La viande sans viande: quand l’innovation s’invite dans nos assiettes

Le 25 mars 2021


Il apparaît de ces constatations de l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture qu’il est primordial de fournir la population mondiale en nourriture avec des méthodes plus respectueuses de la santé et de l’environnement. Le présent article ne se concentrera que sur la viande dite artificielle.

Il existe trois méthodes pour en obtenir grâce à diverses alternatives :

  • Tout d’abord, un produit à base de plantes et de champignons.
  • Mais aussi, une autre alternative à base d’animaux génétiquement modifiés.
  • Ou enfin, à partir de la culture cellulaire.

C’est sur ce dernier cas que cet article se penchera.

 

L’agriculture cellulaire

 

On définit l’agriculture cellulaire comme l’utilisation de cultures de cellules provenant d’organismes dits hôtes. Ces organismes hôtes peuvent être des animaux, des plantes ou des microbes .

Dans le cas de la viande artificielle, les organismes hôtes sont des animaux.

La viande de synthèse semble s’imposer comme une des alternatives à la viande conventionnelle. Le premier hamburger de viande de culture a été présenté en 2013 . Plusieurs start-ups (Mosa Meat, Peace of Meat, Higher Steaks etc.) se penchent sur l’élaboration de produits à base de viande in vitro. De plus, de gros industriels de l’agroalimentaire tel que l’américain Cargill s’y intéressent, comme le montre l’investissement de ce dernier dans la startup Aleph Farms en 2019 .

L’obtention d’une viande de synthèse nécessite quelques étapes clés. Premièrement, le prélèvement d’un échantillon de muscle de l’animal souhaité. Les cellules satellites musculaires de cet échantillon sont ensuite extraites. Ces cellules sont les principales cellules souches musculaire chez l’adulte.

Ensuite,  ces cellules sont mises en culture et subissent un processus de différenciation qui les amène à devenir des fibres musculaires.

Il est à noter que d’autres composants peuvent être ajoutés à ces fibres pour en améliorer la texture, le goût et la tendresse (tels que des cellules des tissus adipeux ou conjonctif).

La dernière étape consiste à incorporer le composé obtenu dans un produit alimentaire .

 

La production industrielle de viande de culture

 

Actuellement, les techniques d’ingénierie tissulaire permettent d’obtenir des tissus de quelques micromètres d’épaisseur, ce qui ne permet pas de proposer des morceaux entiers de viande . Il est fort probable que les premiers produits de viande de culture seront des produits transformés . L’obtention de « feuilles de cellules » qui servirait de base à des tissus plus épais est aussi explorée .

Notons qu’il n’existe pas encore d’outils permettant de produire de la viande de culture dans des conditions industrielles . Le seul exemple de production de masse d’organismes en culture se trouve dans l’industrie pharmaceutique : des organismes se trouvant dans des bioréacteurs sont utilisés pour produire en grosse quantité des biomolécules thérapeutiques (protéines, anticorps, enzymes…) .

En effet, il reste encore beaucoup d’obstacles à surmonter pour développer la viande de culture à l’échelle industrielle. L’une des limitations techniques identifiées à ce jour réside dans la création d’un système circulatoire artificiel, remplaçant la circulation sanguine, pour alimenter en nutriments et oxygène les cellules et les débarrasser des déchets qu’elles produisent .

Ensuite, les cellules musculaires de viande de culture ont aussi besoin d’être étirées pour ressembler à de la viande naturelle dans la texture, la couleur et le goût .

Enfin, le challenge principal est l’obtention d’un milieu de culture optimal : « il doit être financièrement accessible, ne contenir que des éléments comestibles, être disponible en de grandes quantités et être efficace dans le support à la prolifération et la différenciation » . Les cellules utilisées (de support ou non) sont pour l’instant d’origine animale . Le problème éthique d’exploitation des animaux que pose la consommation conventionnelle s’applique donc encore.

 

L’aspect sociétal de la viande de culture

 

Plusieurs articles scientifiques ont été publiés concernant l’acceptation de celle-ci par le  grand public dans différents pays (États-Unis, Inde, Espagne, Brésil etc.) .

Il apparaît que « beaucoup des personnes sondées seraient prêtes à l’essayer, et une part importante de ces personnes serait prête à en manger régulièrement ou à en manger en tant que remplacement de la viande dite conventionnelle » .

Cependant, les sondés auraient tendance à considérer la consommation de viande de culture comme bénéfique à la société en général, mais considéreraient que les risques d’une telle consommation se feraient ressentir au niveau individuel (goût, nutrition, sécurité alimentaire) .

Il est aussi intéressant de comparer la perception de la viande de synthèse à d’autres sources alternatives de protéines. Les sondés préfèreraient consommer des substituts à base de plantes (steaks de soja par exemple) que de la viande artificielle. Par contre, la viande de culture l’emporte sur la consommation d’insectes (qui est une source de protéines alternative) .

On peut citer comme freins à l’adoption de la viande de culture : le fait qu’elle est perçue comme non-naturelle, la peur des impacts sur la santé qu’elle pourrait avoir, le manque de confiance envers les scientifiques et les organes de contrôle d’hygiène alimentaire, et bien entendu, son prix. Le premier burger de culture évoqué plus haut avait coûté 250 000 euros .

 

L’impact environnemental de la viande de culture

 

Une analyse du cycle de vie de la viande de culture publiée en 2011 indique que celle-ci permettrait de réduire les émissions de gaz à effet de serre, d’utilisation d’eau et d’espace . Les chiffres qu’elle avance sont sujets à modification car, comme évoqué plus haut, l’industrialisation de la viande artificielle n’est pour le moment pas possible .

On peut ajouter que si les conditions de culture des cellules sont bien maîtrisées et contrôlées, il serait possible de limiter la transmission de pathogènes tels qu’Escherichia coli .

Il serait aussi possible de limiter l’exposition à des fongicides, pesticides, antibiotiques et autres substances dangereuses.

Enfin, limiter les interactions hommes-animaux pourrait permettre la diminution de « l’incidence de zoonoses épidémiques ». (Une zoonose est une maladie qui se transmet de l’animal à l’Homme.) .

En ces temps de crise sanitaire, cela pourrait être appréciable.

 

Laure-Patricia BALEP
Rédactrice scientifique

 

 


Lectures associées

Bibliographie

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  • La viande de culture : alternative ou aberration ? (2019, 8 novembre). France Culture.
  • Cargill invests in cultured meat company Aleph Farms. (2019, 14 mai). Cargill. https://www.cargill.com/2019/cargill-invests-in-cultured-meat-company-aleph-farms
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  • Stephens, L. Di Silvio, I. Dunsford, M. Ellis, A. Glencross et A. Sexton, «Bringing cultured meat to market: Technical, socio-political, and regulatory challenges in cellular agriculture,» Trends in Food Science & Technology, pp. 155-166, Août 2018.
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  • González, A. S. K. (2019, 10 juillet). The $280,000 lab-grown burger could be a more palatable $10 in two years. U.S. https://www.reuters.com/article/us-food-tech-labmeat-idUSKCN1U41W8

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La population mondiale devrait atteindre 8,3 milliards de personnes en 2030. Les modes de consommation de nourriture s’uniformisent, et tendent à la consommation de produits à base de viande et de lait. La consommation de viande dans les pays en développement devrait être de 37 kg par personne et par an en 2030 . Sa production industrielle soulève des problèmes tels que l’élimination des déchets, la pollution environnementale, la propagation de maladies animales ou l’utilisation excessive d’antibiotiques .