Dispositifs médicaux numériques en santé mentale : une nouvelle voie innovante

Dispositifs médicaux numériques en santé mentale : une nouvelle voie innovante

Par Alix Saude, Rédacteur scientifique

Présentation générale du secteur  

Généralités

La santé mentale est une préoccupation croissante en France et à l’échelle mondiale. Ces dernières années, divers facteurs tels que la pandémie de Covid-19, les conflits internationaux et la précarité économique ont accentué l’écart entre les besoins en santé mentale et l’offre de soins disponibles. À l’échelle mondiale, une personne sur huit souffre d’un trouble mental.

En France, environ 2,4 millions de personnes sont prises en charge dans des établissements de santé pour des troubles psychiatriques. Ces pathologies représentent le premier poste de dépenses du régime général de l’Assurance Maladie, avec un coût annuel estimé à 19,3 milliards d’euros.

En Europe, les maladies neuropsychiatriques et neurodégénératives constituent la catégorie de pathologies entraînant le plus grand nombre d’années de vie ajustées sur l’incapacité (AVAI) perdues. L’AVAI, ou Disability-Adjusted Life Years (DALY) en anglais, est un indicateur clé en économie de la santé. Il permet d’évaluer la charge globale d’une maladie en combinant deux composantes. D’une part, les années de vie perdues (AVP) en raison d’une mortalité prématurée. D’autre part, les années vécues avec incapacité (AVI) liées à des problèmes de santé ou des handicaps (Tableau 1).

Ces données soulignent l’importance majeure de la santé mentale, tant en France qu’en Europe. Un enjeu central consiste à renforcer la prévention, l’accès aux soins et le suivi des patients. Il est donc essentiel de doter les professionnels de santé des outils nécessaires pour optimiser leur prise en charge.

Catégorie de maladie AVAI (Années de Vie ajustée sur l’Incapacité) perdues (en milliers) Pourcentage total des AVAI perdues
Troubles neuropsychiatriques

Dépression

Alzheimer et autres maladies neurodégénératives

Maladies cardiovasculaires

Cancer

Autres

Total

13 732

4 117

1 989

 

8 838

8 549

20 606

51 725

26,5

8,0

3,8

 

17,1

16,5

39,8

100,0

 

Tableau 1 : Coût social et économique des principales maladies dans les pays européens (Source)

Évolution de la perception et des approches en santé mentale

Historiquement en France, la santé mentale a longtemps été tabou. Les patients ont été mis à l’écart dans des asiles jusque dans les années 1940, par manque de connaissances sur le sujet et de moyens pour aider les malades (trépanation, lobotomie, etc.). Par la suite, aidé par le développement de la psychopharmacologie entre autres, la recherche en psychiatrie a pu se développer et se démocratiser. Enfin, la crise liée au coronavirus a été un vecteur de démystification de la santé mentale, en plus d’avoir permis des avancées majeures dans l’utilisation du numérique. En particulier la télémédecine et la téléconsultation se sont largement développées. Mais également l’intelligence artificielle (IA), ainsi que la robotique.

Définition des troubles mentaux

Le DSM-V (Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux), ouvrage de référence en psychiatrie, fournit une description détaillée des troubles mentaux reconnus. Il inclut notamment leurs critères diagnostiques, prévalence, évolution, facteurs de risque et pronostic. Selon ce manuel, un trouble mental se caractérise par « un syndrome comportemental ou psychologique cliniquement significatif, survenant chez un individu et associé à une détresse concomitante ou à un handicap ou à un risque significativement élevé de décès, de souffrance, de handicap ou de perte importante de liberté« . Il existe différents types de troubles mentaux de natures bien distinctes. Les troubles présentés ci-dessous ne sont pas une liste exhaustive des troubles existants.

Troubles de l’humeur

Les troubles de l’humeur représentent des altérations persistantes de l’état émotionnel affectant significativement le fonctionnement psychosocial. On peut définir une classification clinique telle que :

Les troubles dépressifs

Il s’agit des troubles de l’humeur les plus connus. Ils se caractérisent par des épisodes d’au moins deux semaines de temps, bien qu’en général bien plus longs. Ces épisodes comprennent une altération persistante de l’humeur, marquée par une tristesse intense, une perte d’intérêt généralisée (anhédonie) et une diminution significative du fonctionnement quotidien. Leur étiologie est multifactorielle, impliquant des facteurs biologiques (déséquilibres neurochimiques), psychologiques (schémas cognitifs négatifs) et environnementaux (stress chronique, événements de vie traumatiques).

