Valoriser les projets low-tech dans le domaine des mobilités

Par Pierre Marrion, Expert Mobility & Power, Tom Chalons, Consultant en financement de l’innovation et Clara Carpentier

Contexte et enjeux

Dans un contexte de pressions croissantes sur les ressources naturelles et énergétiques de la planète, notre société moderne est confrontée à un impératif de transformation profonde de ses modèles de développement, de production et de consommation. La trajectoire actuelle, caractérisée par une consommation intensive de matières premières et une dépendance élevée aux énergies fossiles, pose des défis systémiques en matière de durabilité, d’équité et de résilience. Bien que ce constat s’applique également au domaine scientifique, qui n’échappe pas à une certaine forme de participation à l’usage intensif de technologies énergivores et de matériaux rares, le développement de nouvelles approches peu gourmandes en ressources énergétiques ou en matières premières ouvre de nouvelles voies pour la recherche.

Face à ces limites, l’émergence du paradigme des technologies sobres en ressources, ou Low-tech, ouvre des perspectives prometteuses. Loin d’un simple retour en arrière technologique, ce mouvement propose une redéfinition des finalités et des modalités de l’innovation. Dans le champ spécifique des mobilités, les Low-tech permettent d’interroger les fondements d’un système reposant sur la vitesse, la complexité technologique et l’obsolescence programmée. Elles ouvrent des perspectives vers des formes de déplacement plus sobres, partagées, réparables localement, et adaptées à des territoires souvent délaissés par les logiques de marché. Cependant, ces promesses se heurtent à un certain nombre de verrous structurels.

L’industrie des transports reste largement dominée par des impératifs d’efficacité économique, de performance technique maximale et d’optimisation à grande échelle. L’innovation y est souvent pensée en termes d’accélération, de connectivité numérique et d’électrification à forte intensité technologique, marginalisant ainsi les solutions plus simples ou moins standardisées.

Dans ce contexte, il est essentiel de se poser la question : comment les technologies Low-tech peuvent-elles se faire une place légitime et durable dans le champ des mobilités, dans un environnement où la pression concurrentielle pousse à privilégier des solutions toujours plus performantes et économiquement rentables ?

Définition de la Low-Tech

La démarche low-tech vise à redéfinir notre rapport à la technique. Elle ne vise plus la performance maximale, mais la pertinence. Elle privilégie la durabilité et s’attache à répondre à des besoins concrets, ici et maintenant. Dans cette optique, la « roue des Low-tech », élaborée par Arthur Keller et Émilien Bournigal, synthétise de manière visuelle et pédagogique les grands principes de cette démarche.

Présentée en Figure 1 et Figure 2, cette roue offre une lecture systémique des critères permettant d’évaluer si une technologie peut être considérée comme low-tech. Elle met en évidence non seulement les aspects techniques et environnementaux, mais aussi les dimensions sociales, culturelles et politiques de l’innovation.

Figure 1 : Roue des low-tech.

Figure 1 : Roue des low-tech.

Critères De La Low Tech

Figure 2 : Critères de la low-tech.

Cette approche a été consolidée et clarifiée en 2022 par l’ADEME (Agence de la transition écologique), qui a formulé une définition structurée de la low-tech autour de cinq critères « noyaux », servant de socle à l’évaluation des pratiques et des objets techniques :

  • La prise en compte de l’impact environnemental et des limites écologiques : chaque technologie doit être pensée en fonction de la rareté des ressources, des capacités de régénération des écosystèmes et de son impact sur le climat.
  • Le questionnement des besoins et la recherche de frugalité : il s’agit d’interroger, en amont, la légitimité du besoin auquel la technologie entend répondre, et de privilégier des solutions simples, économes en énergie et en ressources.
  • L’accessibilité de la démarche et la démocratisation de la technologie : une technologie low-tech doit pouvoir être comprise, utilisée et reproduite par le plus grand nombre, sans dépendre exclusivement de savoirs experts ou de systèmes industriels fermés.
  • La réduction de la complexité ou la recherche de la simplicité : réduire la sophistication superflue pour privilégier la robustesse, la transparence et l’autonomie des usagers.
  • La prise en compte des implications systémiques : penser la technologie dans une approche globale, en considérant ses impacts sociaux, économiques et écologiques tout au long de son cycle de vie, et en intégrant ses interactions avec d’autres systèmes.

    Regard sur la place des Low-Tech au sein des mobilités

    Les pratiques de mobilité des Français

    Les pratiques de mobilité des Français varient selon les territoires. Selon l’enquête [2] sur la mobilité des personnes datée de 2019, les ménages des communes rurales (33 % de la population) réalisent des déplacements relativement longs en mobilité locale. Ces trajets s’effectuent très fréquemment en voiture : plus de la moitié des distances parcourues concernent des trajets de 10 à 100 km (voir Figure 3).

Les habitants des communes les plus densément peuplées (38 % de la population) se déplacent moins au quotidien. En revanche, ils partent en voyage plus souvent et plus loin, majoritairement en avion : près de 30 % de leurs distances parcourues concernent des déplacements de 1 000 km ou plus. Du fait de l’importance de leurs mobilités locales, les ménages des communes rurales concentrent plus de 40 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) des déplacements.

Répartition Des Caractéristiques De Mobilité Par Classe De Distance En %.

Figure 3 : Répartition des caractéristiques de mobilité par classe de distance en %.

