Point d’étape | Projet de Loi de finances 2025
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Par Alix SAUDE, Rédacteur scientifique
Les sciences cognitives, interdisciplinaires par nature, représentent un domaine de recherche en constante évolution qui explore les mécanismes sous-jacents au comportement humain. Elles permettent notamment de passer par la compréhension de fonctions telles que la mémoire, le raisonnement ou encore les émotions entre autres.
En tant que champ d’études, les sciences cognitives rassemblent des perspectives provenant de disciplines aussi diverses que la psychologie, les neurosciences, l’intelligence artificielle, la linguistique, la philosophie et l’anthropologie. Cette convergence multidisciplinaire permet ainsi une compréhension holistique et approfondie du fonctionnement de l’esprit humain. Elle ouvre également la voie à des applications pratiques dans des domaines multiples tels que l’éducation, la santé, la condition mentale, les technologies de l’information et de la communication, et même les politiques publiques.
Les sciences cognitives offrent un éclairage unique sur la nature de la cognition humaine et la manière dont elle façonne notre compréhension du monde. Elles examinent les processus mentaux à différents niveaux, des mécanismes neuronaux aux structures sociales.
Par conséquent, dans ce cadre, la connaissance de ces mécanismes sous-jacents au comportement humain est un atout fondamental. Elle est essentielle pour comprendre les pathologies, notamment celles affectant la santé et plus particulièrement celle des personnes âgées. Elle est fondamentale également dans l’amélioration de l’adaptation des soins. Plus précisément, les fonctions cognitives sont un système en évolution constante, tout au long de la vie.
Ces dernières se définissent notamment comme les processus mentaux qui permettent à une personne de percevoir, penser, se souvenir, résoudre des problèmes, et communiquer. Elles sont essentielles pour comprendre, apprendre et l’interaction avec l’environnement. Cependant, en vieillissant, nos fonctions cognitives perdent en efficacité. C’est ce que l’on appelle le vieillissement cognitif. Ce vieillissement est physiologique. Néanmoins, dans certains cas, celui-ci peut devenir pathologique et dévier en différentes pathologies, telles que les troubles de la mémoire.
Dans le monde, selon un rapport de l’OMS, le vieillissement de la population est de plus en plus important, en raison de l’augmentation significative de l’espérance de vie. La part de la population âgée de 60 ans et plus passera de 1 milliard à 1,4 milliard d’ici 2030, ce qui représentera 16,7 % de la population mondiale. De plus, ce nombre devrait doubler d’ici 2050. Il est également important de mettre en évidence que plus de huit personnes âgées sur 10 présentent au minimum une maladie chronique. En plus de ces maladies chroniques, 14 % des personnes âgées de 60 ans et plus vivent avec un trouble mental, ce qui représente 10,6 % de l’incapacité totale chez les personnes âgées. Les estimations sanitaires mondiales de 2019 démontrent que 27,2 % des décès des personnes de 60 ans ou plus dans le monde sont des suicides.
Le vieillissement de la population implique également une augmentation de la prévalence des maladies dites non transmissibles, dont les maladies liées à l’âge comme les démences et les maladies neuro-évolutives. Ces maladies peuvent provoquer des symptômes comportementaux et psychologiques, tels que la dépression, des hallucinations, de l’apathie ou encore de l’agitation, voire de l’agressivité. Avec l’hospitalisation de ces patients ou leur mise en pension en maison adaptée, ces symptômes causent une baisse de la qualité de vie des patients, du fait des coûts économiques ou cognitifs qui en sont induits. Ils causent aussi un coût cognitif conséquent aux aidants et soignants.
La médication de ces patients aide à réduire les symptômes de leurs maladies chroniques ou aiguës. Cependant, elle peut aussi provoquer des effets secondaires, tels que des chutes dues à la sédation ou une intoxication médicamenteuse causée par les interactions dans le schéma de prescription. C’est pourquoi, les alternatives non médicamenteuses peuvent être une solution afin d’aider les aidants et augmenter la qualité de vie des patients.