Le diagnostic repose sur la présence d’au moins cinq symptômes spécifiques pendant une durée minimale de deux semaines, incluant des perturbations du sommeil, de l’appétit, et des idées de dévalorisation ou de suicide. La prise en charge thérapeutique combine généralement une approche médicamenteuse (antidépresseurs) et psychothérapeutique (thérapie cognitivo-comportementale, psychothérapie interpersonnelle), adaptée à la sévérité et aux spécificités cliniques de chaque patient. Le pronostic varie considérablement, allant de la rémission complète à la chronicisation, soulignant l’importance d’une intervention précoce et d’un suivi régulier. En effet, ils permettent de prévenir les récidives et d’améliorer la qualité de vie à long terme.

Les troubles bipolaires

Ils se caractérisent par une alternance pathologique d’épisodes d’exaltation (manie ou hypomanie) et de dépression, perturbant significativement le fonctionnement psychosocial du patient. Leur étiologie est multifactorielle, impliquant des facteurs génétiques, neurobiologiques et environnementaux. Le diagnostic repose sur une anamnèse détaillée et l’utilisation d’outils standardisés, distinguant ainsi principalement le trouble bipolaire de type I (avec épisodes maniaques francs) et de type II (avec hypomanie). La prise en charge thérapeutique est complexe, associant des traitements pharmacologiques (thymorégulateurs) à des approches psychothérapeutiques (TCC, psychoéducation). L’adhésion au traitement et la détection précoce des prodromes sont essentielles pour le pronostic. Ces troubles étant en effet associés à un risque suicidaire élevé et à de fréquentes comorbidités.

Les troubles neurodéveloppementaux

Les troubles neurodéveloppementaux (TND) sont des affections neurologiques qui apparaissent durant la période de développement, souvent avant l’entrée à l’école primaire, et affectent l’acquisition, l’assimilation ou l’application d’aptitudes spécifiques. Ils peuvent impliquer des dysfonctionnements de l’attention, la mémoire, la perception, le langage, la résolution de problèmes ou l’interaction sociale. L’étiologie des TND est également multifactorielle, impliquant des facteurs génétiques (mutations, troubles métaboliques) et environnementaux (complications prénatales, périnatales ou postnatales). Le diagnostic repose sur une évaluation multidisciplinaire, généralement réalisée par un neuropédiatre, pédopsychiatre ou neuropsychologue, s’appuyant sur des bilans et tests spécifiques. Les TND regroupent plusieurs troubles distincts, notamment :

  • La déficience intellectuelle.
  • Les troubles de la communication.
  • Les troubles du spectre autistique.
  • Le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH).
  • Les troubles spécifiques des apprentissages (dyslexie, dyscalculie, etc.).
  • Les troubles moteurs.

Les troubles neuro-évolutifs

Les troubles neuro-évolutifs, ou maladies neurodégénératives, sont des affections chroniques et progressives du système nerveux central, caractérisées par une détérioration des cellules nerveuses. Ils incluent notamment la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson, la maladie de Huntington et la sclérose latérale amyotrophique. Leur étiologie est multifactorielle, impliquant des facteurs génétiques et environnementaux, avec un rôle important des dysfonctions mitochondriales et du stress oxydatif.

Les troubles addictifs

Les troubles addictifs sont des affections chroniques caractérisées par un besoin compulsif de consommer une substance ou de pratiquer une activité, malgré les conséquences néfastes. L’étiologie de ces troubles est, comme les autres, multifactorielle, impliquant des facteurs génétiques, psychologiques et environnementaux. On distingue les addictions aux substances (alcool, drogues) et les addictions comportementales (jeux, internet, hypersexualité). Le diagnostic repose sur des critères comportementaux spécifiques, notamment la perte de contrôle et l’impact négatif sur la vie quotidienne.

Innovations dans le domaine

Grâce à un changement de posture de la société en général, et de la science médicale en particulier, vis-à-vis de la santé mentale, de nouvelles connaissances scientifiques et de nouveaux traitements ont été élaborés. La science du numérique s’est également intéressée à ces pathologies. Ainsi, les dispositifs médicaux numériques se sont grandement développés.