Tous les scénarios du GIEC pour 2020-2050 prévoient de nouvelles augmentations de la demande de voyages de passagers par habitant pour toutes les régions du monde. Dans les pays de l’OCDE, les émissions de GES des transports sont élevées et doivent être radicalement réduites. Or, la satisfaction des besoins en est venue à dépendre de l’utilisation de la voiture.

La possession et l’utilisation de la voiture peuvent être une condition préalable essentielle à l’inclusion sociale dans les pays développés, notamment dans les zones suburbaines et périurbaines qui ont été construites sur l’hypothèse d’un accès quasi universel à la voiture.
Cependant, le système automobile fondé sur la vitesse est devenu insoutenable. Des déplacements de plus en plus longs et lointains, des ménages de plus en plus motorisés, des véhicules de plus en plus lourds, des conséquences écologiques considérables, des modes de vies vécus comme trop intenses… Mais aussi des inégalités sociales et des coûts pour les individus et la collectivité qui ne peuvent plus être ignorés. Notamment depuis la crise énergétique survenue en 2022.
L’étude menée par Frédéric Héran [5] montre que, malgré les nombreux avantages qu’offre l’automobile et les efforts significatifs engagés pour en réduire l’empreinte carbone, ce mode de transport fait face à des limites structurelles croissantes. Entre la hausse des coûts, ses effets négatifs sur l’environnement et l’usage des ressources, sa place centrale devient plus difficile à justifier à long terme. Il faudra bien finir par explorer résolument des voies radicalement nouvelles permettant de relever le défi d’une mobilité durable.

La stratégie nationale bas-carbone (SNBC) fixe 5 leviers pour réduire les émissions (voir Figure 4). Celle-ci résume de manière qualitative, pour les principales évolutions évoquées dans les scénarios de prospectives, le potentiel de réduction d’émissions associé. Elle présente également leurs bénéfices et impacts sociaux et environnementaux (consommation de ressources, congestion, bruit, sédentarité, sécurité routière, etc.). Et enfin, la facilité de mise en œuvre (coûts, acceptabilité, comportements, rapidité de mise en œuvre, etc.). Les 5 leviers, d’après les politiques publiques, sont les suivants :

  • Demande de transport : il s’agit avant tout de changer d’objectif, pour viser la modération de la demande, et non plus son soutien à tout prix et pour tous les modes. Cela se traduit par des actions sur l’aménagement du territoire, le changement des comportements, la baisse du trafic des modes difficiles à décarboner.
  • Report modal : au-delà du soutien aux modes bas-carbone, un fort report modal requiert des contraintes (fiscalité, vitesse, infrastructures…) sur l’aérien, la voiture et les poids lourds.
  • Taux de remplissage : le covoiturage est à développer en priorité pour les trajets du quotidien des zones peu denses, là où les effets rebonds sur la demande et le report modal seront faibles.
  • Efficacité énergétique : au-delà des progrès techniques à encourager, mettre en œuvre les mesures de sobriété par la baisse du poids des véhicules et des vitesses sur les routes.
  • Intensité carbone de l’énergie : pour maximiser les bénéfices, orienter l’électrification vers les véhicules légers (vélos, voitures légères, modes intermédiaires) et la combiner aux mesures de sobriété.
    Leviers De Réduction Des GES

    Figure 4 : Leviers de réduction des GES.

    Parmi les alternatives actuelles, les solutions proposant des voitures légères sous-équipées ou rudimentaires, telles que les voiturettes, risquent d’être perçues comme une régression, un déclassement, par les automobilistes, ne répondant pas à tous les besoins. De plus, les 2RM (deux roues motorisées), tricycles et quadricycles protégés, se faufilant rapidement et aisément sur des routes très larges pour eux, devraient rester trop dangereux et subir le même sort que les 2RM classiques : exiger de telles compétences de conduite et une telle prise de risque que leur diffusion devrait rester limitée.

A contrario, les solutions qui devraient émerger concerneront d’abord tous les modes actifs. Les vélos spéciaux devraient séduire par leur capacité à s’adapter à une grande diversité d’usages et par la dynamique d’innovation enclenchée depuis 30 ans.
Les véhicules intermédiaires (concept développé davantage en partie 3.2) sont, à l’évidence, une des voies majeures à explorer. Pour faire le tri dans le foisonnement d’innovations dans ce domaine, il faut comprendre l’articulation entre les logiques de l’offre et les aspirations de la demande.

Même si elle est utile, la concurrence ne suffira pas à trier les solutions ou alors au prix d’un important gâchis et de pertes de temps. Mieux vaudra sans doute stimuler les solutions au plus fort potentiel, correspondant le mieux aux aspirations de la société. Ce qui imposera finalement de travailler sur les imaginaires collectifs pour construire de nouvelles normes de consommation, notamment en encadrant la publicité pour les voitures.

Les véhicules intermédiaires

Le vélo et le vélo-cargo

Le vélo constitue une figure emblématique de la technologie Low-tech, combinant sobriété énergétique, simplicité mécanique, réparabilité et accessibilité économique. Son faible impact environnemental, aussi bien en phase de fabrication qu’en usage, en fait une alternative durable aux véhicules motorisés.

Pour répondre aux besoins croissants de transport de charge ou de personnes, le vélo a été décliné en versions cargo ou équipé de remorques artisanales. Ces évolutions s’inscrivent dans une dynamique de réappropriation des savoir-faire.
Plusieurs initiatives citoyennes, comme celles du Low-tech Lab, illustrent cette orientation. Des remorques légères (environ 6 kg), fabriquées à partir de matériaux de récupération pour un coût inférieur à 40 euros, ont été conçues afin de répondre aux usages du quotidien (courses, voyages).

