Point d’étape | Projet de Loi de finances 2025
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Par Capucine Lalliard, Rédactrice Scientifique
La métallurgie, bien que cruciale pour de nombreux secteurs clés tels que l’automobile, la construction et l’aéronautique, est l’un des domaines les plus polluants à l’échelle mondiale. Selon Holappa, cette industrie est responsable d’environ 7% des émissions mondiales de CO₂, soit environ 1,8 tonne de CO2 libéré pour chaque tonne d’acier produite. Cela en fait ainsi un acteur majeur de la crise climatique. Ces émissions proviennent principalement de l’utilisation de combustibles fossiles dans les processus de réduction du minerai de fer et de la dépendance aux procédés qui nécessite une importante consommation en énergie. De plus, l’extraction minière, étape essentielle de l’approvisionnement en matières premières, consomme des quantités énormes d’énergie et d’eau. Tout en engendrant une pollution des sols et des écosystèmes aquatiques. Face à ces enjeux, la transition vers une métallurgie durable s’impose comme une nécessité.
Dans ce contexte, les engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat jouent un rôle fondamental. Adopté en 2015, cet accord vise à limiter le réchauffement climatique à moins de 2°C, avec un objectif idéal de 1,5°C, en réduisant drastiquement les émissions de gaz à effet de serre (GES) à l’échelle mondiale. Pour atteindre ces objectifs, l’industrie doit évoluer et développer de nouvelles innovations technologiques.
En réponse aux exigences environnementales, le secteur a entamé une transition vers des pratiques plus durables. La sidérurgie verte, ou « green steelmaking », représente une avancée majeure dans la réduction des impacts écologiques de l’industrie métallurgique. Notamment pour cette industrie traditionnellement dépendante des combustibles fossiles. Plusieurs innovations et évolutions récentes marquent cette transition vers des pratiques plus durables.
L’une des évolutions les plus significatives est l’adoption de l’hydrogène comme agent réducteur dans la production de fer (minerai) et d’acier, en remplacement du charbon. Par exemple, le projet HYBRIT, lancé en Suède, a démontré qu’il est possible de produire de l’acier sans émissions de CO₂. Cette approche repose sur l’utilisation d’hydrogène vert, produit par électrolyse de l’eau à partir d’énergie renouvelable.
En parallèle, le recyclage des métaux s’intensifie, réduisant la demande de matières premières primaires et les émissions associées à leur extraction. Aujourd’hui, près de 32% de l’acier produit dans le monde provient de la ferraille recyclée. Un chiffre en constante augmentation grâce à l’adoption de fours électriques alimentés par des énergies renouvelables. Ces avancées permettent non seulement de diminuer l’empreinte carbone, mais aussi de préserver les ressources naturelles.
Les technologies de Captage et de Stockage du Carbone (CSC) gagnent également du terrain. En effet, elles représentent une option complémentaire pour réduire les émissions résiduelles des hauts fourneaux traditionnels. Le programme européen ULCOS (Ultra Low CO2 Steelmaking) explore depuis plusieurs années des solutions combinant CCS et procédés innovants pour atteindre une réduction drastique des émissions.
Cependant, l’horizon semble s’assombrir pour les projets de décarbonation engagés dans ce domaine pourtant stratégique, qui œuvre directement à la préservation de la souveraineté française et européenne. En effet, le secteur est frappé de plein fouet par une crise économique majeure. C’est l’ensemble de la sidérurgie européenne qui est concerné. Les acteurs du domaine ont besoin d’un plan d’urgence fort pour protéger la sidérurgie à l’échelle européenne.
Pour atteindre ces objectifs, l’industrie doit se réinventer et doit continuer les travaux de recherches. En particulier, elle doit se concentrer sur les axes suivants.
Afin de remplacer les combustibles fossiles, le développement des alternatives durables, telles que l’hydrogène vert produit par électrolyse de l’eau, est essentiel. Cependant, actuellement, seulement 4% de l’hydrogène mondial provient de l’électrolyse de l’eau.
Environ 30% de l’acier produit à l’échelle mondiale provient du recyclage de ferraille. Cette part devrait néanmoins atteindre 50% d’ici 2050. Cette évolution entrainera une diminution des processus de réduction du minerai de fer, mais aussi le développement de processus moins énergivores, comme les EAF.
Le déploiement du CCUS est une avancée majeure pour réduire l’empreinte carbone de l’industrie métallurgique. Elle permet de capturer le CO2 émis lors des processus industriels, de le stocker ou de le réutiliser dans des applications telles que la production de carburants synthétiques ou de matériaux de construction. Le CCUS offre une solution concrète pour faire face à l’urgence climatique. Notamment lorsqu’il est combiné avec les énergies renouvelables pour minimiser les émissions globales. La France prévoit, entre 2025 et 2030, des premiers déploiements pour capturer entre 4 et 8 millions de tonnes de CO2 par an. Notamment dans les HUBS industrialo-portuaires du Havre, Dunkerque, Saint-Nazaire et de l’axe Rhône.
