurohormonaux de la satiété et du métabolisme, offrent des résultats comparables à ceux de la chirurgie, tout en restant moins invasifs. Toutefois, des défis subsistent, notamment en termes d’accessibilité, d’effets secondaires et de variabilité interindividuelle des réponses aux traitements. L’avenir de la prise en charge de l’obésité résidera sans doute dans une approche intégrative innovante, combinant pharmacologie de précision et optimisation des thérapies comportementales pour offrir à chaque patient une solution adaptée et durable.
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