L’accent est mis sur l’utilisation de matériaux recyclés (bois, pièces métalliques de récupération), la facilité de construction sans soudure et la réparabilité par l’usager lui-même. Ces éléments rendant ces solutions particulièrement adaptées à des contextes à faibles ressources ou à forte volonté d’autonomie technique. D’autres projets, comme la remorque « Charrette« , intègrent une dimension pédagogique et collective via des ateliers participatifs favorisant la diffusion des savoir-faire.
Sur le plan plus technique, des avancées ont été proposées pour hybrider ces véhicules sans en compromettre l’esprit low-tech. L’étude propose un système modulaire d’assistance électrique adaptable sur différents cycles légers, avec un moteur intégré sur remorque ou cadre (voir Figure 5). Cette approche cherche à combiner efficacité énergétique et modularité, tout en conservant une architecture simple, facilement démontable ou réparable.

Figure 5 : Version finale de la remorque assistée électriquement de l'étude.

Figure 5 : Version finale de la remorque assistée électriquement de l’étude.

De son côté, l’étude [7] explore la conception d’un vélo électrique à transmission sans chaîne, reposant sur un système d’entraînement par moteurs de moyeu (voir Figure 6). Cette innovation, si elle complexifie légèrement la structure du vélo, permet de réduire les pertes mécaniques et d’améliorer le confort d’usage, tout en limitant l’entretien.

Figure 6 : Solution de transmission sans chaîne proposée par l'étude.

Figure 6 : Solution de transmission sans chaîne proposée par l’étude.

Ces exemples démontrent qu’il est possible d’allier innovation technique et philosophie low-tech. En misant sur des matériaux locaux, des conceptions adaptables et une logique de frugalité, les vélos et vélos cargos low-tech constituent des solutions pertinentes pour des systèmes de mobilité résilients, adaptés aux enjeux environnementaux contemporains.

Les vélis

Un véhicule dit « intermédiaire », appelé aussi « véli » (véhicule léger intermédiaire), ou à l’étranger « LEV » (light electric vehicles) est un véhicule entre le vélo classique et la voiture. Il pèse moins de 600kg, et est presque toujours électrique. Le potentiel de substitution des trajets et de réduction des GES de ces véhicules peut aller jusqu’à 75% des déplacements, 50% des distances et 43% des GES. Les cycles hybrides homme-électrique (tricycles, quadricycles ou vélos) représentent une solution de mobilité intermédiaire. Ils se situent à la croisée entre la technologie moderne et les principes low-tech (voir Figure 7).

Ces véhicules, étudiés notamment dans les travaux de Gunjal et al. et de Srivastava et al., sont conçus pour fonctionner grâce à une double source d’énergie. Ils combinent la propulsion musculaire de l’utilisateur et une assistance électrique fournie par un moteur à courant continu, généralement alimenté par batterie. Le cycle hybride combine ainsi ergonomie, autonomie énergétique et simplicité mécanique, tout en minimisant l’impact environnemental.
Dans ces études, les auteurs mettent en avant une conception orientée vers la sobriété énergétique et la réduction des coûts de fabrication. Les composants mécaniques et électriques sélectionnés sont souvent standards, accessibles et réparables, ce qui correspond à l’esprit low-tech.

Par exemple le véhicule Acticycle (Figure 7), 5 fois plus léger qu’une voiturette électrique, utilise des batteries amovibles, 5 fois plus petites et légères. De plus, ses frais d’entretien sont comparables à ceux d’un vélo cargo. Le moteur électrique n’assure qu’une assistance ponctuelle, permettant de limiter la consommation tout en améliorant le confort sur des terrains difficiles ou en côte.

Figure 7 : Quadricycle hybride low-tech, conçu par Acticycle.

Figure 7 : Quadricycle hybride low-tech, conçu par Acticycle.

Ces véhicules présentent de nombreux avantages dans les contextes urbains ou périurbains à faible infrastructure. Ils favorisent une mobilité inclusive, silencieuse, peu polluante et adaptée aux besoins locaux. De plus, leur autonomie énergétique partielle diminue la dépendance aux carburants fossiles, tout en assurant des performances techniques et un confort équivalent à une petite voiture. En somme, ces tricycles hybrides incarnent une réponse pertinente aux enjeux de transition écologique. Ils s’inscrivent ainsi dans une démarche de simplicité volontaire, d’autonomie technique et de résilience.

