Le 20 décembre 2022
Par Olivia CERVEAU-REYNAUD, Directrice fiscale
Le 12 décembre 2022, le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (MESR) a mis à jour son site officiel et sa publication dédiée aux « Agréments CIR et organismes privés ».
Pour mémoire, le MESR édite chaque année plusieurs Guides :
S’ils n’ont pas de valeur normative et ne sont pas opposables en cas de contrôle, ces Guides éclairent les sociétés qui souhaitent déclarer du CIR et les praticiens sur les principales évolutions consécutives aux changements de doctrine administrative, aux décisions de jurisprudence, aux pratiques des contrôles…
ABGi se propose de vous expliquer les principales évolutions apportées à la partie dédiée aux « Agréments » du Guide CIR 2022.
Les précisions figurant dans cette édition 2022 du Guide « focus agrément » dépassent le cadre de l’agrément, et proposent une description imagée du raisonnement qu’il convient de suivre pour identifier une opération R&D dans le développement d’un projet d’entreprise. Ainsi, le schéma complexe de l’édition 2021 a été simplifié.
Compte tenu de ce qui précède, une Société qui mène des travaux de R&D doit suivre le raisonnement décrit ci-dessus.
Si un verrou scientifique/technique est identifié, celle-ci devra :
La définition du « développement à titre expérimental » est à nouveau « actualisée ».
Ainsi, une partie de cette définition « édition 2021 » est supprimée : « Composante généralement la plus importante de la R&D des entreprises, le développement expérimental a pour but la mise au point de plans ou de modèles devant déboucher sur des produits ou procédés nouveaux ou nettement améliorés que ce soit pour la vente ou l’utilisation propre de l’entreprise».
Au surplus, cette définition est modifiée comme suit :
Comme rappelé ci-dessus, le développement expérimental, que l’on préfèrera qualifier de développement à titre expérimental, consiste en des travaux systématiques qui s’inscrivent dans la continuité des activités de recherche fondamentale ou de recherche appliquée des entreprises. C’est l’étape qui commence avec la valorisation des connaissances tirées de la recherche et de l’expérience pratique de l’entreprise, dont l’objectif est de déboucher sur de nouveaux produits ou procédés ou d’améliorer considérablement les produits ou procédés existants, et qui prend fin au moment où les critères de la R&D ne sont plus applicables (Manuel de Frascati).
Comme les activités de recherche fondamentale et de recherche appliquée, le développement à titre expérimental est considéré comme une activité de R&D éligible au CIR dès lors qu’il est entrepris pour résoudre un verrou scientifique ou technique clairement identifié et qu’il satisfait aux cinq critères du Manuel de Frascati.
Il est important de noter que le critère de nouveauté s’estime exclusivement par rapport aux nouvelles connaissances scientifiques ou techniques créées par l’activité de développement expérimental, et non par rapport à la nouveauté du produit ou du procédé au centre de l’opération de R&D. En outre, il ne faut pas confondre le « développement expérimental» et le « développement de produits », qui désigne le processus global, allant de la formulation d’idées et de concepts à la commercialisation, engagé pour mettre un nouveau produit (bien ou service) sur le marché.
Le Guide du CIR du MESR propose des développements dédiés à certaines sciences/domaines techniques.
Parmi ces illustrations concrètes, le domaine des « essais cliniques » est régulièrement revu.
Au cas particulier, au titre de l’édition 2022, la notion de « phase IV » des études cliniques a été modifiée et complétée :
« Il s’agit du suivi à long terme d’un traitement alors que le traitement est autorisé sur le marché. Elle doit permettre de dépister des effets secondaires rares ou des complications tardives dans les conditions réelles d’utilisation. »
A la différence des trois premières phases, la phase IV des essais cliniques se situe post « autorisation de mise sur le marché » (AMM). Si les travaux réalisés au titre de cette phase IV font partie de recherches dites « observationnelles ou non-interventionnelles », ils ne relèvent pas d’une démarche expérimentale, au sens du CIR.
