Point d’étape | Loi de finances 2025

Le 21 octobre 2024

Par Olivia CERVEAU-REYNAUD, Directrice fiscale Associée

Présenté le 10 octobre dernier en Conseil des Ministres, le Projet de Loi de Finances pour 2025 a déjà connu pas mal d’évolutions.

S’agissant plus particulièrement de la fiscalité de l’innovation, plus d’une cinquantaine d’amendements ont été déposés concernant ces dispositifs, qui n’étaient pas visés par le projet de Loi gouvernemental.

Ce week-end, la commission des finances de l’Assemblée a passé en revue les nombreux amendements, notamment ceux relatifs au Crédit d’Impôt Recherche (CIR), au Crédit d’Impôt Innovation (CII), ainsi qu’au Crédit d’Impôt Frais de Collection (CIC).

La fiscalité à taux réduit appliquée aux revenus tirés de la Propriété Industrielle, dénommée parfois « IP Box », a également fait l’objet d’amendements, sur lesquels les députés se sont prononcés.

Ainsi, à l’issue de ces travaux, certains amendements ont été retirés, d’autres rejetés. S’agissant des dispositifs incitatifs relatifs au CIR, CII, et CIC, une petite dizaine d’entre eux ont été adoptés.

 

Etat des lieux des amendements adoptés diminuant le CIR

 

L’amendement CF723 de Monsieur Corentin Le Fur (DR Côtes d’Armor), excluant du bénéfice du CIR les entreprises du secteur financier et du secteur de l’assurance a été adopté.

Notre avis :

  • L’adoption de cette mesure revient à ignorer l’existence et la pertinence de la recherche française dans le domaine financier, pourtant hautement stratégique.
  • La France doit conserver sa souveraineté et sa compétitivité dans le secteur bancaire et des assurances.
  • La recherche dans le secteur financier couvre des sujets techniques cruciaux comme la cybersécurité, l’intelligence artificielle…
  • La R&D dans le secteur financier concourt très directement à la sécurité financière qui est due aux consommateurs. Il est donc stratégique qu’elle reste en France.
  • Par ailleurs, il convient d’espérer que les députés et sénateurs prennent la mesure du risque de la création d’une sectorisation du CIR. En effet, cette exclusion sectorielle est contraire aux fondements même du CIR, qui couvre tous les secteurs de la recherche, au sens notamment du fameux Manuel de FRASCATI.

De plus, l’amendement CF1447 de Madame Christine Pirès Beaune (SOC Puy-de-Dôme), transformant le CIR en réduction d’impôt pour certaines grandes entreprises, a également été adopté. Cette transformation du CIR en réduction d’impôt, viserait les sociétés qui emploient plus de 5 000 personnes et qui ont un chiffre d’affaires annuel supérieur à 1,5 milliard d’euros ou un total de bilan de plus de 2 milliards d’euros.

Notre avis :

  • Ici encore, il est possible de s’interroger sur l’efficacité et la pertinence d’une telle mesure.
  • Au-delà de la complexité qu’elle entraine dans la gestion du dispositif fiscal, elle revient à priver les groupes français qui serait en difficulté (constatant des déficits), de la pertinence de l’aide, à un moment où ils en ont peut-être le plus besoin.

Par ailleurs, un autre amendement de Madame Christine Pirès Beaune a été adopté. Ainsi, l’amendement CF1514

propose de fixer les principes du décompte du temps de travail des personnels, au titre desquels les dépenses sont éligibles au bénéfice du CIR.

Notre avis :

  • Le principe est pertinent, mais il n’est pas évident que le véhicule législatif soit le bon destinataire de cette mesure.
  • En effet, il s’agit de préconisations tout à fait légitimes et déjà identifiées, tant par les sociétés déclarantes, soumises au principe de la preuve objective, que par les organes de contrôles.
  • Ainsi, tant la doctrine administrative, que le Guide du CIR, rappellent la nécessité de justifier les temps des chercheurs et techniciens R&D retenus dans le CIR.

Enfin, suivant les conclusions du rapport de l’Inspection Général des Finances, Monsieur Charles de Courson (LIOT Marne), rapporteur général, a vu son amendement CF1870 adopté.

Ce dernier souhaite recentrer le CIR sur les dépenses de recherche, au sens du Manuel de FRASCATI, référence R&D internationale. Ce faisant, il souhaite exclure de l’assiette du crédit d’impôt les dépenses liées aux brevets, à la normalisation et à la veille technologique.

Il espère ainsi réaliser une économie de 250 M d’€uros.

Notre avis :

  • La défense de la propriété industrielle des entreprises est fondamentale.
  • Les entreprises françaises font de la recherche et du développement, mais ne protègent pas assez la propriété industrielle (PI) qu’elle génère à l’issue des travaux de R&D qu’elles réalisent.
  • En effet, la PI représente un coût non négligeable, et parfois trop élevé, notamment pour nos PME, qui peuvent y renoncer.
  • Le CIR permet de soutenir l’effort des entreprises dans la génération et la protection de leurs droits de propriété industrielle (brevet et certificat d’obtention végétal).

 

Etat des lieux des amendements adoptés visant à proroger des dispositifs dont la fin était programmée pour le 31 décembre prochain

 

    Plusieurs amendements visant à proroger au-delà du 31 décembre 2024 le CII et le CIC ont été adoptés en commission.

    Il s’agit notamment des amendements CF229CF1307CF1497 de Messieurs Denis Masséglia (EPR Maine-et-Loire), Madame Félicie Gérard (HOR Nord) et Monsieur Stéphane Delautrette (SOC Haute-Vienne), ainsi que des amendements CF1502CF1791 de Madame Christine Pirès Beaune et de Monsieur  Paul Midy (EPR Essonne).

    Les PME pourraient ainsi continuer de bénéficier des dispositifs CII et CIC, s’ils étaient définitivement adoptés, jusqu’au 31 décembre 2027.

    Notre avis :

    • Cette prorogation fait sens.
    • Ces deux dispositifs couvrent des activités différentes et complémentaires au CIR.
    • Dédiés aux PME, ils ont été identifiés par les entreprises comme un soutien financier clé à leurs projets d’innovation (produit) et à la création de nouvelles collections (dans le domaine du secteur textile-cuir-habillement).
    • Dans le même temps, le montant de leurs créances est maîtrisé.

     

    Etat des lieux des amendements adoptés visant à « raboter » le dispositif IP Box

     

    L’amendement CF1283 de Monsieur Paul Midy (EPR Essonne) visant à plafonner le bénéfice du taux réduit d’imposition, pour les entreprises ayant opté à l’IP Box, a été adopté en commission.

    Ainsi, le bénéfice de l’imposition séparée ne pourrait excéder 20 millions d’euros par bénéficiaire.

    Monsieur Midy considère que le dispositif, réformé en 2019, n’a pas concouru à augmenter significativement le nombre de brevets déposés en France.

    Notre avis :

    • Le soutien de la recherche en France passe par la proposition d’une fiscalité des produits issus de la propriété industrielle attractive.
    • L’instauration d’un tel plafond ne semble pas pertinente à la lumière des enjeux que l’IP Box concourt à préserver.

    Notre direction fiscale poursuit sa veille et ses actions pour défendre les dispositifs d’aides fiscales à la recherche et à l’innovation.

    Olivia CERVEAU-REYNAUD,

    Directrice fiscale et Associée

     

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