Rendement et paramètres environnementaux

Les tricycles électriques à assistance humaine s’imposent comme des solutions de transport à très faible intensité énergétique, en particulier dans les contextes urbains des pays en développement. L’étude sur l’électrification des tricycles-taxis en Tanzanie met en évidence une consommation énergétique réduite à 0,54–1,07 kWh/km. Cela représente une fraction de celle des alternatives motorisées traditionnelles comme les tuk-tuks ou les véhicules légers (18 à 45 kWh/km). Ces chiffres démontrent une efficacité énergétique multipliée par un facteur de 20 à 80, ce qui constitue un levier majeur dans la transition vers une mobilité urbaine sobre.
Les analyses de cycle de vie (ACV) confirment ces constats. Les tricycles à assistance au pédalage présentent une empreinte carbone et une intensité en matériaux significativement inférieures à celles des véhicules à moteur thermique ou à pile à combustible hydrogène. Ces résultats valident leur pertinence dans des scénarios de réduction massive des émissions de gaz à effet de serre et de tension sur les ressources critiques, en particulier les métaux rares.
Sur le plan économique et opérationnel, les tricycles Low-tech se distinguent également par un coût au kilomètre extrêmement bas. Ce coût est favorisé par leur simplicité mécanique, leur faible dépendance énergétique, et la possibilité de maintenance locale. Cela en fait des alternatives viables pour les services de logistique urbaine, les transports de proximité ou les activités économiques locales. Leur forte disponibilité opérationnelle, même dans des environnements à faibles infrastructures, ainsi que leur sécurité de fonctionnement (vitesse limitée, stabilité) renforcent leur attractivité dans des contextes de mobilité inclusive.
Enfin, les modèles étudiés intègrent des innovations de conception visant la résilience : batteries facilement remplaçables, châssis modulables et compatibilité avec des modes d’assemblage artisanaux. Ces choix illustrent la capacité des tricycles électriques low-tech à combiner efficacité, accessibilité et durabilité. De plus, ils s’insèrent dans une logique d’adaptation locale aux besoins et ressources disponibles.

La valorisation des projets low-tech

À l’aide d’une base de données de panel d’entreprises flamandes, l’étude [14] examine l’effet de la recherche fondamentale dans les industries de basse technologie et de haute technologie. Pour ce faire, elle estime les fonctions de production Cobb-Douglas augmentées. Les résultats montrent un effet positif de la recherche fondamentale sur le succès des entreprises pour l’ensemble de l’échantillon d’entreprises ainsi que pour l’échantillon de haute technologie.

De plus, les résultats indiquent que la recherche fondamentale présente une prime de productivité par rapport à la recherche appliquée et au développement dans les secteurs de haute technologie. Dans les secteurs Low-Tech, cependant, aucune preuve de valorisation de la recherche fondamentale n’a été trouvée.
Par ailleurs, en France, la recherche dans le domaine Low-Tech s’oriente autour de 16 domaines. Les sujets de recherches principaux sont la redirection de pratiques techniques, scientifique ou industrielles, l’énergie et l’agroalimentaire (voir la partie 2).
Toutefois, bien que la recherche fondamentale semble moins valorisée économiquement dans les secteurs Low-tech selon les approches quantitatives traditionnelles, cela ne signifie pas pour autant une absence d’impact ou de pertinence stratégique. En réalité, les technologies Low-tech mobilisent des formes de savoirs souvent non formalisées — comme les savoir-faire artisanaux, l’expérimentation pratique ou les innovations incrémentales — qui échappent aux indicateurs classiques de R&D.

Ainsi, la valorisation de ces projets passe moins par des brevets ou des publications scientifiques que par la diffusion libre de tutoriels, la reproductibilité des dispositifs, ou encore l’appropriation par des communautés locales.
Dans cette perspective, certains chercheurs et acteurs institutionnels plaident pour une redéfinition des critères de valorisation de l’innovation. Ils proposent une approche adaptée aux spécificités des démarches Low-tech : faibles coûts d’investissement, résilience face aux défaillances techniques, modularité, et circularité des matériaux. L’impact sociétal et environnemental des technologies Low-tech — notamment en matière de réduction de la consommation de ressources, de relocalisation de la production et d’autonomisation des usagers — constitue alors une forme alternative, mais essentielle de valeur, que les méthodes classiques d’évaluation peinent à capturer.
De plus, des initiatives comme le Low-tech Lab ou le Campus de la Transition œuvrent à structurer une recherche interdisciplinaire autour de ces technologies sobres, en croisant sciences de l’ingénieur, sciences sociales et design. Ces travaux ouvrent la voie à une recherche orientée vers les communs technologiques, où la valeur ne réside plus uniquement dans l’avantage concurrentiel, mais dans la contribution collective à des modes de vie soutenables.

Légitimité et durabilité de la Low-Tech de nos jours

Atouts des solutions low-tech dans la mobilité
Quand on transpose les idées de la Low-tech dans le domaine des transports, plusieurs directions se dégagent. L’objectif serait de créer des véhicules volontairement simples, épurés, sans pour autant sacrifier leur efficacité. Aujourd’hui, beaucoup de véhicules disposent de nombreuses technologies parfois trop complexes ou spécialisées. Cela peut rendre leur usage et leur maintenance compliqués.

L’approche Low-tech propose donc d’aller vers des solutions plus modestes, plus faciles à comprendre et surtout plus solides. Ce n’est pas un retour en arrière, mais plutôt un recentrage, une remise à plat honnête pour garder l’essentiel, en fonction des vrais besoins et impacts.
Par exemple, imaginer des véhicules que les utilisateurs pourraient réparer eux-mêmes, c’est redonner de l’autonomie technique. Cela demanderait des pièces modulaires, un certain standard dans les composants, et surtout une documentation claire, ouverte et accessible à tous.