Dans ce cadre du vieillissement de la population, l’innovation dans la prise en charge des seniors semble primordiale afin de les accompagner dans les meilleures conditions de vie. Elle présente également un atout majeur dans l’aide à l’amélioration de leur hygiène de vie et de leur santé.
Le vieillissement cognitif est un processus complexe influencé par une multitude de facteurs biologiques, psychologiques et sociaux. Il est inévitable. Il peut induire selon les personnes, au fil des années, une altération des fonctions cognitives. Une des explications possibles de ce phénomène est explicitée dans la Figure 1. Selon cette théorie, notre cerveau est un organisme cherchant à maintenir des fonctions cognitives stables au cours du vieillissement.
Cependant, en vieillissant, de nombreuses structures cérébrales comme le lobe frontal vont perdre en volume et en connexions cérébrales. Pour assurer des fonctions cognitives au plus haut niveau possible, le cerveau va donc devoir réorganiser ses connexions et essayer de réparer de façon fonctionnelle ce qu’il peut. Il crée donc de nouveaux échafaudages. Plusieurs facteurs peuvent influer sur la réalisation du maintien des fonctions cognitives, et ceci tout au long de la vie.
Notre cerveau dispose de deux réserves, afin de conserver ses fonctions lors du vieillissement :
La réserve cérébrale correspond à des mesures quantitatives de la taille du cerveau, le nombre de synapses et de neurones. La réserve cognitive correspond aux réseaux neuronaux qui sous-tendent la réalisation de tâches. Ces réseaux sont plus efficaces, plus flexibles, et ont de plus grandes capacités. Cela correspond à la capacité à utiliser les réseaux. Ces deux réserves varient selon les individus.
Lors du vieillissement, ces réserves permettent de maintenir les performances cognitives au-dessus d’un seuil au-delà duquel des atteintes fonctionnelles sont observables. Cependant, bien que le vieillissement soit inévitable, la baisse des performances cognitives peut être ralentie par l’expérience de vie, et les activités réalisées tout au long de la vie. Comme explicité en Figure 2, il est donc possible, par un entretien du cerveau grâce à des activités mentales, sociales et physiques, de ralentir ce vieillissement cognitif.
Cependant, il existe également des facteurs qui impliquent une accélération de ce vieillissement. En effet, comme on peut le voir en Figure 1, le stress, des accidents type traumatisme crânien ou accident vasculaire cérébrale (AVC), maladies cardiovasculaires ou encore maladies psychiatriques et neuro-évolutives, peuvent accélérer ce processus. De plus, lorsque l’on vieillit, il est commun d’avoir de plus en plus de problèmes médicaux, souvent traités de façon médicamenteuse.
Or, l’un des problèmes souvent rencontrés chez les personnes multimédicamentées est l’interaction entre les différents médicaments. Cela peut parfois réduire l’action de certains traitements, voire provoquer des effets nocifs pour le corps. Il est donc primordial de trouver d’autres solutions, lorsque cela est possible, pour traiter certaines pathologies ou bien améliorer le confort de vie.
C’est pourquoi les exercices cognitifs et physiques sont bénéfiques. Ils aident les personnes atteintes de pathologies psychiatriques en stimulant le cerveau et le corps. En outre, ils protègent aussi les personnes saines des risques liés au vieillissement cognitif.
La stimulation cognitive correspondant à la stimulation de notre cerveau grâce à des activités, jeux et exercices nécessitant un travail mental, est utilisée depuis de nombreuses années pour le maintien des fonctions cognitives. À titre d’exemple, de nombreuses solutions ont déjà été implémentées, telles que :
Le vieillissement cognitif est un phénomène physiologique qui touche toutes les personnes. Il peut induire une altération des fonctions cognitives au fil des années. La connaissance des mécanismes sous-jacents à ce phénomène est ainsi fondamentale pour comprendre les pathologies associées et adapter les soins. Les sciences cognitives offrent ainsi un éclairage unique sur la nature de la cognition humaine et la manière dont elle façonne notre compréhension du monde qui nous entoure. Un fait est certain :
Cependant, l’expérience de vie et les activités réalisées tout au long de la vie peuvent ralentir ce vieillissement cognitif. Les innovations dans la stimulation cognitive peuvent aider à ralentir le vieillissement cognitif, physiologique ou pathologique, et réduire les besoins en médications.
