Une définition enrichie de la notion de subvention publique au sens du CIR

Le 12 avril 2022

 

Par Olivia CERVEAU-REYNAUD – Directrice fiscale

Les entreprises doivent s’interroger sur la qualification des aides directes perçues à l’occasion de leurs travaux R&D, afin de vérifier si elles doivent être déduites ou non de l’assiette du Crédit d’Impôt Recherche (CIR). En effet, le principe général est simple : une dépense de recherche ne peut être aidée à la fois indirectement (via le CIR) et directement (via une subvention ou une avance remboursable).

 

Logiquement, l’assiette du CIR doit être retraitée de ces aides directes qui ont le même objet que les travaux et dépenses éligibles au CIR. Reste que le travail d’identification de cette obligation de retraitement est délicat, faute de définition précise de la notion de subvention publique.

 

Les juges administratifs sont souvent sollicités pour compléter le cadre légal et doctrinal.

 

C’est dans ce contexte que s’inscrit une décision intéressante de la Cour Administrative d’Appel de PARIS, souvent pionnière en matière de CIR (CAA Paris 18-2-2022 n° 19PA01989, Institut Forêt Cellulose Bois-Construction Ameublement (FCBA)).

 

Rappel des références propres au CIR

 

La loi précise que « (…) les subventions publiques reçues par les entreprises à raison des opérations ouvrant droit au crédit d’impôt sont déduites des bases de calcul de ce crédit, qu’elles soient définitivement acquises par elles ou remboursables (…) Lorsque ces subventions sont remboursables, elles sont ajoutées aux bases de calcul du crédit d’impôt de l’année au cours de laquelle elles sont remboursées à l’organisme qui les a versées (…) » (cf. les dispositions du III de l’article 244 quater B du Code Général des Impôts).

 

Complétant cette définition légale, la doctrine administrative ajoute que « (…) dans l’hypothèse où une entreprise recevrait une subvention afférente à un projet comportant des opérations ouvrant droit au crédit d’impôt et des opérations n’y ouvrant pas droit, seule la fraction de cette subvention afférente aux opérations ouvrant droit à crédit d’impôt devrait être déduite. Cette fraction est déterminée au prorata du montant des opérations ouvrant droit au CIR (…) (cf. BOI-BIC-RICI-10-10-30-20).

 

Une définition de l’obligation de retraitement de l’assiette du CIR élargie par la jurisprudence

 

Le cas d’espèce soumis à l’analyse des juges portait sur la perception par l’institut Forêt Cellulose Bois – construction Ameublement (FCBA), Centre Technique Industriel déclarant du CIR, des aides suivantes :

  • « (…) aides en provenance du comité professionnel de développement des industries françaises de l’ameublement et du bois (CODIFAB),
  • et aides perçues de l’interprofession nationale France bois forêt (FBF), sur la base de conventions, au titre du projet éligible « Traitement des tannins (…) ».

 

Plus précisément, la première aide concernait le produit d’une taxe parafiscale affectée collectée auprès des acteurs de la filière par un comité professionnel chargé d’une mission de service public. La seconde avait été versée par une organisation interprofessionnelle chargée d’une mission de service public dont les actions étaient financées par les recettes d’une contribution volontaire obligatoire versée par les acteurs économiques relevant des activités représentées au sein de l’interprofession. Les juges ont souligné que les fonds ayant permis de financer chacune de ces aides revêtaient ainsi un caractère obligatoire pour les acteurs de la filière, et sans contrepartie.

 

 

En l’absence de définition légale de la notion de « subvention publique » au sens du CIR, la Cour Administrative d’Appel de Paris juge que doit être regardée comme telle :

  • toute aide versée en vue ou en contrepartie d’un projet de recherche,
  • provenant de l’utilisation de ressources perçues à titre obligatoire et sans contrepartie,
  • que l’aide soit versée par une autorité administrative ou un organisme privé investi d’une mission de service public.

 

Il est notamment mis en avant que les « aides en litige, accordées à l’institut FCBA par le CODIFAB, et dont l’effet, à l’instar du crédit d’impôt, est d’alléger le coût de ses opérations de recherche, doivent être regardées comme constituant des subventions publiques (…) ».

 

Cet arrêt retient une définition très large de la « subvention publique » au sens du CIR.

 

Il est impactant pour les entreprises qui déclarent du CIR en général, et en particulier pour les entités privées disposant d’un secteur lucratif R&D assujetti aux impôts commerciaux, tout en étant titulaire d’une mission de service public.

 

Il est important de noter que ce n’est pas la première fois que les juges d’appel s’essaient à la définition d’une aide à la R&D devant être retraitée de l’assiette du CIR.

 

Ainsi, rappelons qu’en janvier 2019, leurs homologues marseillais considéraient que les prêts à taux zéro (PTZI) pour l’innovation accordés par BPIFrance (anciennement OSEO) devaient être analysées comme des subventions publiques au sens du CIR, considérant notamment que :

« (…) La société OSEO est une société de financement, très majoritairement contrôlée par l’Etat, (…) et la Caisse des dépôts et consignation (…) ayant pour objet de financer des investissements et de soutenir l’innovation des petites et moyennes entreprises au moyen de subventions et de prêts. L’aide consentie par cet organisme doit être regardée comme une subvention publique indirecte, devant être déduite de la base du crédit d’impôt recherche de l’année de son octroi, et qui sera par ailleurs éligible au crédit d’impôt recherche pour l’année au cours de laquelle elle sera remboursée (…) » (cf. CAA Marseille, 3ème chambre, 17 janvier 2019, n°17MA00207 et 17MA00208).

 

Quels repères permettent d’identifier un soutien à la R&D devant être déduit de l’assiette du CIR ?

 

Compte tenu de ce qui précède, une entreprise qui souhaite bénéficier du CIR doit être très vigilante quant à la qualification des mesures de soutien à la R&D auxquelles elle a eu droit.

 

Il ne faut pas qu’elle s’arrête à l’intitulé de l’aide (prêt, versement par un comité professionnel financé par une taxe parafiscale…). Elle doit bien investiguer à chaque fois le champ d’application de l’aide, ses conditions et identifier l’organisme en charge de son octroi.

 

Ainsi, il faut notamment se poser la question de la nécessité d’un retraitement de l’assiette du CIR, lorsque ces soutiens R&D ont les caractéristiques suivantes :

  • Ce soutien est accordé par une entité publique ou privée investie d’une mission de service public ;
  • Son champ d’application recouvre des dépenses de recherche (dépenses de personnel, immobilisation, sous-traitance R&D…) ;
  • Il est accordé sans contreparties et peut être obligatoire.

 

Comment retraiter les aides et subventions à la R&D qui doivent être déduites de l’assiette du CIR ?

 

Si de tels soutiens sont identifiés, il conviendra :

  • pour les subventions et aides remboursables, de les déduire de la base de calcul du CIR de l’année (ou des années) au cours de laquelle (ou desquelles) les dépenses éligibles que ces aides directes ont vocation à couvrir sont exposées,
  • pour les aides remboursables (et PTZI de la BPI), de les ajouter à la base de calcul du CIR de l’année du remboursement, même si aucune dépense de recherche n’a été exposée cette année-là (cf. BOI-BIC-RICI-10-10-30-20).

 

Enfin, si un doute sur la qualification de l’aide RD&I octroyée subsiste, il peut être intéressant de solliciter en amont de la déclaration l’avis de l’Administration fiscale (rescrit CIR).

 

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