De cette manière, chacun pourrait entretenir son véhicule, seul ou avec l’aide d’ateliers locaux, de Repair Cafés, ou d’artisans. Plus besoin de dépendre des réparateurs industriels, souvent coûteux et parfois inaccessibles. Cette prise en main de la technique fait partie intégrante de l’esprit Low-tech, qui veut démocratiser l’accès à la technologie.
C’est aussi une question de durabilité. Un véhicule conçu pour durer, qui peut être réparé facilement avec des outils simples et des pièces courantes, aura une vie beaucoup plus longue. Cela évite de produire sans cesse de nouveaux véhicules et limite la consommation de ressources rares.
La réflexion passe aussi par le choix des matériaux. La Low-tech privilégie les matériaux simples, peu transformés, qui se recyclent ou se réemploient facilement. Les matériaux composites, souvent difficiles à recycler, sont moins favorisés, au profit de matériaux plus classiques comme l’acier, le bois ou des plastiques recyclables. Cette uniformité facilite le recyclage, réduit l’impact carbone et simplifie la déconstruction des véhicules en fin de vie. Intégrer des matériaux recyclés dès la fabrication aide à boucler les cycles et à s’inscrire dans une économie plus circulaire, respectueuse des limites environnementales.
Enfin, penser la mobilité low-tech, c’est aussi interroger nos besoins réels en déplacement. Est-ce que tous les trajets sont indispensables ? Ne vaudrait-il pas mieux privilégier les transports en commun, les usages partagés ou la mobilité douce ? Cette problématique dépasse la simple technique. En effet, il invite à repenser nos modes de vie, notre rapport à la mobilité, et ce que signifie vraiment avancer vers le progrès.

Obstacles à l’intégration des low-tech dans un environnement concurrentiel

Même si la démarche Low-tech semble bien répondre aux enjeux écologiques, sociaux et énergétiques de notre époque, elle se heurte à d’importants blocages. En effet, le contexte économique et industriel dominant ne lui est pas favorable. Ce modèle mise sur la simplicité, la robustesse et la modération dans l’usage des ressources. Il entre ainsi souvent en contradiction avec les dynamiques de croissance rapide, d’innovation permanente et de compétitivité à court terme qui dominent aujourd’hui.
Un premier point de friction fort réside dans la question de l’obsolescence programmée. Dans l’industrie automobile comme ailleurs, les produits sont souvent pensés pour ne pas durer : pièces fragiles, éléments non réparables, et renouvellement constant des modèles encouragent à racheter plutôt qu’à réparer.

À l’inverse, la philosophie Low-tech mise sur la longévité, la possibilité de réparer et d’adapter l’objet dans le temps. Ce ralentissement volontaire des cycles de consommation va à l’encontre des mécanismes économiques actuels. Ces derniers reposent sur un flux continu de ventes et une croissance régulière du chiffre d’affaires.

En effet, le consommateur n’aurait plus besoin d’acheter neuf s’il a la possibilité de réparer et de prolonger la durée de vie du produit (ce qui est d’autant plus moins coûteux). Pour les distributeurs, cela se traduit par une baisse directe de rentabilité, car tout leur modèle économique repose sur le renouvellement : l’achat régulier, la consommation répétée.
Par ailleurs, dans un système où la compétitivité passe par la production rapide, à moindre coût, et avec des performances toujours plus poussées, les solutions Low-tech ont du mal à suivre. Fabriqués en petites séries, avec des matériaux simples et des circuits de production plus courts, ces véhicules peinent à rivaliser avec les géants de l’industrie qui produisent en masse grâce à l’automatisation et aux économies d’échelle.

Dans un marché dominé par la vitesse et la sophistication technologique, les solutions plus sobres sont souvent jugées comme « en retard » ou peu attractives. Aussi bien par les investisseurs que par une partie des consommateurs.
Un autre obstacle majeur tient à la place centrale qu’occupe aujourd’hui l’innovation technologique. Entre la généralisation des voitures électriques, les projets de conduite autonome et l’intégration de systèmes connectés, l’industrie des mobilités est lancée dans une course à la complexité. Ces avancées, bien qu’innovantes, s’appuient sur des technologies lourdes, des ressources rares et une forte dépendance aux systèmes numériques.

À l’inverse, la Low-tech défend une innovation plus discrète, centrée sur l’utilité, la robustesse et l’autonomie de l’utilisateur. Mais cette forme d’innovation, plus modeste en apparence, est souvent perçue comme un manque d’ambition, voire un retour en arrière. Par conséquent, cela limite son attractivité dans les politiques de soutien à l’innovation.
Enfin, l’organisation économique de l’industrie du transport repose sur des modèles très optimisés, conçus pour maximiser les profits : ventes d’options, services annexes, renouvellement régulier des gammes… À l’opposé, la low-tech cherche à éliminer les fonctionnalités superflues, à simplifier les composants et à favoriser la réparation ouverte.

Cela remet en cause les mécanismes habituels de rentabilité. Et rend, par conséquent, difficile l’émergence d’un modèle économique solide pour ceux qui voudraient s’engager dans cette voie. Sans soutien public, sans dispositifs d’incitation adaptés ni reconnaissance de la valeur sociale et environnementale de ces approches, les alternatives low-tech restent en marge.
En résumé, même si les Low-tech apportent des réponses intéressantes aux défis contemporains, leur déploiement à grande échelle est freiné par un système qui valorise la vitesse, l’innovation constante et la croissance. Le vrai défi consiste aujourd’hui à repenser l’environnement global (politique, économique et culturel) pour faire de ces approches une option possible et crédible dans l’évolution des mobilités.