A titre exceptionnel, certains essais cliniques observationnels de phase IV pourraient être éligibles au CIR, s’ils permettent la caractérisation d’indicateurs de recherche forts :
Cas particuliers :
Exceptionnellement, l’éligibilité au CIR des études cliniques observationnelles de phase 4 pourra être déterminée au cas par cas par les experts si elles ont donné lieu à une action considérée comme un indicateur de recherche fort, comme par exemple la publication des résultats dans des articles originaux de journaux scientifiques de très haut niveau (Nature Medicine, The Lancet, JAMA, New England Journal of Medicine…).
Les essais ou les études cliniques sponsorisés (Investigator Sponsor Trial (IST) ou Investigator Sponsored Studies (ISS)) ne sont pas éligibles au CIR. Ces essais ou études cliniques peuvent donner droit à des réductions d’impôts au titre du mécénat.
Par ailleurs, certaines études comparatives qualifiables d’« interventionnelles », réalisées en phase IV, peuvent être éligibles au CIR, dès lors qu’elles répondent à la définition suivante :
Certaines phases 4 consistent en des études comparatives entre un groupe traité et un groupe contrôle. Elles ont pour objectif de lever des verrous scientifiques concernant l’utilisation d’un médicament ou de tester son efficacité dans des conditions particulières d’utilisation. Ces phases 4 sont non dénuées de risques pour les volontaires y participant et font partie des recherches interventionnelles. Leur réalisation requière l’autorisation de l’ANSM et l’avis favorable d’un CPP. Elles sont considérées comme des essais cliniques et sont identifiées par un numéro d’enregistrement EudraCT. Les essais cliniques interventionnels de phase 4 peuvent être considérés comme de la R&D. Ils sont donc éligibles au CIR.
Comme indiqué dans son préambule, l’édition 2022 de ce « focus agrément » intègre l’assimilation de la sous-traitance R&D publique à la sous-traitance R&D privée[1].
Pour mémoire, il n’y a plus de distinction de traitement dans l’assiette du CIR entre des travaux techniques confiés à un prestataire privé et deux confiés à un prestataire public ou assimilé public. Depuis le CIR 2022, il faut un agrément CIR du MESR systématiquement.
En outre, les dépenses de recherche externalisées vers des sous-traitants publics ou assimilés ne sont plus doublés dans l’assiette du CIR et sont soumises aux mêmes plafonds que la sous-traitance R&D privée.
Montant éligible chez le donneur d’ordre en fonction du prestataire à partir du millésime 2022 (article 244 quater B II d bis et d ter du CGI)
Les dépenses de R&D externalisées sont retenues pour le montant réel et dans la limite globale de 10 M€ s’il n’existe pas de lien de dépendance entre le donneur d’ordre et le prestataire. Dans le cas contraire, les dépenses de R&D externalisées sont retenues pour le montant réel et dans la limite globale de 2 M€.
Par ailleurs, ces dépenses sont retenues dans l’assiette du donneur d’ordre dans la limite de trois fois le montant total des autres dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d’impôt. Les dépenses ne peuvent donc être retenues que si l’entreprise déclare un total d’autres dépenses égal au minimum au tiers de ces dépenses externalisées auprès de prestataires (avant application des plafonds de 2 ou de 10 M€ mentionnés supra).
Rappel : des liens de dépendance sont réputés exister entre deux entités lorsque l’une détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social de l’autre ou y exerce le pouvoir de décision, ou lorsqu’elles sont placées sous le contrôle d’une même tierce entreprise (2e à 4e alinéas du 12 de l’art. 39 du CGI)
A noter qu’au-delà de la mise à jour de la partie relative au montant éligible chez le donneur d’ordre, la partie « 3. Exemples » ainsi que la partie « 4. Récapitulatif » ont été supprimées dans la version 2022.