Une définition de dispositifs médicaux numériques est donc nécessaire pour déterminer ce qui en est de ce qui en est exclu. L’ANSM (l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé) propose des critères précis auxquels un dispositif médical numérique doit répondre. Dans cette optique, de nombreux projets ont été développés dans ces thématiques.

La plateforme Moodbuster

La plateforme Moodbuster est une plateforme de thérapie cognitivo-comportementale de la dépression, proposant des modules en ligne. Ces modules permettront de mieux comprendre ce qu’est la dépression, ainsi qu’à avoir une pensée plus positive. De plus, ils aideront à résoudre des problèmes associés à la morosité et à faire plus d’activité physique. Enfin, un travail est également mis en place pour adapter cette plateforme à d’autres troubles mentaux comme les troubles anxieux.

L’application SIMPLe+

L’application SIMPLe+, est un programme permettant un suivi autonome des patients, en concertation avec un médecin, atteints de troubles bipolaires. L’objectif est d’avoir un compagnon digital de psychoéducation et d’auto-évaluation, deux points clés du bon suivi et de la régulation de ces troubles. Cela est rendu possible par des messages de psychoéducation, des tests quotidiens et hebdomadaires sur l’humeur, l’énergie ou encore l’observance médicamenteuse. Cette application permet également d’observer l’évolution de l’humeur grâce à des graphiques créés avec l’analyse de ces tests.

La plateforme Neuralix

La plateforme Neuralix, proposant une évaluation des troubles cognitivo-comportementaux ainsi qu’une prise en charge des handicaps liés. Cette plateforme est destinée aux professionnels de santé. Elle permet une modernisation des pratiques dans le domaine des évaluations comportementales ainsi que leur automatisation. Par ailleurs, la numérisation des évaluations implique une meilleure écologie pour les patients. En parallèle, elle représente un gain de temps pour les praticiens dans l’analyse des résultats. Et enfin, elle offre une accessibilité plus grande aux soins en santé mentale.

Appels à projets en cours du domaine

Dans l’optique de promouvoir la transformation durable des secteurs clés de l’économie française, le plan d’investissement France 2030 a été mis en place. Dans le cadre du Plan d’innovation Santé 2030, plusieurs financements ont été mis en place. Parmi eux, le plan « Dispositifs Médicaux » prévoit « d’accompagner le développement des entreprises du secteur, et ainsi accélérer l’émergence de leaders au niveau international tout en contribuant à la ré-industrialisation de la France dans le domaine des industries de santé. L’objectif du volet dispositif médical de France 2030 est de répondre aux grands enjeux sociétaux en améliorant la qualité de vie des citoyens et d’atteindre une balance commerciale positive pour ce secteur d’ici 2030 ».

Appel à projet Grand Défis « Dispositifs Médicaux Numériques en Santé Mentale »

Dans ce contexte, l’Appel à Projet Grand Défis « Dispositifs Médicaux Numériques en Santé Mentale », vise à soutenir des projets innovants dans le domaine du numérique en santé mentale et psychiatrie. Cet appel à projet est ouvert depuis le 28 janvier 2025 midi (heure de Paris), et restera ouvert jusqu’au 30 septembre 2025 à midi (heure de Paris).

Critères et attentes spécifiques des projets sélectionnés

Les projets pouvant s’inscrire dans le cadre de cet appel à projet sont sélectionnés « selon les besoins médicaux identifiés en santé mentale et en psychiatrie, à savoir : prévention, dépistage/diagnostic, prise en charge ou encore suivi à distance par des dispositifs médicaux numériques (DMN) dans le cadre de la santé mentale incluant, notamment, les troubles psychiques, les troubles addictifs, les troubles neurodéveloppementaux ».

Les dispositifs médicaux numériques développés dans le cadre de ces projets doivent répondre à la réglementation des dispositifs médicaux, excluant les solutions de bien-être en santé mentale. De plus, « une attention particulière sera portée sur les projets pouvant répondre aux besoins spécifiques des enfants, des adolescents et des jeunes adultes dans le dépistage, la prévention, le diagnostic, la prise en charge, le suivi et le rétablissement dans le cadre de la santé mentale des jeunes ».

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