A l’ère de l’Industrie 4.0, la digitalisation et l’automatisation transforment l’industrie métallurgique. Des technologies telles que l’Internet des Objets (IoT) et l’Intelligence Artificielle (IA) permettent une surveillance en temps réel, une réduction des pertes énergétiques et matérielles, ainsi que l’optimisation des ressources. Ces innovations renforcent également la durabilité des procédés en intégrant les énergies renouvelables et en limitant les défaillances coûteuses.
Des études comme celle de Maslak et al. (2023) démontrent comment l’efficacité énergétique et la numérisation de la production optimisent la consommation d’énergie et améliorent les performances environnementales de l’industrie métallurgique. Des technologies telles que les fours à haut rendement, les systèmes de récupération de chaleur résiduelle et les systèmes de contrôle avancés permettent de réduire les déchets et de renforcer la compétitivité. Ces outils stratégiques, intégrés à un modèle « Énergie-Métallurgie : Production-Consommation », offrent des perspectives d’innovation. Ils permettent notamment d’augmenter la part de marché et les revenus des entreprises tout en soutenant les synergies entre les secteurs métallurgiques et énergétiques.
L’avenir de la sidérurgie durable est lié aux progrès technologiques et aux changements réglementaires à venir. En effet, les innovations dans les domaines de la réduction des émissions, du recyclage et de l’optimisation énergétique permettront à l’industrie de devenir plus verte. Elle devra cependant également répondre à une demande croissante de matériaux durables.
Le secteur est également influencé par les politiques climatiques et les réglementations environnementales. Le Pacte vert pour l’Europe, visant la neutralité carbone d’ici 2050, fixe des objectifs de réduction des émissions de 55% d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990. Ces objectifs ambitieux pour la réduction des émissions de CO₂ incitent ainsi les industries à adopter des technologies propres.
Les principaux objectifs de cette initiative européenne sont de décarboner l’industrie, promouvoir l’économie circulaire, et investir dans l’innovation verte. Les entreprises métallurgiques devront se conformer à ces exigences, ce qui inclut des investissements dans la recherche et l’innovation pour faciliter l’adoption de technologies vertes.
Pour relever les défis environnementaux liés à la production d’acier, plusieurs projets européens sont en cours dans le secteur sidérurgique. Le projet HYBRIT, comme vu précédemment, dirigé par SSAB, Vattenfall et LKAB en Suède, explore l’utilisation de l’hydrogène vert pour remplacer le charbon dans la production d’acier. Son objectif est d’éliminer les émissions de CO₂.
Par ailleurs, d’autres acteurs clés de l’industrie sidérurgique européenne ont annoncé des projets de conversion vers des technologies plus respectueuses de l’environnement. Salzgitter, Tata Steel Netherlands (TSN) et Thyssenkrupp Steel (TKS) prévoient ainsi de convertir l’ensemble de leur production vers la technologie H2-DRI-EAF (Réduction directe par hydrogène et four électrique à arc) d’ici 2030-2033. Cette approche permet de remplacer le charbon utilisé dans la production d’acier par de l’hydrogène vert. Elle permet ainsi une réduction significative des émissions de CO₂ liées à ce processus d’environ 95%.
Dans ce contexte, les avancées réalisées en Asie illustrent comment l’innovation peut transformer l’industrie face aux enjeux environnementaux. Parmi ces initiatives, le projet COURSE50, soutenu par le NEDO (New Energy and Industrial Technology Development Organization) et initié par la JISF (Japan Iron and Steel Federation), vise à réduire de 30% les émissions de CO₂ des hauts-fourneaux d’ici 2050. Le projet s’appuie sur l’utilisation de gaz riches en hydrogène pour remplacer partiellement le carbone comme agent réducteur, ainsi que sur le captage et la réutilisation du CO₂ émis.
Dans la poursuite de ces travaux, Nippon Steel, leader mondial de l’acier, développe SuperCOURSE50, une version avancée du projet initial. Il vise des réductions d’émissions encore plus importantes grâce à l’intégration de procédés innovants basés sur l’hydrogène vert, tout en augmentant l’efficacité énergétique.
Les succès de Nippon Steel offrent une source d’inspiration pour l’Europe dans leur propre transition vers des technologies industrielles bas-carbone.
Les efforts européens pour répondre aux défis environnementaux et énergétiques incluent plusieurs programmes de financement. Ces initiatives visent à promouvoir des technologies plus durables, à réduire l’empreinte carbone, tout en renforçant la compétitivité des industries européennes. Cette section présente quelques-uns de ces programmes phares.