En effet, bien que la médication permette de pallier de nombreux troubles neurologiques, les interactions dues à la multimédication peuvent provoquer des accidents ou encore des effets secondaires délétères pour l’hygiène de vie des personnes âgées. C’est pourquoi, ces exemples d’innovations de stimulations cognitives peuvent aider à réduire les besoins en médications, et donc une multimédication trop importante. De plus, la stimulation cognitive n’est pas la seule à pouvoir aider à ralentir le vieillissement cognitif, physiologique ou pathologique. Les activités physiques peuvent également aider, comme le tai-chi ou l’aérobic.
Cependant, une des problématiques relevées en résidence senior et en EHPAD reste tout de même les effectifs d’employés et de soignants. Ces derniers ne sont pas suffisants par rapport au nombre de personnes âgées qui sont prises en charge. Or, ce constat ne devrait pas s’améliorer avec le vieillissement de la population, si aucune nouvelle solution n’est apportée.
Malgré ce sous-effectif, ces nouvelles technologies sont tout de même utilisées sous la supervision de ces soignants. Cela les rend difficiles à utiliser quotidiennement, malgré leur intérêt social et médical avéré.
De ce fait, des recherches sont actuellement menées sur l’intégration des robots sociaux et leur design en EHPAD.
Il est primordial de continuer les progrès dans la prise en charge du vieillissement cognitif, par le biais de la stimulation cognitive, malgré la complexité de les réaliser en maisons de retraite et EHPAD. Comme indiqué précédemment, plus on est stimulé dans notre vie, plus on possède une réserve cognitive importante permettant de ralentir le déclin cognitif dû au vieillissement. C’est pourquoi l’innovation peut également se tourner vers des applications plus complètes de la stimulation cognitive, en impliquant le reste des sens, en plus de la vision ou l’audition. Cette dynamique de recherche doit permettre de rester à la pointe de la compréhension du fonctionnement cognitif, physiologique comme pathologique.
Enfin, pour les personnes neuro-atypiques ou encore possédant des maladies neuro-évolutives demandant des implications et des besoins différents, il est important d’innover également dans la prise en charge. Cela concerne particulièrement les pathologies sans traitements pharmaceutiques efficaces, telles que la maladie d’Alzheimer, qui touche plus d’un million de personnes en France avec 225 000 nouveaux cas par an, ainsi que les personnes du spectre du trouble autistique.
Pour poursuivre et nourrir la réflexion sur ce domaine de recherche riche et pluridisciplinaire, un forum organisé par le CNRS intitulé « Intégration des Sciences Humaines et Sociales (SHS) dans les projets européens » avec pour objectif l’intégration des Sciences Humaines et Sociales. C’est en effet un « principe qui s’applique à l’ensemble du programme Horizon Europe. L’objectif général de l’intégration des SHS est d’améliorer l’évaluation et la réponse aux problèmes sociétaux complexes (développés principalement à travers les Clusters, Missions et Partenariats du programme). Ces disciplines constituent donc un élément clé de la recherche et de l’innovation, notamment en ce qui concerne la double transition écologique et numérique. ».
Ce forum se déroulera le 17 septembre 2024, à partir de 9h00, au Conseil régional des Hauts de France à Lille.
Au programme, plusieurs présentations, réseautage et possibilité de prendre un rendez-vous avec les points de contact nationaux SHS du ministère. L’inscription est obligatoire. Elle est possible jusqu’au 8 septembre, minuit.
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