Les dates limites de dépôt des demandes d’agréments CIR ont été rectifiées sur le site du MESR et dans le Guide, pour être conformes aux prescriptions de l’annexe III au Code Général des Impôts[1] :
En outre, le détail suivant a été ajouté pour les agréments des organismes suivants :
• Les centres de ressources technologiques (CRT)
L’agrément vise à s’assurer que le centre respecte les conditions pour être qualifié de CRT
• Les structures de recherche sous contrat (SRC)
L’agrément vise à s’assurer que la structure respecte les conditions pour être qualifiée de SRC
• Les organismes de recherche publics ou assimilés (OPR)
L’agrément vise à s’assurer que l’organisme respecte les conditions pour être qualifié d’OPR.
• Les établissements d’enseignement supérieur publics ou privés qui délivrent des diplômes conférant le grade de master
L’agrément vise à s’assurer que l’établissement délivre un diplôme conférant le grade de master.
• Les instituts techniques agricoles (ITA) et agro-industriels (ITAI) et leurs structures nationales de coordination
L’agrément vise à s’assurer que l’institut respecte les conditions pour être qualifié de ITA/ITAI.
• Les communautés d’universités et établissements (COMUE)
Une partie « Transfert de l’agrément » a été ajoutée :
• Les organismes peuvent demander le transfert de leur agrément. Le ministère y répond de manière favorable, ce transfert étant de droit sur simple demande de l’intéressé, dès lors que tous les moyens ont été repris (matériel, personnel, etc.). L’effet du transfert de l’agrément court à compter de la date de la demande.
• Le transfert d’agrément vers une autre entité (SIREN différent de celui de l’organisme agréé) peut être demandé en cas de fusion, absorption, rachat, transmission universelle du patrimoine (TUP), radiation.
• Le transfert d’agrément peut intervenir à partir de l’année à laquelle le changement a eu lieu. Cependant, lorsque la date de dépôt des déclarations CIR est dépassée il n’est pas accordé de manière rétroactive : la situation déclarative ayant généré des droits.
• L’éligibilité des opérations chez le donneur d’ordre se traite de la manière suivante. Le texte législatif parlant de « travaux confiés à », c’est la date de contractualisation (date de signature du contrat) ou date équivalente qui doit être prise comme fait générateur de l’éligibilité de la facture de sous-traitance chez le donneur d’ordre. Ainsi, il suffit que le prestataire soit agréé au moment où lui sont confiés les travaux pour que le donneur d’ordre puisse intégrer dans son assiette la facture de sous-traitance, peu importe que les travaux soient réalisés en tout ou partie et/ou que la facture soit émise avant ou après la date du transfert.
Une partie très détaillée relative aux agréments pour les experts techniques a également été rédigée :
Cas particulier des experts individuels et entreprises unipersonnelles
Une procédure simplifiée est proposée avec un contenu de dossier adapté selon le diplôme et les
publications récentes du demandeur.
ATTENTION : le n° SIREN fourni pour identifier le demandeur de l’agrément en tant qu’expert individuel doit être celui utilisé lors de la facturation aux donneurs d’ordre.
Le point 6 a également été supprimé :
Les procédures de demande d’agrément ont été rappelées :
La suite de l’édition 2022 du Guide du CIR par le MESR devrait être publiée avant la fin de l’année. Ces commentaires pourront donc être prochainement complétés.
Toute votre équipe ABGi se tient à votre disposition dans le suivi des évolutions des dispositifs relatifs au financement de l’Innovation et reste à votre écoute si des questions se présentaient.
[1] Cf. modifications de l’article 244 quater B du Code Général des Impôts, consécutives à l’adoption de la Loi de Finances pour 2022
[2] Cf. article 49 septies H de l’annexe III au Code Général des Impôts
[3] Le site comporte à nouveau une petite erreur en évoquant le 30 mars, plutôt que le 31
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