Exemples de stratégies pour une légitimité et une durabilité accrues

Répondre à des besoins non couverts par les high techs

L’un des grands atouts des mobilités Low-tech, c’est leur capacité à répondre à des besoins concrets, souvent ignorés par les solutions technologiques les plus avancées. Ces dernières restent généralement centralisées, coûteuses ou mal adaptées à certaines réalités de terrain. Tandis que les innovations high-tech visent surtout les grandes villes et les marchés les plus rentables, les alternatives sobres, accessibles et peu complexes trouvent leur sens là où les besoins sont réels et les moyens limités.
Dans les campagnes ou les périphéries urbaines, où les transports publics sont parfois rares ou inexistants, se déplacer au quotidien reste un vrai défi. C’est précisément dans ces contextes que les véhicules Low-tech prennent tout leur sens. Ce sont des solutions simples, faciles à entretenir, et qui ne reposent pas sur une technologie compliquée.

Elles s’adaptent aux infrastructures existantes, souvent rudimentaires (les parkings à vélo par exemple). En misant sur l’autonomie locale et des outils à échelle humaine, les Low-tech permettent de répondre à des besoins concrets, là où les grandes innovations échouent souvent à s’ancrer.

Intégrer les Low tech dans une logique de complémentarité

Plutôt que d’entrer en opposition directe avec les technologies avancées, les mobilités Low-tech peuvent s’inscrire dans une logique de complémentarité réfléchie. Il s’agit d’admettre que chaque approche a ses limites. Cependant, leur combinaison, si elle est bien pensée, peut répondre de façon plus juste et adaptée aux réalités des territoires (dernier kilomètre) et aux besoins des populations (besoin d’achat individuel ou collectif).

Les low-techs ne visent pas à tout remplacer. Toutefois, elles peuvent venir combler les manques, renforcer certains usages ou relocaliser des fonctions essentielles du système de mobilité, là où les solutions classiques restent absentes ou inadaptées.

Financer l’innovation sobre : quelle place pour les mobilités low-tech dans les dispositifs d’aide à l’innovation ? 

Les mobilités Low-tech gagnent en légitimité. Elles s’imposent peu à peu dans le débat public, dans les stratégies territoriales, mais aussi dans certains secteurs industriels. Simples, réparables, ancrées localement, elles répondent à des besoins concrets avec des moyens modestes. Mais leur reconnaissance dans les dispositifs de financement de l’innovation reste timide, voire inexistante. Dans un paysage encore largement tourné vers les solutions high-tech, complexes et capitalistiques, une question devient cruciale : comment inscrire les mobilités low-tech dans les mécanismes existants d’aides à l’innovation ?

Le crédit d’impôt, un levier sous-exploité pour les innovations sobres

Le crédit d’impôt, qu’il prenne la forme du Crédit d’Impôt Recherche (CIR) ou du Crédit d’Impôt Innovation (CII), reste aujourd’hui l’un des dispositifs les plus puissants du financement public à l’innovation. Il est simple dans sa logique économique : rembourser une partie des dépenses engagées dans des activités à forte valeur technologique ou à caractère innovant. Pourtant, dans la pratique, ces deux outils fiscaux continuent de bénéficier très majoritairement à des projets high-tech, complexes, souvent tournés vers les marchés les plus porteurs. Ce biais, parfois involontaire, crée une inégalité d’accès, en particulier pour les porteurs de solutions sobres. Et pourtant, la loi n’exclut pas la Low-tech du champ de l’innovation.

Les mobilités Low-tech prises en compte par le Crédit d’Impôt Recherche (CIR)

Le CIR est le principal dispositif fiscal français de soutien à la R&D. Bien que souvent associé à des projets high-tech (intelligence artificielle, batterie lithium-ion, systèmes embarqués), le CIR n’exclut aucun domaine d’activité, ni aucun niveau de complexité technologique a priori. L’essentiel est de démontrer que les travaux poursuivent un objectif de levée d’incertitudes techniques ou scientifiques.
Dans le cas des mobilités Low-tech, plusieurs exemples peuvent justifier l’éligibilité au CIR :

  • La mise au point d’un véhicule ultra-léger dont la structure doit concilier robustesse, réparabilité locale et faible impact environnemental, tout en respectant des contraintes réglementaires ;
  • L’étude de matériaux biosourcés ou recyclés alternatifs pour les châssis ou les coques, avec des inconnues techniques sur leur comportement mécanique ou leur compatibilité structurelle ;
  • L’optimisation de transmissions mécaniques simples, intégrant peu de composants mais devant maximiser l’efficacité énergétique (chaînes, courroies, systèmes à friction optimisée) ;
  • Le développement de solutions de propulsion hybride passive, comme des modules d’assistance mécanique couplés à des dispositifs de récupération d’énergie embarqués (par ressort, inertie ou compression).
    Ces projets, même s’ils s’inscrivent dans une logique de sobriété technologique, mobilisent une véritable activité de recherche, avec essais, modélisations, tests itératifs et levées d’inconnues. Ils peuvent ainsi pleinement entrer dans le champ du CIR, à condition que l’entreprise adopte une documentation rigoureuse.
    En 2023, près de 25 000 entreprises ont bénéficié du CIR pour un montant total de plus de 7 milliards d’euros. Mais on estime que le potentiel est donc largement sous-exploité. De nombreux acteurs Low-tech mériteraient en effet un accompagnement pour leur permettre de mener à bout leurs travaux de recherche.