Horizon Europe, acteur clé de la recherche et de l’innovation en Europe, en phase avec les objectifs climatiques du Pacte Vert européen, joue un rôle déterminant dans l’accélération de la transition vers une sidérurgie durable. Doté d’un financement de 95,5 milliards d’euros pour la période 2021-2027, ce programme soutient des projets qui favorisent des technologies de rupture capables de réduire drastiquement les émissions de CO₂ liées à la production d’acier. En plus de promouvoir l’efficacité énergétique, ces initiatives mettent en avant l’utilisation d’énergies renouvelables et des matériaux recyclés, tout en renforçant la compétitivité industrielle européenne.
Des projets novateurs illustrent cet engagement, tels que H2GreenSteel, qui mise sur l’hydrogène vert basé sur de l’électricité neutre en carbone pour remplacer le charbon dans la réduction du minerai de fer. Cette approche permet de réduire de près 90% ou plus les émissions de CO2.
Innovation Fund est un programme de financement de l’Union européenne qui vise à soutenir les technologies de décarbonation à grande échelle. Il cible notamment les secteurs à forte intensité énergétique, tels que l’industrie de la métallurgie. Il fait partie des programmes Horizon 2020 et Horizon Europe et dispose d’un budget de 10 milliards d’euros pour la période 2020-2030.
Un exemple de projet soutenu par l’Innovation Fund est HYBRIT, un projet entre SSAB, Vattenfall, et LKAB. Ce projet vise à remplacer l’utilisation du charbon par de l’hydrogène dans le processus de production de l’acier.
Le programme Research Fund for Coal and Steel (RFCS) est un programme de financement de l’Union européenne qui vise à soutenir la recherche et l’innovation dans les secteurs du charbon et de l’acier pour la période 2021-2027. Les objectifs du RFCS sont nombreux : réduire les émissions de CO2 dans la production d’acier, soutenir la transition énergétique de l’UE et aider les régions charbonnières dans leur reconversion industrielle.
Pour atteindre ces objectifs, le RFCS finance des projets de recherche et de démonstration dans différents domaines. Ces domaines incluent la production d’acier propre, la capture et le stockage du carbone, la réduction directe du minerai de fer ou encore la transition des anciennes régions charbonnières.
Un des projets financés par le RFCS est le projet InSGeP (Investigations of Slags from Next Generation Steel Making Processes), lancé en 2023. Il vise à identifier et à valoriser les scories produites par les futurs processus de fabrication de l’acier à faible émission de CO2. L’objectif est de définir des applications innovantes pour les scories produites par les futurs processus de fabrication de l’acier à faible émission de CO2. Ces applications doivent s’intégrer dans la chaîne de valeur existante, sans perturber l’industrie sidérurgique et d’autres secteurs qui utilisent déjà les scories comme matière première. Les scories sont évaluées en fonction de leurs propriétés chimiques, minérales, environnementales et physiques. Différentes méthodes de traitement sont utilisées pour obtenir les caractéristiques physiques souhaitées pour diverses applications et produits compatibles avec l’environnement.
Dans la quête d’une industrie métallurgique plus durable, le partenariat entre ArcelorMittal et Genvia marque une étape importante dans la recherche d’une industrie métallurgique plus respectueuse de l’environnement. Les deux entreprises ont lancé en collaboration un projet pilote à Saint-Chély-d’Apcher, dans le sud de la France. Ce projet teste l’utilisation de l’hydrogène décarboné dans la production d’aciers électriques, un matériau crucial dans les moteurs électriques et les transformateurs.
Ce projet vise à remplacer le charbon, traditionnellement utilisé comme agent réducteur, par de l’hydrogène produit à partir de sources d’énergie renouvelable. L’objectif est de réduire drastiquement les émissions de CO₂ associées à la production d’acier, qui est l’un des principaux contributeurs industriels au changement climatique. À Saint-Chély-d’Apcher, une usine réputée pour son expertise en aciers spéciaux, les technologies innovantes de Genvia en matière d’électrolyse haute température seront mises à l’épreuve pour produire cet hydrogène vert.
Les premiers résultats attendus sont prometteurs, de plus, cette initiative explore la faisabilité technique et économique de cette transition, ouvrant la voie à un déploiement à plus grande échelle.
Ce projet s’inscrit dans les objectifs de neutralité carbone d’ArcelorMittal à l’horizon 2050 et dans la stratégie européenne de transition énergétique. Si les essais sont concluants, cette innovation pourrait transformer le secteur de l’acier et devenir un modèle pour d’autres industries.
En associant innovation technologique et durabilité, ce partenariat démontre qu’une métallurgie décarbonée est non seulement possible, mais essentielle. Particulièrement pour relever les défis climatiques tout en répondant aux besoins croissants en matériaux performants et durables.
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