Le Crédit d’Impôt Innovation (CII) : un outil taillé pour les PME low-tech

Le CII est un dispositif souvent mieux adapté aux petites entreprises. Il vise les PME, et ne demande pas de démontrer une incertitude scientifique. Il suffit que le produit conçu soit nouveau sur le marché, qu’il présente des performances améliorées (fonctionnalité, ergonomie, écoconception), ou qu’il intègre une innovation visible dans l’usage. Cela change tout.
Pour les mobilités low-tech, cela veut dire que le design d’un vélo-cargo simplifié, démontable sans outils peut suffire à justifier une éligibilité. De même, une remorque utilitaire fabriquée à partir de matériaux locaux peut être considérée comme éligible. Le CII finance alors les activités de conception, de design, de test, de fabrication de prototypes. Il ne s’agit pas de recherche lourde, mais de développement produit. Et dans la majorité des cas, c’est exactement ce que font les acteurs low-tech.
Prenons un exemple : une jeune entreprise conçoit une gamme de véhicules légers adaptés au transport de marchandises sur courtes distances, sans batterie, ni moteur. Chaque modèle est pensé pour un usage spécifique : artisan, commerçant, livreur. Ils sont robustes, démontables, et utilisables sur des terrains mixtes. Leur innovation ne tient pas à une technologie brevetée, mais à la combinaison intelligente de formes, de matériaux, de géométries, de modularité. Le projet entre parfaitement dans le champ du CII.
En effet, le taux du CII est de 30 % jusqu’en 2024 (puis 20% à partir de 2025 et jusqu’en 2027 selon dernière Loi de Finances en vigueur depuis le 15/02/2025) des dépenses éligibles, plafonnées à 400 000 €/an (soit un maximum de 120 000 € de crédit d’impôt). Il couvre notamment les dépenses de conception, design, tests et prototypage, très fréquentes dans les projets low-tech, souvent portés par des structures agiles et créatives.

Les aides directes : subventions, appels à projets, prêts bonifiés

Les crédits d’impôt, s’ils constituent des leviers majeurs pour les phases de recherche ou de prototypage, ne couvrent pas tout le spectre de l’innovation. C’est particulièrement vrai pour les projets à petite échelle, portés par des collectifs, des PME ou des associations. Lorsque l’on parle de mobilité Low-tech, les enjeux ne relèvent pas seulement de la technologie. Ils touchent aussi à l’usage, au territoire, au design, à la capacité à produire localement, et à structurer une filière durable.
C’est ici que les aides directes (subventions) prennent tout leur sens. Elles permettent de financer des étapes souvent délaissées (démonstration, expérimentation terrain, premiers déploiements, structuration coopérative) en répondant à des appels à projets porté par des financeurs publiques (BPI, ADEME, État, Europe, etc.).

Contrairement aux dispositifs fiscaux, elles sont généralement compétitives (soumise à sélection) et demandent un montage de dossier solide. Cependant, leur force réside dans leur capacité à impulser une dynamique, à créer des alliances, et à valider concrètement des hypothèses techniques ou sociales.
Les appels à projets ne cherchent pas tous la rupture technologique. Certains visent au contraire l’innovation d’usage, la performance environnementale ou la capacité à transformer un système existant. Ce sont ces logiques qui résonnent avec les ambitions Low-tech : produire moins, mais mieux ; innover pour répondre à des besoins réels, dans des contextes concrets.

Plan d’Aides Modernisation et Innovation de la flotte (PAMI) – ADEME / VNF / Europe

Le programme PAMI, à l’origine destiné à la modernisation de la flotte fluviale, a élargi son spectre pour inclure un volet innovation. Ce dernier, parfois méconnu, permet de financer des technologies alternatives, réparables, ou énergétiquement sobres dans les mobilités professionnelles. Il s’adresse principalement à des projets expérimentaux, dans une logique de démonstrateur.
Il comprend 4 grands volets : performance environnementale (volet A), logistique (B), renouvellement (C), innovation (D). Pour le low-tech, le volet D (expérimentation de technologies nouvelles) représente une vraie opportunité. Budgets : 5 000 000 € pour le volet D, 20 000 000 € pour les volets environnementaux A. Les porteurs bénéficient d’aides sous forme de subventions (jusqu’à 40 % pour réduction des rejets, 30 % pour optimisation énergétique), de prêts d’honneur, et de fonds co-financés par les régions et l’Europe.
La force du dispositif tient à la souplesse des dépenses éligibles : conversion de motorisation, amélioration énergétique, mais aussi conception de structures plus légères, plus simples à maintenir. Une entreprise de transport fluvial peut y intégrer une barge à propulsion humaine assistée, un châssis allégé avec panneaux solaires, ou même un module amovible permettant un usage multifonction.

Aides régionales

Les régions disposent d’outils puissants, parfois sous-estimés. À travers France 2030 régionalisé, le FEDER, ou des dispositifs spécifiques comme Innov’up (Île-de-France), elles peuvent cofinancer jusqu’à 50 % d’un projet low-tech à fort impact territorial.
Ce sont des aides qui valorisent l’implantation locale, la création d’emplois durables, la relocalisation des savoir-faire, l’innovation sociale. Une structure qui conçoit un atelier mobile de réparation, qui développe une gamme de véhicules sobres pour les artisans ou qui mutualise une flotte de cycles utilitaires peut en bénéficier. Elle doit néanmoins inscrire sa démarche dans un projet structurant pour le territoire.
Ces aides ne demandent pas de brevet, ni de recherche de rupture. Elles cherchent des réponses concrètes à des besoins non couverts. Et elles permettent de faire exister l’innovation frugale dans les circuits de financement classiques, sans avoir à en tordre le sens.
Le but ici est d’obtenir des retombées grâces à ces projets, des impacts directs sur l’économie locale (économique, sociétal et environnemental).

Autres leviers d’action pour faire émerger l’innovation low-tech

Les crédits d’impôt et les aides publiques constituent des leviers puissants, mais souvent ponctuels. Ils interviennent sur un projet, sur une phase, sur un produit. Or, l’innovation, surtout dans le champ Low-tech, est un processus long, vivant, parfois chaotique. Il ne suffit pas de financer. Il faut aussi structurer. Anticiper. Sécuriser. Et accompagner.
C’est ici que le rôle d’un cabinet de conseil comme ABGi prend tout son sens. En tant que conseil scientifique en financement de l’innovation, il ne s’agit pas seulement de décrypter les dispositifs existants, mais de proposer des stratégies globales, adaptées à chaque porteur de projet, pour faire émerger une vision durable de la mobilité sobre.

Repenser le management de l’innovation pour les approches sobres

Les grilles d’analyse valorisent la nouveauté technologique, le potentiel de croissance rapide, la capacité à breveter. Les projets Low-tech, plus lents, plus ancrés dans l’usage, plus souvent distribués qu’exclusifs, peinent à entrer dans ces cases.
ABGi peut proposer à ses clients — industriels, startups, structures territoriales — une refonte du management de l’innovation, adaptée aux contraintes et aux spécificités de la Low-tech. Cela suppose de :

  • Changer la définition de la valeur : valoriser la durabilité, la simplicité, la reproductibilité.
  • Adapter les indicateurs de performance : suivre les impacts sociaux, environnementaux, territoriaux autant que la performance technique.
  • Accompagner la structuration d’équipes hybrides : designers, mécaniciens, artisans, usagers finaux.
  • Favoriser l’innovation incrémentale continue, plutôt que la rupture spectaculaire.
    Ce travail de fond est essentiel pour pérenniser les dynamiques Low-tech, pour éviter qu’elles restent confinées à l’expérimentation. Il permet aussi de rendre visible des formes d’innovation qui, jusque-là, échappaient aux outils classiques d’analyse.

Intégrer les mobilités low-tech dans les stratégies ESG
Les critères ESG (Environnement, Social, Gouvernance) deviennent incontournables. Pour les grandes entreprises comme pour les PME, ils sont au cœur des politiques RSE, des levées de fonds, et de l’image auprès des parties prenantes. Pourtant, la mobilité, dans ces stratégies, reste souvent réduite à la transition vers l’électrique ou à la compensation carbone.
ABGi peut accompagner ses clients à intégrer les solutions Low-tech de manière cohérente et ambitieuse dans leur stratégie ESG. Cela peut passer par plusieurs axes :

  • Environnement : réduction directe de l’impact carbone, allongement de la durée de vie des équipements, usage de matériaux recyclés ou locaux.
  • Social : inclusion des publics précaires dans la mobilité, relocalisation de la production, valorisation des compétences artisanales.
  • Gouvernance : modèles partagés, coopératifs, transparents, circuits courts de décision.
    En liant la mobilité low-tech aux enjeux ESG, l’entreprise montre qu’elle va au-delà de la conformité. Elle construit une stratégie alignée avec les limites physiques de la planète, mais aussi avec les attentes sociétales. Et elle se dote d’un avantage concurrentiel clair dans un monde où la performance ne peut plus être uniquement financière.

Notre conclusion d’expert

Face aux limites environnementales, économiques et sociales de notre modèle actuel, les solutions Low-tech dans le domaine des mobilités permettent d’imaginer des alternatives efficaces, robustes, accessibles, pensées pour durer et faciles à entretenir. Elles redonnent du sens à l’usage, de l’autonomie aux usagers, et de la cohérence aux choix techniques.

Ces approches complètent ce qui existe, en apportant de la sobriété là où la complexité est devenue un obstacle. Un vélo bien conçu, une remorque modulable, un véhicule léger fabriqué localement peuvent suffire, dans bien des cas, à répondre aux besoins de mobilité, tout en réduisant notre dépendance aux ressources rares et aux technologies coûteuses.
À l’heure où les politiques d’innovation sont encore largement structurées autour de la haute technologie, des ruptures numériques ou de la performance énergétique maximale, les mobilités low-tech dessinent une autre voie. Moins spectaculaire, mais plus sobre. Moins dépendante de ressources critiques, mais plus ancrée dans les usages et les territoires.
Cet article l’a montré : les dispositifs de soutien à l’innovation, qu’ils soient fiscaux (CIR, CII), subventionnels (AAP, aides régionales, fonds européens), ou stratégiques (accompagnement à l’ESG, management de l’innovation), sont bel et bien capables de financer et de structurer des projets low-tech, à condition que l’on sache les interpréter à la lumière de la sobriété, de la réparabilité, de l’utilité concrète.
Encore faut-il que l’innovation sobre soit reconnue comme telle. Cela implique un travail d’alignement entre les pratiques de terrain, les cadres réglementaires, et les imaginaires de l’innovation. Cela demande aussi que des acteurs comme ABGi jouent pleinement leur rôle de traducteurs : entre l’intention technique d’un porteur de projet, et les exigences d’un dossier d’aide publique ; entre la valeur d’usage d’un prototype frugal, et les logiques industrielles qui régissent la montée en puissance.
Soutenir les mobilités Low-tech, c’est accepter de repenser nos critères de valeur. C’est reconnaître que la simplicité peut être une forme d’intelligence, que la sobriété peut rimer avec efficacité, et que l’innovation peut aussi être modeste, locale, partagée. Cela demande de faire évoluer les cadres de financement et les priorités politiques. Les Low-tech nous invitent à changer de regard.

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